Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 22 mai 2012, n° 11/04433

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Veolia Propreté (SA)

Défendeur :

Sita France (SA), Suez Environnement (Sté), Esterra (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Brylinski, Mme Beauvois

Avocats :

Me Lafon, Me Degos, Me Guttin, Me Cavalie, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, Me Rubinstein

T. com. Nanterre, 9e ch., du 22 janv. 20…

22 janvier 2010

FAITS ET PROCÉDURE

La société anonyme Traitement des Résidus Urbains (T.R.U.), aujourd'hui dénommée Esterra, a pour activité la collecte des déchets industriels et ménagers. Elle exerce principalement son activité dans le périmètre de la communauté urbaine de Lille.

En 1992, les sociétés Compagnie Générale des Eaux (CGE) et Lyonnaise des Eaux qui étaient entrées au capital depuis 1966 détenaient chacune 19.204 actions, soit 44,67 % du capital de la société T.R.U., le solde des 4.580 actions (soit 10,64 % du capital social), étant réparti entre différents actionnaires, dont Pierre Ouvrie, neveu d'un des fondateurs, titulaire de 3.090 titres (7,19%).

Le 27 août 1992, les sociétés Lyonnaise des Eaux et CGE ont promis à M. Pierre Ouvrie de racheter, par parts égales entre elles, à première demande de sa part ou de ses ayants-droit, la totalité des actions T.R.U. qu'il détenait, le prix devant être fixé à dire d'experts à défaut d'accord entre les parties.

Le 30 mars 1994, la société Sita, venant aux droits de la Lyonnaise des Eaux, d'une part, la société CGE, d'autre part, ont conclu un 'protocole d'accord' ayant pour objet l'organisation de la gestion de la société T.R.U. (égalité de représentation au sein du conseil d'administration, principe d'alternance à la présidence et la vice-présidence, mise en place d'un comité de gestion courante, majorité des 3/4 des membres en exercice du conseil d'administration pour certaines décisions).

Le 23 juillet 1999, la société Sita et la société CGEA, celle-ci venant aux droits de la société CGE, ont conclu un avenant à ce protocole d'accord du 30 mars 1994.

Le 18 décembre 2000, la société Sita a cédé à la société Sita France, sa filiale, les actions de la société T.R.U., devenue la société Esterra, dont elle était titulaire, sauf une, la société Sita étant ensuite été absorbée par voie de fusion-absorption par la société Suez Environnement (Suez).

De son côté, la société Veolia Propreté (Veolia), venant aux droits de la société CGEA, a, entre le 22 juin 2007 et le 8 avril 2009, successivement porté sa participation dans le capital de la société Esterra à 44,93%, 47,02% et 54,21% au moyen de l'acquisition de 108 actions auprès de l'indivision successorale Convain, de 900 actions auprès de Mme Marquis et de 3 090 actions auprès des héritiers de Pierre Ouvrie.

Faisant valoir que ces acquisitions étaient intervenues en violation des engagements mis à la charge de la société Veolia par l'avenant au protocole d'accord signé le 23 juillet 1999, la société Sita France l'a assignée afin de voir ordonner la cession forcée à son profit de la moitié des 4 098 actions ainsi acquises, soit 2 049 actions, et ce aux conditions consenties à la société Veolia.

Elle a demandé, à titre subsidiaire, la dissolution de la société Esterra en raison de l'inexécution par la société Veolia de ses obligations d'associé. Mme Dehove di Qal, dernier actionnaire personne physique de la société Esterra, a également été assignée.

La société Suez est intervenue à l'instance au soutien de ces prétentions.

Par jugement du 22 janvier 2010, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit que la société Sita France avait qualité et intérêt à agir et que le protocole du 30 mars 1994 et son avenant du 23 juillet 1999 sont valides et s'imposent à Sita France et Veolia dans le cadre de la gouvernance de la société Esterra,

- condamné, sous astreinte, la société Veolia à céder 2 049 actions à Sita France aux conditions d'acquisition des titres par la société Veolia,

- débouté les sociétés Sita France et Suez de leurs demandes de dommages-intérêts,

- débouté Sita France de ses demandes subsidiaires.

Sur appel des sociétés Veolia et Esterra, la cour d'appel de Versailles a, par l'arrêt du 27 juillet 2010 :

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 22 janvier 2010,

- y ajoutant, précisé les modalités de paiement du prix dû par Sita France à Veolia au titre d'une partie des actions Esterra dont la cession a été ordonnée et rejeté la demande de dommages-intérêts formée par Mme Dehove Di Qal.

L'arrêt a été exécuté par la société Veolia et parallèlement, Veolia et Sita France ont racheté conjointement à parts égales les 470 actions de Mme Dehove Di Qal afin de lui permettre de sortir du litige. Les cessions ont été régularisées le 24 septembre 2010.

Statuant sur le pourvoi de la société Veolia et le pourvoi incident de la société Esterra, par arrêt rendu le 24 mai 2011, la Cour de Cassation, chambre commerciale, financière et économique, a cassé et annulé sauf en ce qu'il a déclaré la société Sita France recevable en sa demande, l'arrêt rendu entre les parties, le 27 juillet 2010 par la cour d'appel de Versailles ; remis, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

La société Veolia a saisi la cour de renvoi par déclaration du 6 juin 2011.

Par dernières conclusions signifiées le 2 février 2012, la société Veolia Propreté demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Sita France et Suez de leur demande de dommages-intérêts, et statuant à nouveau, outre dire et juger, de :

- débouter Sita France et Suez Environnement de toutes leurs demandes,

- rejeter la demande de Sita France ou Suez Environnement tendant à voir ordonner la dissolution de la société Esterra comme nouvelle et mal fondée,

- condamner Sita France à lui restituer les 2.049 actions cédées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 27 juillet 2010,

- condamner Sita France à lui verser la somme de 71.715 € correspondant au montant des dividendes reçus du chef de ces actions, en vertu de la décision de l'assemblée générale de la société Esterra du 27 juin 2011,

- dire que ce transfert s'opérera, pour 1.545 actions Esterra au prix unitaire par action de 614,89 euros, prix d'acquisition desdits titres par Sita France, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement,

- dire que ce transfert s'opérera, pour 450 actions Esterra au prix unitaire par action de 1.050 euros, prix d'acquisition desdits titres par Sita France, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement,

- dire que ce transfert s'opérera, pour 54 actions Esterra au prix unitaire par action de 423,40 euros, prix d'acquisition desdits titres par Sita France, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement,

- dire que ce transfert s'opérera aux frais de Sita France qui supportera les droits d'enregistrement afférents à la cession à Veolia Propreté des 2.049 titres Esterra,

- dire que le paiement par Sita France à Veolia Propreté de la somme de 71.715 € correspondant au montant des dividendes reçus du chef de ces actions, s'imputera par compensation sur le prix de cession des 2.049 actions, versé par Veolia Propreté à Sita France,

- dire que, dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir, la société Sita France aura dû procéder à toute démarche, toute formalité lui incombant, utiles ou nécessaires à la cession des 2.049 actions Esterra au profit de la société Veolia Propreté et ce sous une astreinte de 50.000 euros par jour de retard,

- dire que, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la signification par Veolia Propreté à Esterra des ordres de mouvement signés portant la cession à son profit des 2.049 actions, la société Esterra aura dû procéder à l'inscription de cette cession dans le compte d'actionnaires de Veolia Propreté, ce sous une astreinte de 50.000 euros par jour de retard,

- condamner in solidum Sita France et Suez Environnement à lui payer 200.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à lui restituer les sommes qu'elle leur a versées de ce chef en application du jugement du tribunal de commerce de Nanterre et de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 27 juillet 2010.

Par dernières conclusions récapitulatives et sur incident signifiées le 14 février 2012, la société Esterra demande à la cour de :

- dire que les demandes d'incident et de production de pièces de la société Sita France et de la société Suez Environnement ne sont pas fondées, sont abusives et de les en débouter ;

- débouter les sociétés Sita France et Suez Environnement de leur demande de dissolution de la société Esterra ;

- dire que la société Sita France, en collusion avec la société Suez Environnement, a, avec une légèreté blâmable et de manière non justifiée et parfaitement abusive, poursuivi en justice la société Esterra, engageant ainsi leur pleine et entière responsabilité envers la société Esterra ;

- les condamner in solidum à lui payer 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et d'image, avec intérêts et capitalisation des intérêts à compter du 14 mai 2010,

- les condamner in solidum à lui payer 75.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 10 février 2012, les sociétés Sita France et Suez Environnement demandent à la cour, outre dire et juger, de :

- sur l'incident en tant que de besoin, ordonner à Esterra de produire sous astreinte de 2.000 € par jour de retard, les documents objets de la sommation du 29 novembre 2011, à savoir l'ensemble des procès-verbaux d'assemblée générale et de conseil d'administration de la société Esterra depuis le 1er janvier 1964 et l'ensemble des registres d'actionnaires depuis sa constitution, réserve faite des documents déjà communiqués,

Au fond

- entendre au besoin M. Dominique Pin et / ou M. Yves-Marie Le Dore relativement à l'objet des Actes et notamment de l'avenant du 23 juillet 2009,

- condamner la société Veolia Propreté à livrer à la société Sita France, subsidiairement à la société Suez Environnement, 2.049 actions Esterra correspondant à la moitié des actions Esterra que la société Veolia Propreté a illicitement acquises, et ce aux conditions d'acquisition desdites actions par la société Veolia Propreté ;

En conséquence :

- dire que ce transfert s'opérera, pour 1.545 actions Esterra au prix unitaire par action de 614,89 euros, prix d'acquisition desdits titres par la société Veolia Propreté auprès des héritiers Ouvrie, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement correspondants ;

- dire que ce transfert s'opérera, pour 450 actions Esterra au prix unitaire par action de 1.050 euros, prix d'acquisition desdits titres par la société Veolia Propreté auprès de Madame Françoise Marquis, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement correspondants ;

- dire que ce transfert s'opérera, pour 54 actions Esterra au prix unitaire par action de 423,40 euros, prix d'acquisition desdits titres par la société Veolia Propreté auprès de la succession Convain, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement correspondants ;

- dire que, dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir, la société Veolia Propreté aura dû procéder à toute démarche, toute formalité lui incombant, utiles ou nécessaires à la cession des 2.049 actions Esterra au profit de la société Sita France, ce sous une astreinte de 50.000 euros par jour de retard ;

- dire que, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir, la société Esterra aura dû procéder à toute démarche, toute formalité lui incombant, utiles ou nécessaires à la régularisation de la cession des 2.049 actions Esterra au profit de la société Sita France, ce sous une astreinte de 50.000 euros par jour de retard ;

- condamner en outre la société Veolia Propreté à payer à la société Sita France, subsidiairement à la société Suez Environnement, la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

A titre très subsidiaire :

- annuler 4.098 des 23.303 actions détenues par la société Veolia Propreté dans le capital de la société Esterra et ordonner la réduction corrélative dudit capital ;

- à défaut, ordonner, de son propre chef, la réduction du capital à raison de 4.098 des 23.303 actions détenues par la Veolia Propreté, et d'y voter ladite réduction ;

- à défaut, ordonner, dans les 30 jours de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 10.000 € par jour de retard, à la société Veolia Propreté de convoquer l'assemblée générale extraordinaire de la société Esterra à fins de réduction du capital à raison de 4.098 des 23.303 actions détenues par la Veolia Propreté, et d'y voter ladite réduction ;

- à défaut, dire que sur les 23.303 actions détenues par la Veolia Propreté, 4.098 actions seront dépourvues de droits politiques et, notamment, de droit de vote ;

- à défaut, dire que les 23.303 actions actuellement détenues par la société Veolia Propreté dans le capital de la société Esterra seront, dans la seule et stricte mesure où le nominal détermine l'exercice des droits politiques et, notamment, du droit de vote, réputées chacune affectées d'un nominal au sens des statuts égal à 153, 4116272 € ;

- à défaut, ordonner toute mesure qui plaira à la cour d'appel, de nature à rétablir la parité capitalistique que les Acquisitions Litigieuses ont rompue ;

- en toute hypothèse des six chefs qui précèdent, ordonner la retranscription dans les statuts des mesures ainsi prononcées et dire qu'à défaut d'une telle retranscription dans les 30 jours de la signification de la décision à intervenir, le dispositif concerné de ladite décision fera partie intégrante des statuts et fera l'objet des mesures de publicité requises en cas de modification des statuts, le tout suivant les modalités qui lui plairont ;

- condamner en outre la société Veolia Propreté à payer à la société Sita France ou, le cas échéant, à la société Suez Environnement la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre infiniment subsidiaire :

- ordonner une mesure d'expertise aux fins d'évaluer le préjudice subi par la société Sita France du fait de la situation de minoritaire résultant pour elle de l'acquisition par la société Veolia Propreté de 4.098 actions Esterra depuis 2007 ;

- subsidiairement de ce dernier chef, ordonner la dissolution de la société Esterra, à raison de l'inexécution par la société Veolia de ses obligations d'associés et condamner la société Veolia Propreté à payer à la société Sita France la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En toute hypothèse :

- débouter les sociétés Veolia Propreté et Esterra de l'ensemble de leurs demandes;

- condamner la société Veolia Propreté à payer à la société Sita France la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Esterra à payer à la société Sita France la somme de 75.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 16 février 2012.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Il y a lieu avant de statuer au fond de rappeler la chronologie suivante qui ressort de l'exposé des faits des parties et sur lesquelles elles s'accordent :

- 27 août 1992 : lettre d'engagement (ci-après la promesse) faite à M. Pierre Ouvrie pour le compte des sociétés Lyonnaise des Eaux-Dumez et CGE de racheter, par parts égales entre elles, à première demande de sa part ou de ses ayants-droit, la totalité des actions T.R.U. qu'il détient ;

- 30 mars 1994 : protocole d'accord (ci-après le protocole) signé d'une part, par CGE et d'autre part, par la société Sita ;

- 1997 : la société Genet Ordures Services, filiale de Sita, entre dans le capital de T.R.U. à hauteur d'une action et change de dénomination pour devenir Sita France ;

- 30 juin 1998 : CGE cède ses titres détenues dans T.R.U. à sa filiale CGEA ;

- 23 juillet 1999 : avenant au protocole d'accord du 30 mars 1994 (ci-après l'avenant) signé par CGEA et Sita ;

- 18 décembre 2000 : Sita cède à Sita France toutes ses actions de T.R.U., sauf une qu'elle conserve.

- 30 avril 2003 : traité de fusion par lequel Sita est absorbée par Ondeo Services qui devient par changement de dénomination Suez Environnement ;

- 2005 : changement de dénomination de CGEA qui après avoir été CGEA -Onyx puis Onyx, devient Veolia Propreté ;

- 22 juin 2007 : acquisition par Veolia Propreté des 108 actions Esterra détenues par l'indivision successorale Convain ;

- 28 janvier 2008 :acquisition par Veolia Propreté des 900 actions Esterra détenues par Mme Marquis ;

- 8 avril 2009 : acquisition par Veolia Propreté des 3.090 actions dfa détenues par les ayants droit de M. Ouvrie.

Il sera précisé également que dans la suite de l'arrêt, la promesse, le protocole et l'avenant seront désignés ensemble sous la dénomination les actes.

Sur la demande de communication de pièces :

Sita France et Suez Environnement (Suez) ont fait sommation le 29 novembre 2011 puis itérative sommation le 26 décembre 2011 à Esterra d'avoir à lui communiquer l'ensemble des procès-verbaux d'assemblée générale et de conseil d'administration de la société Esterra du 1er janvier 1964 au 1er janvier 1972 avec ses annexes (feuilles de présence) et l'ensemble des registres d'actionnaires depuis sa constitution jusqu'au 1er janvier 1972.

Par conclusions du 3 février 2012, les mêmes ont formé devant le conseiller de la mise en état un incident de communication de pièces dont elles ont sollicité la fixation prioritaire.

Après courrier aux parties, avant de procéder à la clôture, le conseiller de la mise en état a joint cet incident au fond.

Dans leurs dernières écritures au fond signifiées, Sita France et Suez demandent en tant que de besoin à la cour d'ordonner à Esterra de produire sous astreinte de 2.000 € par jour de retard, les documents objets de la sommation du 29 novembre 2011, à savoir l'ensemble des procès-verbaux d'assemblée générale et de conseil d'administration de la société Esterra depuis le 1er janvier 1964 et l'ensemble des registres d'actionnaires depuis sa constitution, réserve faite des documents déjà communiqués.

Par dernières conclusions signifiées le 14 février 2012, Esterra demande à la cour de débouter Sita France et Suez de leur demande de production de pièces sous astreinte.

Il résulte des pièces versées aux débats que la société Esterra a déjà produit tous les procès-verbaux de conseil d'administration, les procès-verbaux d'assemblée générale et les feuilles de présence depuis 1972, que pour les autres pièces qui lui sont réclamées par Sita France et Suez, elle déclare qu'elle ne les a pas.

Sita France et Suez n'établissent pas l'intérêt des pièces réclamées qui n'auraient pas été communiquées par Esterra pour la solution du litige qui porte pour l'essentiel sur les conséquences à tirer pour les parties des trois documents, promesse, protocole et avenant, très largement postérieurs à 1972, alors qu'au surplus, sur cette période, la parité alléguée n'est pas discutée.

La demande de production de pièces sous astreinte sera donc rejetée.

Sur la portée de l'arrêt de cassation du 24 mai 2011

Veolia Propreté demandant au fond à la cour de renvoi de juger que Sita France n'est pas partie aux actes, promesse, protocole et avenant, dont elle demande l'exécution, Sita France et Suez répondent en premier lieu que toute discussion à cet égard devrait être exclue, qu'en effet, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles a été cassé « sauf en ce qu'il a déclaré la société Sita France recevable en sa demande », que pour dire que Sita France avait qualité et intérêt à agir, la cour de Versailles s'était fondée sur le fait que le protocole de 1994 et l'avenant de 1999 avaient été transmis par Sita à Sita France, ce, en réponse aux arguments de Veolia qui prétendait le contraire à l'appui de sa demande d'irrecevabilité sans en tirer de conséquences au fond, que la décision sur la recevabilité de l'action, aujourd'hui définitive, a donc pour fondement l'aptitude de Sita France à se prévaloir desdits actes, fondement avec lequel l'argumentation de Veolia, cette fois-ci au fond, selon laquelle cette aptitude ferait défaut, est inconciliable.

Toutefois, il convient de rappeler que la Cour de Cassation, chambre commerciale, financière et économique, dans son arrêt du 24 mai 2011, pour statuer comme elle l'a fait sur la recevabilité et ne pas accueillir le premier moyen du pourvoi principal formé de Veolia a dit que :

« l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'ayant relevé que la société Sita France prétendait qu'une atteinte avait été portée aux droits qu'elle tenait de la convention du 23 juillet 1999, la cour d'appel, qui n'avait pas à caractériser, pour apprécier la recevabilité de la demande, l'existence, indifférente à ce stade, d'un lien de droit entre les sociétés Veolia et Sita France, a souverainement estimé, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, que cette dernière justifiait d'un intérêt à agir. »

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent Sita France et Suez, il n'a été statué par l'arrêt du 24 mai 2011, à l'occasion de l'examen de la recevabilité de l'action, ni sur la question d'un lien de droit entre les sociétés Veolia et Sita France ni sur la question discutée au fond par Veolia des droits que Sita France prétend tenir des actes en cause, promesse, protocole et avenant, dont cette dernière demande à voir sanctionner la violation par Veolia.

Sur les manquements contractuels de Veolia

Sita France, subsidiairement Suez, demande à Veolia, sur le fondement contractuel, de lui livrer 2049 actions correspondant à la moitié des actions Esterra que Veolia aurait illicitement acquise, en violation des pactes et en particulier de l'avenant du 23 juillet 1999, auprès de l'indivision successorale Convain, de Mme Marquis et des ayants droit de M. Ouvrie.

Sita France et Suez soutiennent en substance qu'en effet, l'avenant qui doit être interprété, et à défaut d'interprétation de l'avenant, le comportement observé par les parties plus de quarante années durant, doivent conduire à reconnaître qu'il a été instauré un accord de parité capitalistique, que l'avenant ne portait pas sur les seules actions détenues par les ayants droits de M. Ouvrie, que Veolia a violé ses obligations contractuelles en acquérant seule les actions des associés minoritaires.

Elles font valoir que Sita France a bien vocation à se prévaloir des actes en vertu du principe selon lequel l'accessoire suit le principal qui est applicable en l'espèce à la cession des actions Esterra laquelle a emporté la transmission au profit de Sita France des actes extra-statutaires qui en étaient l'accessoire.

Subsidiairement, elles allèguent que Suez a qualité pour invoquer les actes à raison notamment de leur dimension groupale, que la cession Sita/ Sita France n'a pas frappé lesdits actes de caducité et que l'absorption de Sita par Suez n'a pas mis fin à ces actes.

En réponse aux prétentions de Sita France et Suez, critiquant le jugement de première instance qui y a fait droit, Veolia soutient que l'avenant est clair, qu'il ne nécessite aucune interprétation, que les actes extra-statutaires ont été limités aux actions de M. Ouvrie et de ses ayants-droits.

Veolia ajoute que Sita France ne peut se prévaloir de pactes extra-statutaires auxquels elle n'est pas partie, que la cession d'actions de Sita à Sita France n'a pas emporté cession du protocole et de son avenant au profit de Sita France en vertu des principes gouvernant la cession des contrats et l'effet relatif des conventions, qu'il n'y a eu ni acceptation expresse ni tacite à la cession du protocole et de l'avenant.

Elle prétend encore que Suez est tout autant mal fondée à se prévaloir des actes, qu'elle n'a pas la qualité de signataire et de contractant, que la notion de groupe invoquée par Sita France et Suez est inopérante tant en droit qu'en fait, que l'absorption de Sita par Suez fait obstacle à la transmission des actes à raison de la forte intuitu personae qui y est attachée et qu'enfin tant le protocole que l'avenant sont devenus caducs du fait de la cession des actions détenues par Sita dans le capital d'Esterra à Sita France.

Sur l'avenant du 23 juillet 1999

Cet avenant au protocole du 30 mars 1994 comporte un préambule et deux articles.

Il est ainsi mentionné au préambule :

- que Sita et CGEA sont actionnaires à parité de la société T.R.U. (...) dont chacune détient 19 026 actions soit 45%' et que 'La société a également pour actionnaire M. Pierre Ouvrie à hauteur de 10%' ;

- que par acte en date du 30 mars 1994, les parties sont convenues que T.R.U. reprendrait la forme de SA à Conseil d'Administration et ont précisé les règles régissant la composition et le fonctionnement du Conseil, notamment par application d'un principe d'alternance pour la nomination des Président et Vice-Président par périodes de 3 ans avec faculté de prorogation pour une année supplémentaire d'un commun accord ;

- qu'à l'issue de la période de 3 années stipulée par le protocole, les parties sont convenues, de ne pas procéder à l'alternance envisagée, sans pour autant remettre en cause les principes de ce protocole ;

- que 'selon lettre en date du 27 août 1992, la Compagnie Générale des Eaux a confirmé à M. Ouvrie l'engagement 'pour compte commun de la Compagnie Générale des Eaux et de Lyonnaise des Eaux-Dumez' de racheter à parts égales et à première demande de sa part ou de celle de ses ayants-droit la totalité des actions T.R.U. qu'il détient' ;

- que les parties souhaitent réitérer et préciser leurs engagements réciproques sur ces différents points.

L'article 1er de l'avenant est ainsi rédigé :

« Mise en œuvre de la promesse d'achat consentie à M. Ouvrie.

1- Les parties réitèrent leur engagement d'acheter à parts égales entre elles les actions T.R.U. détenues par M. Ouvrie ou ses ayants droit et objets de la promesse du 27 août 1992. En conséquence et sauf accord exprès préalablement notifié par écrit, chacune des parties s'interdit d'acquérir seule directement ou indirectement, les actions T.R.U. pour lesquelles M. Ouvrie ou ses ayants droit exerceraient la promesse d'achat, et ce nonobstant les libertés de cession entre actionnaires qui résultent tant de la loi que des statuts de T.R.U.

Les parties conviennent expressément que tout manquement à cette interdiction serait sanctionné à titre principal par la nullité de la cession ainsi réalisée, sans préjudice d'éventuels dommages et intérêts.

2 - En cas d'exercice de la promesse d'achat par M. Ouvrie ou ses ayants droit, les parties conviennent de se concerter sur le prix d'acquisition des actions T.R.U. préalablement à toute notification de ce prix au cédant. A défaut d'accord entre elles, comme à défaut d'accord du cédant, le prix sera fixé à dire d'expert.

3 - De même dans le cas où M. Ouvrie ou ses ayants droit soumettraient à l'agrément du conseil d'administration de T.R.U. un projet de cession à un tiers, les parties conviennent de rechercher une position commune sur la décision d'agrément. En cas de refus d'agrément, elles exerceront le droit de préemption prévu par l'article 12-III des statuts de T.R.U. de telle sorte que la parité entre elles soit maintenue. »

L'article 2 de l'avenant est relatif à la direction de la société T.R.U. Il y est précisé que les principes d'alternance posés par le protocole d'accord du 30 mars 1994 ne sont pas remis en cause par la dérogation qui y a été apportée du fait du renouvellement du mandat de M. Lecomte le 30 mars 1997 et l'absence de nomination d'un nouveau vice-président en remplacement de M. Croissant dont les parties réaffirment le caractère exceptionnel. Elles ajoutent qu'elles se réservent de proroger à nouveau le mandat de M. Lecomte tout en assortissant cette prorogation de la nomination d'un vice-président choisi par les administrateurs du groupe Sita.

Sita France et Suez prétendent que l'avenant ne serait ni clair ni précis motif pris de l'inexactitude contenue dans le préambule et du rapprochement avec le corps de l'avenant, qu'il y a lieu de l'interpréter et de rechercher la commune intention des parties laquelle était d'assurer le maintien de la parité capitalistique.

Cependant, l'énonciation de pur fait dans le préambule de ce que la société T.R.U. a également pour actionnaire M. Pierre Ouvrie à hauteur de 10 %, même erronée puisqu'il ne détient que 7,19 % du capital social, ne crée aucune ambiguïté intrinsèque à l'avenant ou aucune incertitude qui nécessiterait son interprétation.

Contrairement à ce que soutiennent Sita France et Suez, il ne résulte en effet ni contrariété ni équivoque du rapprochement entre la référence à un pourcentage inexact de participation de M. Ouvrie figurant dans le préambule qui ne comporte aucun engagement des parties signataires et la clause contenue à l'article 1er de l'avenant qui fixe les modalités de mise en œuvre de la promesse d'achat des actions de M. Ouvrie, convenues entre les signataires.

A cet égard, il sera relevé que dans l'avenant lui-même, comme dans la promesse, il n'est fait référence qu'à M. Ouvrie ou ses ayants droit, que l'accord de non acquisition contenu à l'article 1er ne prévoit pas qu'il s'étend au-delà du périmètre de la promesse faite à M. Ouvrie, que l'article 1-3 n'envisage l'exercice du droit de préemption de telle sorte que la parité entre les parties soit maintenue que pour le cas où M. Ouvrie ou ses ayants droit soumettraient à l'agrément du conseil d'administration de T.R.U. un projet de cession à un tiers.

Les parties ont ainsi convenu, dans des termes clairs et précis, qui se suffisent à eux-mêmes, des modalités contractuelles de mise en œuvre de la promesse d'achat, par parts égales entre elles, contenue dans le courrier du 27 août 1992, dont M. Ouvrie était seul destinataire, et lui-même - ou le cas échéant ses ayants droit - seul bénéficiaire.

L'avenant de 1999 ne nécessite pas d'interprétation ou de recherche d'une prétendue commune intention des parties dans des éléments extrinsèques, qui aboutissent, selon la lecture qui en est faite par Sita France et Suez, à dénaturer la stipulation claire et précise de l'avenant qui n'est relative qu'aux seules actions détenues par M. Ouvrie ou ses ayants droit.

Il est donc sans intérêt pour la solution du litige de procéder à l'audition de M. Dominique Pin ou de M. Yves-Marie Le Dore et tous les moyens de fait comme de droit que Sita France et Suez prétendent tirer d'éléments extrinsèques à l'avenant sont inopérants.

Il ne saurait être déduit de l'avenant du 23 juillet 1999, pour ses signataires, d'autre obligation que de s'interdire d'acquérir seul les actions détenues par M. Ouvrie ou ses ayants droit dans T.R.U. et non celles de tous les actions minoritaires.

Sita France et Suez sont donc mal fondées en tout cas à prétendre que Veolia aurait manqué aux obligations contractuelles résultant de cet avenant, en acquérant les actions détenues par l'indivision successorale Convain et Mme Marquis.

Sur la transmission des pactes à Sita France et Suez

Les pactes extra-statutaires qui organisent les relations entre les associés signataires au sein d'une société commerciale n'ont d'effet qu'à l'égard des parties contractantes en vertu de l'article 1165 du code civil. Ils ne nuisent pas aux tiers et ne leur profitent pas, sauf le cas de la stipulation pour autrui prévue par l'article 1121 du code civil.

Ces pactes ne peuvent donc créer des droits ou des obligations au profit ou à la charge de sociétés tierces qui n'y ont pas personnellement consenties, sauf stipulations particulières prévues pour en assurer l'efficacité au-delà des signataires, notamment en cas de cession.

Aux termes de l'article 1 de l'avenant, chacun des actionnaires signataires en l'espèce, CGEA et Sita, s'interdit d'acquérir seule les actions détenues par M. Ouvrie dans T.R.U.

Sita a cédé à Sita France toutes les actions de T.R.U. qu'elle détenait, sauf une, le 18 décembre 2000. Sita France n'est donc signataire ni de cet avenant ni de la promesse et du protocole qui l'ont précédé.

Bien que les actes en cause ne contiennent aucune stipulation permettant d'en étendre les effets au-delà des sociétés signataires, Sita France prétend pouvoir invoquer à son profit leur transmission sur le fondement de l'article 1692 du code civil par le seul effet de la cession des actions de Sita.

Le cessionnaire de parts sociales ne succède pas de plein droit aux obligations personnelles résultant pour son auteur des conventions extra-statutaires.

Il est établi que Sita a été actionnaire à parité avec CGE, puis CGEA, dans T.R.U., dans une proportion avoisinant 45 % du capital social à compter de 1985 et que tant le protocole que l'avenant ont été conclus plusieurs années après son entrée dans le capital de T.R.U., sans rien modifier à la situation de parité et au mode de gouvernance de l'aveu de Sita France et Suez elles-mêmes.

Il n'est donc pas démontré en l'espèce en quoi le protocole et l'avenant auraient constitué des compléments nécessaires et indissociables des actions de Sita dans T.R.U. qui auraient été cédés comme accessoires desdites actions alors qu'il ne résulte pas de leur contenu des prérogatives ayant vocation exclusive à profiter aux titres cédés et que lesdits titres ont été détenus par Sita pendant des années avant que le protocole que l'avenant ne soient conclus.

Au surplus, Veolia observe à juste titre que l'argumentation de Sita France et Suez sur le transfert de plein droit au cessionnaire de pactes extra-statutaires comme accessoires des actions se heurte inévitablement à la question de savoir quel en serait le bénéficiaire en cas de cession intervenue au profit de plusieurs cessionnaires différents.

Outre que la question posée à la cour n'est pas de savoir si Veolia pourrait de son côté revendiquer à son profit le transfert des actes en cause, il ne peut pas être déduit de ce que dans l'avenant, CGEA vient aux droits de la société mère CGE et des termes même de cet avenant que la cession des actions entre CGE et CGEA, et elle seule, aurait eu pour effet d'inclure dans le champ du protocole CGEA entrée dans le capital de T.R.U.

En sa qualité de cessionnaire, CGEA vient en effet aux droits que CGE tient des actions cédées sans que cela justifie de la cession des engagements contenus dans les actes en cause.

En outre, CGEA a pu valablement conclure un tel avenant parce qu'en sa qualité d'associée, cessionnaire des titres ayant appartenu à CGE, elle avait la faculté de reprendre à son compte les engagements consentis par la promesse et le protocole signé par CGE et Sita.

Il résulte ainsi des termes de cet avenant que CGEA a réitéré l'engagement d'acquérir les actions détenues par M. Ouvrie ou ses ayants droit à parts égales conformément à la promesse, a pris l'engagement de ne pas acquérir seule les actions T.R.U. pour lesquelles à M. Ouvrie ou ses ayants droit exerceraient la promesse et accepté les modalités de mise en œuvre de cette promesse, en accord avec Sita.

Il ne peut donc être déduit de cet avenant dans lequel CGEA a expressément repris en qualité de cessionnaire les obligations précédemment consenties par CGE, la preuve que la seule cession des actions aurait suffi à la transmission de ces actes en tant qu'accessoire des actions cédées.

Les propos de M. Lecomte en 2004 tenus devant un journaliste qui ne portent pas sur les actes en cause n'ont aucune valeur probante à cet égard, pas plus que la lettre du 23 juillet 2009, adressée à Sita France par Veolia en réponse au courrier du 22 juillet émanant de Sita France, réponse dans laquelle Veolia proposait certes à Sita France de lui vendre la moitié des actions acquises auprès de M. Ouvrie, offre que Sita France n'a pas acceptée, mais en même temps contestait dans leur ensemble les griefs de Sita France.

Sita France est en conséquence mal fondée à prétendre que la transmission des engagements contenus dans les actes serait intervenue par l'effet de la cession des actions de Sita.

Subsidiairement, Suez soutient qu'elle aurait qualité pour invoquer les actes signés par Sita et reprend les mêmes demandes que Sita France.

Il convient à cet égard de rappeler que Sita n'a conservé qu'une seule action à l'issue de la cession des actions de T.R.U. à Sita France, sa filiale, en 2000, qu'elle a fait l'objet d'une fusion-absorption par Suez par traité de fusion du 30 avril 2003.

En vertu de l'effet relatif des contrats et de l'autonomie des personnes morales, les obligations souscrites par une personne morale dans un pacte d'actionnaires ne s'étendent pas, sauf stipulations particulières en ce sens, à sa filiale ou de façon plus générale aux sociétés du même groupe, qui sont des tiers au pacte.

Suez prétend cependant tirer argument de la "dimension groupale" des actes qui s'évincerait en l'espèce des leurs termes eux-mêmes.

Dans la promesse, rédigée par le représentant de CGE, il est certes précisé que l'engagement de rachat des titres Ouvrie est « donné, pour compte commun de la Lyonnaise des Eaux-Dumez et de la Compagnie Générale des Eaux » alors que la Lyonnaise des Eaux avait à cette date déjà cédé ses actions à sa filiale Sita. Toutefois, cette référence erronée à un engagement pris par la Lyonnaise des Eaux, au lieu de Sita, aurait pu seulement le cas échéant permettre à Sita de soutenir qu'il ne résultait pour elle aucun engagement de la promesse, ce qu'elle n'a pas fait, étant relevé qu'elle a pris ensuite un engagement personnel en signant l'avenant.

Par ailleurs, la faculté pour Sita et CGE, puis CGEA, de choisir les administrateurs qu'elles désignent pour exercer, en alternance au sein de T.R.U., les fonctions de président et vice-président du conseil d'administration, au sein de leur groupe, et non seulement au sein de leurs propres sociétés, de même que les modalités d'organisation de cette alternance telles qu'elles résultent du protocole et de l'avenant, ne sont pas de nature à caractériser l'intention non équivoque des parties signataires de déroger à l'effet relatif des pactes extra-statutaires et comme le prétendent les intimées de leur donner "un rayonnement" qui concerne leurs groupes respectifs, pas plus d'ailleurs que l'interdiction d'acquisition des actions Ouvrie faite aux seuls signataires, même si elle vise toute acquisition, directe ou indirecte.

Il ne résulte donc pas des actes litigieux que ceux-ci auraient eu vocation à bénéficier aux sociétés du groupe Sita, et partant, comme le prétend Suez, qu'ils auraient ainsi survécu à la cession des actions de Sita à Sita France.

Au surplus, comme le soutient à juste titre Veolia, les accords pris par Sita et CGEA intuitu personae concernant leur filiale commune T.R.U., n'ont pas été transmis à Ondeo Services (devenue Suez) lors la fusion-absorption intervenue en 2003 de Sita, société absorbée, à défaut de reprise expresse par la société absorbante en son nom desdits accords et d'acceptation par CGEA de cette reprise.

Enfin, force est de constater que Suez ne détenant plus qu'un titre dans le capital d'Esterra, elle ne justifie pas à quel titre elle aurait encore vocation, comme elle le prétend, à pouvoir revendiquer pour elle-même le maintien d'une parité capitalistique avec Veolia qui résulterait du protocole et de l'avenant.

Sita France et Suez manquent donc ensemble à établir qu'elles pouvaient revendiquer à leur profit le contenu des actes en cause et que Veolia aurait contrevenu aux obligations contractuelles en résultant, en acquérant les actions des ayants droit de M. Ouvrie.

Sur la convention révélée par le comportement des parties

Sita France et Suez demandent à la cour de tirer les conséquences qui s'évincent du comportement observé pendant plus de quarante années durant par les parties et les sociétés de leur groupe aux droits desquels elles viennent et de constater que celles-ci ont bel et bien convenu d'assurer et de maintenir entre elles, au sein d'Esterra, une totale parité capitalistique.

A l'appui, elles reprennent l'historique de la participation au capital et de la gouvernance de T.R.U. devenue Esterra.

Il convient en premier lieu de relever que contrairement à ce que Sita France et Suez affirment dans leurs écritures, dès lors que l'avenant du 23 juillet 1999 ne portait que sur la seule acquisition des actions de M. Ouvrie ou de ses ayants droit et non sur la totalité des actions des associés minoritaires et que le protocole de 1994 ne vise qu'à instaurer une parité et une alternance dans la gouvernance de Esterra, il n'est pas démontré la volonté des parties d'assurer par le biais de leurs actes successifs, la parité capitalistique alléguée.

La circonstance que même pendant 40 ans, les parties ou les sociétés aux droits desquelles elles sont venues, depuis leur entrée dans le capital d'Esterra, aient respecté entre elles une parité capitalistique n'était pas de nature à interdire à Veolia à compter de 2007 d'acquérir les actions d'associés minoritaires alors que les statuts d'Esterra prévoyaient depuis 1976 la libre cession des actions entre actionnaires, que l'égalité capitalistique, même tacitement acceptée pendant de nombreuses années, qui n'était pas inscrite dans les statuts de la société ou consentie par une convention extra-statutaire, n'avait pas vocation naturelle et invariable à se maintenir pendant toute la vie de la société Esterra restant à courir, à suivre Sita France et Suez dans leur argumentation.

Sur le manquement de Veolia à la bonne foi et à la loyauté

Sita France et Suez soutiennent que Veolia a en tout état de cause manqué à l'exigence de bonne doit et de loyauté qui doit présider aux relations tant entre associés qu'entre dirigeants et associés.

Elles considèrent que le manquement de Veolia à la bonne foi et à la loyauté s'évince d'une simple comparaison entre d'une part, le comportement invariablement adopté par les parties et les sociétés de leur groupe aux droits desquelles elles sont venues, depuis leur entrée dans le capital d'Esterra, c'est-à-dire pendant plus de quarante années, le lien égalitaire qu'elles ont ainsi tissé et entretenu en capital comme en gouvernance, dans une relation de confiance mutuelle, et surabondamment les qualités de président qu'exerçait de facto Veolia au sein d'Esterra et d'autre part, le fait pour Veolia d'avoir brusquement rompu cette égalité en se portant acquéreur des actions litigieuses sans inviter son associée à participer à ces acquisitions, de surcroît en les lui dissimulant puis l'évinçant, une fois celles-ci connues, de la direction d'Esterra.

Cependant, il n'est pas établi que Veolia en procédant à l'acquisition des actions des associés minoritaires comme le lui permettaient les statuts, sans qu'il soit porté ainsi atteinte à l'intérêt social d'Esterra, ait manqué à son devoir de loyauté et de bonne foi envers Sita France et Suez.

En effet, il n'y avait pour Veolia aucune obligation d'inviter son partenaire à acquérir conjointement avec elle les actions litigieuses à raison de la libre cession des actions entre actionnaires, à défaut d'un droit acquis au maintien d'une égalité capitalistique dans Esterra.

Par ailleurs, la transcription des acquisitions sur les registres incombe à Esterra et il n'est pas démontré sur ce point que le retard serait imputable à Veolia et résulterait d'une volonté délibérée de dissimulation de sa part.

Sita France et Suez sont des sociétés aguerries à la pratique des affaires et à la gestion des participations dans les sociétés commerciales. Elles étaient représentées par des administrateurs à égalité avec Veolia dans la gouvernance d'Esterra.

Si elles avaient été normalement diligentes et attentives dans le cadre de leur participation à la gouvernance paritaire d'Esterra, elles auraient pris connaissance par la transcription sur le registre des mouvements de titres Esterra des acquisitions faites par Veolia pour les cessions de 2007 et 2008, avant l'assemblée générale de 2008 et pour la cession de 2009, avant l'assemblée générale de 2009, et à tout le moins lors de l'émargement des feuilles de présence lors des assemblées générales de 2008 et 2009.

Il sera à cet égard relevé que Sita France reconnaît que son administrateur était présent lors de l'assemblée générale d'Esterra du 29 juin 2009, qu'il a émargé la feuille de présence sur laquelle le nombre de titres détenus par Veolia était reporté, tenant compte de l'ensemble des acquisitions, ainsi que les noms et le nombre d'actionnaires. Sita France et Suez disposaient donc de l'accès à toutes les informations nécessaires relatives à la participation exacte de Veolia au sein d'Esterra.

A l'occasion de cette assemblée générale, les mandats des administrateurs ont été renouvelé normalement et le conseil d'administration qui a suivi, a renouvelé sa confiance à M. Lecomte en qualité de président directeur général d'Esterra, sans remise en cause de la parité de gouvernance.

Sita France et Suez ne peuvent donc pas sérieusement soutenir que Veolia aurait caché ces acquisitions pour obtenir le renouvellement du mandat de M. Lecomte.

Sita France et Suez soutiennent qu'elles auraient été ensuite évincées de la direction d'Esterra. Sur ce point, la cour d'appel de Douai a définitivement statué par arrêt du 26 avril 2010 par lequel elle a débouté Sita France de toutes ses demandes relatives aux révocations de ses salariés en septembre et octobre 2009, mis à disposition d'Esterra et assurant les fonctions de directeur général adjoint et directeur général délégué. Il ne résulte pas, au regard de cet arrêt et des pièces produites, que leur révocation résulterait de manoeuvres déloyales de Veolia aux fins d'obtenir l'éviction des représentants de Sita France au sein d'Esterra.

Sita France et Suez n'établissent pas en conséquence un comportement déloyal de Veolia à leur encontre visant à conserver un caractère dissimulé aux acquisitions en cause et à les évincer.

En définitive, Sita France et Suez seront donc déboutées de leur demande de délivrance des 2.049 actions de la société Esterra et de toutes leurs demandes de mesures d'effet équivalent, de dommages-intérêts et de toutes autres demandes visant à réparer le préjudice allégué ou à le chiffrer, sur le fondement contractuel.

Sur la responsabilité délictuelle de Veolia

Sita France demande à la cour de faire application du principe suivant lequel « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » et donc de prononcer les mêmes condamnations au bénéfice de Sita France sur le fondement délictuel.

Sita France qui, envisageant que la cour estime, d'une part, qu'elle n'est pas recevable et bien fondée à agir sur aucun des chefs précités, d'autre part, que seule Suez l'est, mais que cette dernière n'est pas à même de solliciter les sanctions revendiquées ci-après à titre de réparation, au motif que le préjudice n'affecte que Sita France, se borne sur ce fondement de la responsabilité délictuelle à demander à la cour de faire application du principe énoncé sans même préciser quel serait la faute contractuelle de Veolia envers Suez qui lui aurait causé un dommage.

En tout cas, la cour n'ayant pas retenu que Veolia aurait commis un tel manquement, Sita France sera déboutée de toutes ses demandes sur ce fondement délictuel.

Sur les demandes de Veolia

Le présent arrêt se substituant à la décision cassée à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation, la décision cassée ayant été exécutée, il sera fait droit à la demande de Veolia de transfert des titres dans les conditions prévues au dispositif du présent arrêt, sans qu'il y ait besoin d'assortir d'une astreinte l'obligation pour la société Esterra de transcrire les mouvements de titre.

A raison de l'infirmation du jugement de première instance et de l'exécution de la décision cassée, il sera fait droit également à la demande de Veolia de percevoir la somme de 71.715 € correspondant au montant des dividendes reçus du chef de ces actions, en vertu de la décision de l'assemblée générale d'Esterra du 27 juin 2011 ainsi qu'à celle de restitution des sommes qu'elle a versées aux intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en application du jugement du tribunal de commerce de Nanterre et de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 27 juillet 2010.

Sur la demande de dissolution de la société Esterra

A titre infiniment subsidiaire, Sita France et Suez sollicitent la dissolution de la société Esterra.

Elles précisent que si elle repose sur les mêmes manquements de Veolia - aux actes, à la convention née du comportement des parties, à la bonne foi et à la loyauté - que les demandes tendant au rétablissement de la parité, cette demande en est bien le subsidiaire en ce qu'elle vise une sanction distincte par sa nature et par ses effets.

Elles ajoutent que le code civil prévoit deux causes alternatives de dissolution des sociétés en son article 1844-7 5º : la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société et l'inexécution de ses obligations par un associé, que Sita France a constamment fondé sa demande de dissolution sur cette dernière cause alternative, que celle-ci ne nécessite pas la paralysie du fonctionnement de la société pour être appliquée, qu'un manquement commis par Veolia, relevant de la duperie, ne peut être sanctionné que par la rupture du contrat de société, soit la dissolution de ladite société, qu'enfin la dissolution qui ne pourrait que provoquer la cession de l'ensemble de l'activité au plus offrant, n'aurait aucun effet dévastateur sur l'emploi comme prétendu par Esterra.

Esterra oppose en premier lieu l'irrecevabilité de cette demande qui serait nouvelle devant la cour.

Elle rappelle que la demande de dissolution faisait partie des demandes initiales de la société Sita France, telles qu'elles résultaient de son assignation devant le tribunal de commerce de Nanterre, que toutefois, si la société Sita France a bien fait figurer cette demande de dissolution dans ses conclusions de première instance, elle n'a pas plaidé cette demande devant le tribunal de commerce de Nanterre (ni la société Suez d'ailleurs), comme elle l'a reconnu elle-même, que ce fait n'est nullement contesté par les sociétés Sita France et Suez Environnement, l'évidence résultant des éléments qui suivent les empêchant de le faire raisonnablement.

Elle soutient en effet que l'abandon de cette demande de dissolution ressort ainsi des débats à l'audience du 13 novembre 2009 devant le tribunal de commerce ainsi que de la lettre du 27 novembre 2009 de la société Sita France adressée au président du tribunal aux termes de laquelle elle dit notamment que :

« le Tribunal aura compris le sens de la demande de dissolution, formulée par écrit mais non plaidée (...) Le véhicule juridique de la dissolution n'a été invoqué que pour mieux souligner cette évidence. Le fait même qu'il n'ait pas été plaidé souligne à quel point Sita n'espère pas cette issue ».

Esterra soutient en conséquence que la procédure devant les juridictions consulaires est orale en application de l'article 860-1 du code de procédure civile, que l'abandon de la demande de dissolution a donc valablement été faite par la société Sita France lors de l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2009 devant le tribunal de commerce de Nanterre, qu'il est de jurisprudence constante qu'en cas de contradiction entre les conclusions écrites et les conclusions orales développées à la barre, ces dernières l'emportent dans le cadre d'une procédure orale.

Esterra considère donc que compte tenu de l'abandon de la demande de dissolution en première instance, la formulation d'une telle demande en cause d'appel constitue indiscutablement une prétention nouvelle devant la cour, dont la sanction, en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, est l'irrecevabilité d'office.

Au fond, Esterra soutient que la demande est mal fondée, que Sita France se contente de solliciter la dissolution sans rapporter la preuve d'un juste motif, que les manquements allégués au protocole et à l'avenant qui sont étrangers à son objet social et à ses statuts ne peuvent constituer un motif légitime de dissolution, que la défaillance énoncée par l'article 1844-7º du code civil vise un manquement aux obligations prévues par le pacte social ou par la loi et non un manquement éventuel à des obligations contenues dans un acte extra-statutaire, que la dissolution d'une société ne peut être prononcée par le juge que s'il constate une paralysie du fonctionnement de celle-ci.

Elle considère que la demande de dissolution constitue un abus de droit et relève d'une intention de nuire à ses intérêts pour atteindre Veolia, que l'attitude de Sita France est constitutive d'une faute qui lui a causé un préjudice financier et moral incontestable.

Il résulte en effet de l'article 871 du code de procédure civile applicable à la date du 13 novembre 2009 à laquelle se sont tenus les débats que la procédure est orale devant le tribunal de commerce.

Or, en matière de procédure orale, une demande ne peut pas être considérée comme nouvelle en appel, lorsque formée initialement devant la juridiction de première instance par des conclusions régulièrement déposées, il n'a pas été mentionné dans le jugement que le demandeur y a expressément renoncé.

En l'espèce, il ressort des mentions du jugement du tribunal de commerce que la société Sita France avait, dans ses écritures, dont les dernières régularisées à l'audience du 13 novembre 2009, sollicité très subsidiairement la dissolution de la société Esterra.

Le courrier du 27 novembre 2009 adressé en cours de délibéré et que le premier juge a écarté ne peut valoir renonciation à une demande dont le tribunal n'a pas constaté dans son jugement qu'elle avait été abandonnée à l'audience.

La demande de dissolution de la société Esterra devant la cour n'est donc pas nouvelle et elle est recevable.

Selon l'article 1844-7 5º du code civil, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Sita France et Suez fondent expressément leur demande de dissolution sur le seul cas d'inexécution de ses obligations par un associé.

Cependant, l'inexécution de ses obligations par un associé permet en application de l'article 1844-7 5º du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif, à la condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société.

En l'espèce, outre que les manquements invoqués de Veolia à l'accord et l'avenant ne sont pas établis, qu'il ne s'agit pas d'inexécution d'obligations imposées par la loi ou par le pacte social, il n'est nullement démontré une quelconque paralysie de fonctionnement de la société Esterra.

S'il y a eu en effet des tensions au sein des organes de décision de la société Esterra immédiatement après l'introduction de l'instance par Sita France et Suez qui ont conduit par exemple à des réunions de conseil d'administration tenues en présence d'un, voire deux huissiers de justice, et à une méfiance affichée et manifestée par Sita France et Suez à l'encontre du président du conseil d'administration, à des procédures judiciaires pour contester les décisions de révocation, il ressort des pièces produites que le conseil d'administration s'est toujours réuni régulièrement et a valablement délibéré, que les assemblées générales ont été régulièrement tenues, que les comptes ont été approuvés, que les organes sociaux ne sont donc pas paralysés et fonctionnent normalement.

Sita France et Suez seront donc déboutées de leur demande de dissolution de la société Esterra.

Esterra ne caractérise pas la faute commise par Sita France et Suez à son encontre et leur intention de nuire, la persistance de ces dernières à la maintenir dans la procédure dès lors qu'elles demandaient à titre même infiniment subsidiaire sa dissolution comme le débouté de cette demande n'étant pas suffisantes à établir l'abus de droit alors que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas suffisante à faire dégénérer l'exercice de ce droit en abus.

Esterra manque aussi à établir le préjudice financier qu'elle invoque, au-delà de celui résultant des frais engagés pour assurer sa défense qui entrent dans les frais irrépétibles. En effet, elle a pu continuer à fonctionner normalement malgré les tensions évidentes créées par le contentieux entre ses deux actionnaires. Il n'est pas démontré que ces tensions aient affecté la bonne conduite de ses affaires et que la demande de dissolution formée à son encontre ait troublé son activité commerciale.

Elle ne justifie pas d'une perte de confiance auprès de ses partenaires commerciaux ou d'une atteinte à son image et à sa réputation auprès des collectivités locales avec lesquelles elle travaille. Si elle fait état de la légitime inquiétude du personnel, elle n'apporte aucune preuve d'un préjudice moral personnel en résultant pour elle.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les entiers dépens devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée, seront à la charge de Sita France et Suez qui succombent.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer à Veolia une indemnité de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à Esterra la même somme au même titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine sur renvoi après l'arrêt rendu le 24 mai 2011 par la Cour de Cassation, chambre commerciale, financière et économique,

Déboute les sociétés Sita France et Suez Environnement de leur demande de production de pièces sous astreinte.

Déclare les sociétés Sita France et Suez Environnement recevables en leur demande de dissolution de la société Esterra.

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 22 janvier 2010 sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Sita France et Suez Environnement de leurs demandes de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau,

Déboute les sociétés Sita France et Suez Environnement de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Veolia Propreté et de la société Esterra.

Déboute la société Esterra de sa demande de dommages-intérêts.

Y ajoutant,

Condamne la société Sita France à restituer à la société Veolia Propreté les 2.049 actions cédées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 27 juillet 2010.

Dit que ce transfert s'opérera, pour 1.545 actions Esterra au prix unitaire par action de 614,89 euros, prix d'acquisition desdits titres par Sita France, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement.

Dit que ce transfert s'opérera, pour 450 actions Esterra au prix unitaire par action de 1.050 euros, prix d'acquisition desdits titres par Sita France, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement.

Dit que ce transfert s'opérera, pour 54 actions Esterra au prix unitaire par action de 423,40 euros, prix d'acquisition desdits titres par Sita France, prix payable comptant à la signature des ordres de mouvement.

Dit que ce transfert s'opérera aux frais de Sita France qui supportera les droits d'enregistrement afférents à la cession à Veolia Propreté des 2.049 titres Esterra.

Condamne la société Sita France à payer à la société Veolia Propreté la somme de 71.715 € correspondant au montant des dividendes reçus du chef de ces actions, en vertu de la décision de l'assemblée générale de la société Esterra du 27 juin 2011.

Dit que le paiement par la société Sita France à la société Veolia Propreté de la somme de 71.715 € s'imputera par compensation sur le prix de cession des 2.049 actions, versé par la société Veolia Propreté à la société Sita France.

Dit que, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir, la société Sita France aura dû procéder à toute démarche, toute formalité lui incombant, utiles ou nécessaires à la cession des 2.049 actions Esterra au profit de la société Veolia Propreté et ce sous une astreinte de 10.000 euros par jour de retard.

Dit que, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la signification par la société Veolia Propreté à la société Esterra des ordres de mouvement signés portant la cession à son profit des 2.049 actions, la société Esterra aura dû procéder à l'inscription de cette cession dans le compte d'actionnaires de la société Veolia Propreté.

Condamne in solidum la société Sita France et la société Suez Environnement aux entiers dépens devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la société Sita France et la société Suez Environnement à payer à la société Veolia Propreté une indemnité de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la même somme à la société Esterra.

Condamne in solidum la société Sita France et la société Suez Environnement à restituer à Veolia Propreté les sommes qu'elle leur a payées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en application du jugement du tribunal de commerce de Nanterre et de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 27 juillet 2010.

Déboute la société Sita France et la société Suez Environnement de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.