Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 29 novembre 1972, n° 71-12.554

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Montera

Rapporteur :

M. Fabre

Avocat général :

M. Laguerre

Avocat :

Me Beurdeley

Paris, du 4 mai 1971

4 mai 1971

SUR LES TROIS PREMIERS MOYENS : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QU'EN DECEMBRE 1967, CAMILLE X... A DONNE MANDAT EXCLUSIF, JUSQU'AU 31 MARS 1968, A LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE ROGER BORDAT DE VENDRE LES PARTS ET PORTIONS INDIVISES QU'IL POSSEDAIT DANS LA PROPRIETE D'UN IMMEUBLE, SOUS LA RESERVE QUE LE PRIX DE VENTE TOTAL DE CE BIEN NE SOIT PAS INFERIEUR A 600000 FRANCS ;

QUE PAR UN ACTE SOUS-SEING PRIVE DATE DU 31 JANVIER 1968, L'ENSEMBLE DES COINDIVISAIRES ONT PROMIS DE VENDRE A LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE MARTEL-ETOILE, REPRESENTEE PAR SON GERANT Y..., LE MEME IMMEUBLE, POUR LE PRIX DE 600000 FRANCS SOUS LA CONDITION DE L'OBTENTION, AVANT LE 30 AVRIL 1968, DE L'AUTORISATION DU JUGE DES TUTELLES RELATIVEMENT AUX DROITS DE DEUX DES INDIVISAIRES QUI ETAIENT MINEURS DE 21 ANS ;

QUE, LE REFUS DE L'AUTORISATION JUDICIAIRE AYANT RENDU CADUQUE CETTE PROMESSE, LA SOCIETE CIVILE MARTEL-ETOILE A FAIT ASSIGNER CAMILLE X... A L'EFFET D'ETRE DECLAREE PROPRIETAIRE DES PARTS DE CELUI-CI, REPRESENTANT LES 96 / 192 DE LA PROPRIETE DE L'IMMEUBLE ;

QUE LE DEFENDEUR, A CETTE ACTION, A APPELE EN GARANTIE LA SOCIETE ROGER BORDAT ;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR REJETE LA DEMANDE PRINCIPALE ET DECLARE INOPPOSABLE A X... UN ACTE, EN DATE DU 8 JANVIER 1968, PASSE ENTRE SON MANDATAIRE ET Y... REPRESENTANT LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE, PORTANT VENTE DES DROITS INDIVIS DE X... DANS L'IMMEUBLE SOUS LA CONDITION DE NON-RESILIATION DE LA CONDITION SUSPENSIVE INSEREE DANS LA PROMESSE DE VENTE DE L'IMMEUBLE DATEE DU 31 JANVIER 1968 MAIS QUI AURAIT ETE SIGNEE PAR LE MEME ACQUEREUR LE 8 JANVIER 1968, ALORS, SELON LES MOYENS, QUE, D'UNE PART, UN ACTE SOUS-SEING PRIVE FAIT FOI DE SA DATE ENTRE LES PARTIES JUSQU'A PREUVE CONTRAIRE ET QUE LES ECRITS DU MANDATAIRE ONT, A L'EGARD DU MANDANT, LA MEME FORCE PROBANTE QUE S'ILS ETAIENT SON OEUVRE ;

QUE, D'AUTRE PART, RIEN NE PERMET DE RETENIR QUE CET ACTE DE CESSION DE PARTS AIT PU ETRE SIGNE AVANT QUE X... EUT NOTIFIE AU CABINET BORDAT LA REVOCATION DE SON MANDAT, PAR UNE LETTRE DATEE DU 6 FEVRIER 1968 MAIS EXPEDIEE LE 6 MARS, ET, EN TOUS CAS, AVANT LE 13 MARS, DATE A LAQUELLE LE TIERS ACQUEREUR EN A EU CONNAISSANCE ;

QU'IL EST AUSSI PRETENDU QUE, POUR DECIDER COMME ILS L'ONT FAIT, LES JUGES D'APPEL ONT DENATURE UNE LETTRE ADRESSEE LE 22 FEVRIER 1968 PAR LE CONSEIL DE X... AU CABINET BORDAT, DONC ANTERIEUREMENT A LA REVOCATION DU MANDAT, ET QUI ETABLIT LA CONNAISSANCE QUE X... AVAIT DEJA DE LA CESSION DE PARTS INDIVISES, ET EN OUTRE ONT MECONNU LES CONCLUSIONS D'APPEL DE LA SOCIETE BORDAT FAISANT VALOIR QUE, DANS SES ECRITURES, LE DEFENDEUR A L'ACTION N'AVAIT PAS CONTESTE AVOIR RECU DEUX LETTRES DU 18 JANVIER 1968 CONCERNANT LES DEUX CONVENTIONS PASSEES LE 8 JANVIER ;

QU'IL EST ENCORE SOUTENU, D'UNE PART, QUE LE MANDATAIRE NE POUVANT RIEN FAIRE AU-DELA DE CE QUI EST PORTE DANS SON MANDAT, Y... NE POUVAIT OBTENIR DU CABINET BORDAT UNE VENTE FERME DE LA TOTALITE DE L'IMMEUBLE QU'IL N'AVAIT PAS POUVOIR DE CONCLURE, AINSI QUE CELUI-CI LE SOULIGNAIT DANS DES CONCLUSIONS QUI SONT RESTEES SANS REPONSE, ET, D'AUTRE PART, QU'EN RAISON DE LA CONDITION SUSPENSIVE AFFECTANT LA VENTE CONSTATEE PAR L'ACTE DU 31 JANVIER 1968 Y... NE POUVAIT, LE 8 JANVIER, QU'ACCEPTER UNE PROMESSE DE VENTE ET NON SOUSCRIRE, COMME L'AFFIRME LA COUR D'APPEL, UNE VENTE FERME, NECESSAIREMENT AFFECTEE DE LA MEME CONDITION ET QUI, EN LIANT LA SOCIETE MARTEL-ETOILE, N'AURAIT PRESENTE POUR ELLE AUCUN AVANTAGE SUR LA PROMESSE SIGNEE PAR SON MANDATAIRE, D'AUTANT QUE L'INTERET DE LA VENTE FERME ETAIT SAUVEGARDE PUISQU'ELLE ETAIT SUBORDONNEE A LA NON-REALISATION DE LA CONDITION SUSPENSIVE SOUS LAQUELLE AVAIT PASSEE LA PROMESSE DE VENTE DE L'IMMEUBLE DANS SON ENTIER, ET QU'AU SURPLUS, LA STIPULATION ET LE VERSEMENT D'ARRHES CONFERAIENT A CETTE PROMESSE DE VENTE UNE SOLIDITE ET UN INTERET AUSSI GRANDS QUE LA VENTE DES BIENS INDIVIS ET QUE, SUR CE POINT, LES MOTIFS DUBITATIFS DE LA COUR D'APPEL NE SAURAIENT FONDER LEGALEMENT SA DECISION PAS PLUS QUE CEUX, CONTRADICTOIRES, QUI PRENNENT EN CONSIDERATION LA PROPOSITION D'UN ACQUEREUR EVENTUEL POUR RECONNAITRE ENSUITE QU'IL N'ETAIT NULLEMENT INTERESSE PAR L'ACQUISITION DES PARTS INDIVISES ;

QU'ENFIN, LES DEMANDEURS AU POURVOI FONT ETAT DE CE QUE LA CESSION DE PARTS INDIVISES CONCLUE ENTRE BORDAT ET Y... EST INTERVENUE LE 8 JANVIER, SOIT BIEN ANTERIEUREMENT A LA DECISION DU REFUS DU JUGE DES TUTELLES QUI EST DU 19 MARS SUIVANT, AINSI QUE L'ONT ADMIS TOUS LES AUTRES COINDIVISAIRES QUI ONT RATIFIE, PAR ACTE AUTHENTIQUE, LA VENTE DE LEURS PARTS RESPECTIVES, PRIVANT AINSI DE TOUT FONDEMENT L'ALLEGATION, PAR LES JUGES D'APPEL, D'UN PRETENDU SUBTERFUGE ;

MAIS ATTENDU QU'ANALYSANT LA CORRESPONDANCE ECHANGEE ENTRE LA SOCIETE ROGER BORDAT ET LES REPRESENTANTS DES SOCIETES FREVAL-SIBON ET FILS, ET VERROCERAM, LOCATAIRES DANS L'IMMEUBLE, QUI AVAIENT FAIT UNE OFFRE D'ACHAT POUR LE PRIX DE 725000 FRANCS, LES JUGES D'APPEL, APRES AVOIR RELEVE LE CARACTERE MENSONGER DES EXPLICATIONS DONNEES PAR LE CABINET BORDAT SUR LA REELLE SITUATION DE CET IMMEUBLE ET STIGMATISE L'ATTITUDE SINGULIERE DE CE MANDATAIRE, CONCLUENT " QU'IL APPARAIT QUE TOUT S'EST PASSE COMME SI CETTE SOCIETE BORDAT, DESIREUSE D'ASSURER A Y... LE BENEFICE D'UNE PROMESSE DE VENTE DE L'IMMEUBLE AU PRIX DE 600000 FRANCS, AVAIT OBTENU DES COINDIVISAIRES LA SIGNATURE DE LA PROMESSE DU 31 JANVIER 1968, SANS LES INFORMER DES PROPOSITIONS DES SOCIETES VERROCERAM ET FREVAL-SIBON ET COMME SI, DANS LA SUITE, APRES LES DIFFICULTES SOULEVEES PAR X... ET L'ECHEC DE LA PROCEDURE D'AGREMENT DEVANT LE JUGE DES TUTELLES ET, DEVANT L'IMPOSSIBILITE DE TIRER DE L'ACTE DU 31 JANVIER 1968 UN ENGAGEMENT DE VENDRE LES PARTS ET PORTIONS INDIVISES, OPPOSABLE AUX COINDIVISAIRES MAJEURS, LES SOCIETES INTIMEES (MARTEL-ETOILE ET BORDAT) AVAIENT IMAGINE LE SUBTERFUGE DES PRETENDUS ACCORDS DU 8 JANVIER 1968 ;

QU'IL EXISTE, EN LA CAUSE, DES PRESOMPTIONS SUFFISANTES POUR ADMETTRE LA FRAUDE ;

QU'IL IMPORTE PEU QUE LES AUTRES COINDIVISAIRES MAJEURS AIENT CRU DEVOIR, PAR ACTES AUTHENTIQUES ULTERIEURS, CEDER LEURS DROITS INDIVIS A LA SOCIETE MARTEL-ETOILE POUR UN PRIX CORRESPONDANT A CELUI DE 600000 FRANCS APPLIQUE A LA TOTALITE DE L'IMMEUBLE " ;

ATTENDU QUE, DE CES CONSTATIONS ET APPRECIATIONS, LA COUR D'APPEL A PU DEDUIRE QUE L'ACTE DU 8 JANVIER 1968 ETAIT INOPPOSABLE A CAMILLE X..., LES ENGAGEMENTS PRIS PAR UN MANDATAIRE N'OBLIGEANT PAS LE MANDANT LORSQU'ILS ONT ETE CONTRACTES A LA SUITE D'UN CONCERT FRAUDULEUX ENTRE LE MANDATAIRE ET LE TIERS ;

D'OU IL SUIT QUE, PAR CES SEULS MOTIFS, L'ARRET, QUI EST MOTIVE ET QUI REPOND AUX MOYENS DES PARTIES, A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION SUR CE POINT ;

QU'AINSI LES TROIS MOYENS NE PEUVENT ETRE ACCUEILLIS ;

ET SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QUE LA SOCIETE BORDAT REPROCHE A LA COUR D'APPEL DE L'AVOIR CONDAMNEE A UNE REPARATION PECUNIAIRE ENVERS X..., DU FAIT DES ACTES ACCOMPLIS PAR ELLE DANS L'EXECUTION DU MANDAT QUE CELUI-CI AVAIT DONNE, SANS CARACTERISER L'EXISTENCE, FORMELLEMENT CONTESTEE, D'UN PREJUDICE CAUSE AU MANDANT ET ALORS QUE, BIEN AU CONTRAIRE, ELLE DEMONTRE, D'UNE PART, QUE X... N'A SUBI AUCUN PREJUDICE DES LORS QUE, COMME L'ONT RETENU LES PREMIERS JUGES, LA SOCIETE BORDAT A VENDU LES DROITS INDIVIS DE CELUI-CI AUX CONDITIONS MEMES DU MANDAT, ET ESTIME, D'AUTRE PART, QUE X... PEUT VENDRE SES PARTS A UN PRIX SUPERIEUR A CELUI QU'IL DEMANDAIT, TOUT EN CONSTATANT QUE LES SOCIETES LOCATAIRES, DONT LES PRETENDUES OFFRES A UN PRIX SUPERIEUR A CELUI QUI ETAIT INDIQUE AU MANDAT, CONSTITUAIENT UN DES GRIEFS RETENUS A L'ENCONTRE DE LA SOCIETE MANDATAIRE POUR N'EN AVOIR PAS TENU COMPTE, N'ETAIENT PAS INTERESSEES PAR L'ACQUISITION DES PARTS INDIVISES, QUI CONSTITUAIENT L'UNIQUE OBJET DU MANDAT ;

MAIS ATTENDU QU'AYANT RELEVE LES AGISSEMENTS FAUTIFS DE LA SOCIETE BORDAT DANS L'EXECUTION DU MANDAT QUE X... LUI AVAIT DONNE ET QUI ONT CONSISTE A ECARTER FRAUDULEUSEMENT L'OFFRE DES SOCIETES LOCATAIRES D'ACQUERIR L'IMMEUBLE POUR UN PRIX TRES SUPERIEUR A CELUI CONSENTI A LA SOCIETE MARTEL-ETOILE ET QUI ETAIT LE PRIX MINIMUM PREVU AU MANDAT, LA COUR D'APPEL, SANS SE CONTREDIRE, A AINSI CARACTERISE L'EXISTENCE D'UN PREJUDICE CERTAIN ET ACTUEL DONT ELLE A SOUVERAINEMENT EVALUE LE MONTANT ;

QU'AINSI LE QUATRIEME MOYEN EST, LUI AUSSI, SANS FONDEMENT ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 4 MAI 1971 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.