Livv
Décisions

Cass. com., 11 mars 2014, n° 12-22.877

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Richard

Nouméa, du 26 avr. 2012

26 avril 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 26 avril 2012), que le 1er septembre 1992, Mme X... a conclu un mandat intitulé « mandat général de gestion » au profit de M. Y..., alors son concubin ; que le 2 septembre 1992, M. Y... a cédé les parts de la société Koumadis, dont Mme X... était l'associée unique, pour partie à son profit et pour partie au profit de sa soeur, Mme Y... ; qu'ultérieurement, les nouveaux associés de la société Koumadis ont augmenté le capital social ; que soutenant n'avoir jamais consenti à la cession de ses parts sociales et que le mandat ne comportait pas le pouvoir de disposer, Mme X... a demandé que soit prononcée la nullité de la cession, que les parts sociales nouvelles créées lors de l'augmentation de capital soient jugées sa propriété depuis leur libération et souscription et que M. Y... et Mme Y... (les consorts Y...) soient condamnés à lui payer des dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches et après avertissement délivré aux parties :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action en nullité de la cession et d'avoir prononcé la nullité des actes de cession alors, selon le moyen :

1°/ que la nullité d'un contrat en raison de l'absence de pouvoir du mandataire est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée et se prescrit par cinq ans ; qu'en décidant néanmoins, pour écarter le moyen tiré de la prescription de l'action en nullité de la cession pour défaut de pouvoir que cette irrégularité était sanctionnée par une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du code civil applicable à la cause en raison de la date des actes, la cour d'appel a violé l'article 1304 par refus d'application ;

2°/ que le juge doit restituer leur exacte qualification aux actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé ; qu'en l'espèce, le mandat donné par Mme X... à M. Y... le 1er septembre 1992, lui conférait notamment pouvoir de « faire tout emploi de fonds, soit en placement sur particuliers ou sur l'Etat, soit en acquisition d'actions, obligations, parts de fondateurs, parts d'intérêts, accepter toute obligation, cession ou transport, acquérir tout immeuble ou fonds de commerce ¿ » et encore de « signer tout contrat de vente » ; qu'en s'arrêtant néanmoins à l'intitulé de « mandat général de gestion » que Mme X... et M. Y... avaient donné à leur acte sans rechercher son exacte qualification au regard de son contenu et notamment s'il ne donnait pas expressément mandat à M. Y... de disposer des biens de Mme X..., la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ que le mandat de disposer s'il doit expressément viser les actes de disposition peut être général et porter sur tous les biens du mandant ; qu'en relevant néanmoins, pour en déduire que M. Y... n'avait pas le pouvoir de céder les parts sociales de Mme X..., que le mandat signé le 1er septembre 1992 était d'ordre général et ne comprenait aucune disposition spécifique ayant trait à la vente des parts sociales de l'EURL Koumadis, la cour d'appel a violé les articles 1987 et 1988 du code civil ;

Mais attendu que le mandant, qui n'est pas tenu des actes faits par son mandataire au-delà du pouvoir qui lui a été donné, dispose à l'encontre de ces actes d'une action en inopposabilité qui n'est pas de celles qui se prescrivent par le délai prévu à l'article 1304 du code civil ;

Attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève, sans encourir les griefs des deuxième et troisième branches, que M. Y... a excédé les pouvoirs qui lui étaient conférés par le mandat général de gestion confié par Mme X... en procédant à la cession de la totalité des parts sociales appartenant à celle-ci ;

Qu'il en résulte que Mme X... était recevable à demander que cette cession soit déclarée sans effet à son égard ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que les consorts Y... font encore grief à l'arrêt d'avoir annulé l'augmentation de capital et la création des parts nouvelles en date du 2 décembre 1996 et d'avoir rejeté leur demande en remboursement de la valeur de ces parts alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut se prononcer que sur ce qui est demandé ; qu'il résulte des conclusions récapitulatives des parties qu'aucune d'entre elles ne sollicitait que soit prononcée la nullité de l'augmentation de capital et de la création des parts sociales nouvelles du 2 décembre 1996, Mme X... sollicitant au contraire qu'il soit dit qu'elle était l'unique propriétaire de ces parts ; qu'en prononçant néanmoins une telle nullité, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

2°/ que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution de la disposition cassée ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cour d'appel ayant expressément annulé l'augmentation de capital du 2 décembre 1996 par voie de conséquence de la nullité des actes de cession du 2 septembre 1992, la cassation qui interviendra sur le premier moyen qui reproche à la cour d'appel d'avoir annulé ces actes de cession, entraînera la cassation du chef de dispositif qui a annulé l'augmentation de capital et la création de parts nouvelles en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la société ayant conclu que la nullité de la cession de parts de 1992 étant rétroactive et tous les actes subséquents devant être également déclarés nuls et non avenus, les consorts Y... ne pouvaient décider de l'augmentation, de la souscription et de la libération des parts nouvelles et demander que ladite augmentation soit déclarée bonne et valable uniquement à l'égard des tiers et non à l'égard du mandant qui a dépassé ses fonctions en procédant à ladite augmentation, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a prononcé l'annulation de l'augmentation de capital et de la création des parts nouvelles ;

Et attendu, d'autre part, que le premier moyen ayant été rejeté, le grief qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de Mme X... en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen, que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution de la disposition cassée ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen qui reproche à la cour d'appel d'avoir retenu, pour annuler les actes de cession des parts de Mme X... que cette dernière n'aurait pas donné pouvoir à M. Y... pour les conclure et ne les aurait pas ratifiés, entraînera la cassation du chef de dispositif qui condamne les consorts Y... à lui verser des dommages-intérêts de ce chef en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;

Et attendu que les deuxième et cinquième branches du premier moyen et la troisième branche du deuxième moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.