Cass. 3e civ., 10 décembre 2002, n° 01-13.416
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 mai 2001), que les époux X... ont, par acte du 20 décembre 1978 à effet du 1er janvier 1979, donné à bail à la société Ski Shop des locaux à usage commercial leur appartenant ; que Mme X... est décédée en 1985, laissant pour héritiers son époux et leurs deux filles dont la plus jeune était encore mineure ; que, par acte du 5 mars 1990, la société Ski Shop a cédé son fonds de commerce avec le droit au bail à la société Ski Service, aujourd'hui en liquidation judiciaire avec M. Y... pour liquidateur ; que cette cession a été signifiée, le 15 février 1996, à M. X... ; que le 26 février suivant, la société Ski Service a demandé à M. X... le renouvellement du bail pour le 1er septembre 1996 ; que, par acte du 24 mai 1996, M. X... a refusé le renouvellement sans offrir d'indemnité d'éviction ; que, par assignation du 8 novembre 1996, les deux filles de M. X... se sont jointes à lui pour demander l'expulsion de la société Ski Service, qui avait elle-même assigné M. X... pour faire dire que le bail de décembre 1978 se poursuivait entre eux malgré la conclusion en 1994 d'un bail dérogatoire de 23 mois ;
Attendu que M. Y... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Ski Service fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à Sylvie et à Stéphanie X... la cession du droit au bail intervenu le 5 mars 1990, alors, selon le moyen :
1 / que la cession de bail, à défaut d'avoir été signifiée au bailleur dans les termes de l'article 1690 du code civil, peut faire l'objet d'un acquiescement par celui-ci ; qu'en déclarant la cession de bail consentie le 5 mars 1990 par la société Ski Shop à la société Ski Service inopposable à Mlles Stéphanie et Sylvie X... sans rechercher si, en percevant régulièrement les loyers à compter du 5 mars 1990 et en considérant comme valable la demande du cessionnaire de bénéficier du renouvellement du bail, ce qui impliquait qu'un premier bail avait bien été conclu avec le cessionnaire, les bailleurs n'avaient pas accepté la cession litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article 1134 du même Code ;
2 / que la cession du droit au bail commercial conclu entre le propriétaire du fonds de commerce et le cessionnaire est valable entre les parties dès l'échange des consentements ; qu'en l'absence de clause exigeant l'autorisation du bailleur, elle est régulière et ne peut emporter la résiliation du bail, même si l'acte de cession n'a pas été signifié au bailleur quand bien même serait-il mineur ; qu'en considérant qu'était nulle à l'égard de Mlle Stéphanie X... la cession du droit au bail invoquée par la société Ski Service pour se maintenir dans les locaux appartenant à l'indivision X... dès lors que cette cession était intervenue durant la minorité de Mlle Stéphanie X... sans que son tuteur en ait été averti, tout en constatant que la clause du bail prévoyant que le preneur n'est autorisé à céder ses droits qu'à son successeur dans son commerce ne dérogeait pas au droit commun de l'article 1690 du Code civil, la cour d'appel a méconnu les dispositions du texte précité et les articles 1717, 1165 du code civil et L. 145-16 du Code de commerce ;
3 / que les dispositions de l'article 456, alinéa 3 du Code civil, qui prévoient que les baux consentis par le tuteur ne confèrent au preneur, à l'encontre du mineur devenu majeur ou émancipé, aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux à l'expiration du bail, ne s'appliquent pas lorsque les baux ont été consentis avant l'ouverture de la tutelle et renouvelés par le tuteur seul ; qu'en considérant qu'il n'y a pas eu renouvellement du bail bien que le bail eût été conclu en 1978 par M. X... et son épouse née Z..., soit avant le décès de Mme Z... en 1985 et l'ouverture de la tutelle qui en est découlée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4 / que, par conclusions récapitulatives signifiées le 11 janvier 2001, la société Ski Service et M. A... soutenaient que "M. X... n'a jamais contesté que le bail commercial s'est poursuivi après le 1er janvier 1988 sans aucune notification de congé (...) .Le bail s'est donc poursuivi en application de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 par tacite reconduction pour une durée indéterminée" ; que la société Ski Service avait tenu le même raisonnement devant les premiers juges rappelant qu'à l'expiration du bail de neuf ans conclu le 20 décembre 1978 "aucun congé n'a été donné au bailleur. En conséquence, conformément à l'article 5 du décret du 30 septembre 1953, le bail s'est poursuivi par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat" ; qu'en considérant que de l'aveu même de la société Ski Service le bail se terminait le 30 août 1996, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de cette dernière en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que la cession du bail intervenue le 5 mars 1990 au bénéfice de la société Ski Service avait été notifiée le 15 février 1996 au seul M. X..., alors que la preneuse savait que l'immeuble appartenait à une indivision, d'autre part, que Sylvie et Stéphanie X..., postérieurement à la signification par leur père à la société Ski Service de son refus de renouveler le bail, étaient intervenues volontairement à ses côtés, pour demander l'expulsion de cette société, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui n'étaient pas demandées et qui a souverainement retenu que le défaut de notification de la cession du bail à deux des coïndivisaires justifiait le refus de renouvellement du bail, a, par ces seuls motifs et sans dénaturation, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen, ci-après annexé
Attendu que la société Ski Service, qui n'a jamais prétendu à une indemnité d'éviction, ne peut invoquer à son bénéfice l'application de l'article L. 145-28 du Code de commerce pour la fixation de l'indemnité d'occupation dont elle est débitrice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.