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Décisions

Cass. com., 20 décembre 2017, n° 16-22.099

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Spinosi et Sureau

Paris, du 26 mai 2016

26 mai 2016

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2016), que la société Le Club français du livre (la société CFL), dont M. X... était actionnaire majoritaire et président, détenait 25 % du capital de la société de gestion de portefeuille LBO France gestion (la société LBO) ainsi que des participations dans divers fonds gérés par celle-ci ; que les parties ont conclu le 17 octobre 2000 un protocole relatif aux conditions de sortie de la société CFL et de M. X... du capital de la société LBO ; que l'article 8 de cet accord stipulait que la société CFL bénéficierait pour l'avenir des mêmes conditions d'investissement que celles dont bénéficiait la société LBO dans les fonds qu'elle gérait, pour autant que la famille X... conserve directement ou indirectement le contrôle de la société CFL et que M. X... en soit personnellement actionnaire ; qu'estimant que l'accord était résiliable à tout moment, la société LBO y a mis fin, le 4 juillet 2011 ; que la société CFL l'a assignée en paiement de dommages-intérêts en invoquant le caractère fautif de cette rupture ;

Attendu que la société CFL fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que si l'interprétation d'un acte clair et précis est interdite aux juges du fond, ceux-ci ont en revanche un devoir d'interprétation lorsque la volonté des parties ne s'est exprimée que de façon implicite au travers de clauses imprécises ou ambiguës; que la stipulation d'un terme extinctif peut être expresse ou tacite, et résulter en ce dernier cas de la seule volonté implicite des parties, nonobstant l'absence de toute clause du contrat expressément relative à sa durée ; que la société LBO s'est engagée en l'espèce, aux termes de l' article 8 de l' accord du 17 octobre 2000, à faire bénéficier la société CFL et M. X... de conditions préférentielles d'investissement « pour autant » que la société CFL soit « contrôlé(e) directement ou indirectement par la famille X... » et que M. X... en soit « personnellement actionnaire » ; qu'en se bornant à constater, au terme d'une lecture exclusivement littérale de la convention litigieuse, que « les termes de cet accord ne mentionnent aucune limitation de durée et ne comportent aucun terme déterminé ou déterminable » et qu' « il n' y est pas indiqué que l'engagement serait lié à la durée de vie de M. X... et continuerait à produire ses effets jusqu'à son décès », cependant que l'absence de précision des termes contractuels quant à la portée de la référence faite à la période pendant laquelle M. X... resterait personnellement actionnaire de la société CFL imposait aux juges du fond d'interpréter la clause afin de déterminer si cette période ne constituait pas, selon la volonté commune implicite des parties, un terme extinctif incertain affectant l'engagement litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'est pris pour une durée déterminée l'engagement dont le terme extinctif est fixé par référence à un événement futur, même si la date de réalisation de cet événement est inconnue dès lors que cette réalisation n'est pas aléatoire en son principe ; que la clause par laquelle une partie s'engage à faire bénéficier son cocontractant de conditions préférentielles d'investissement tant que ce dernier, personne physique, restera personnellement actionnaire d'une société déterminée affecte la convention d'un terme extinctif incertain, constitué par la perte de la qualité d'actionnaire du bénéficiaire au plus tard au jour du décès de celui-ci, événement dont la réalisation n'est nullement aléatoire en son principe ; qu'en l'espèce, l'article 8 de l'accord du 17 octobre 2000 stipulait que l'avantage préférentiel accordé à la société CFL et à M. X... leur serait octroyé pour autant que M. X... soit personnellement actionnaire de cette dernière ; qu'en retenant qu'« aucun terme précis ne peut être déduit » de la rédaction de la clause litigieuse, « M. X... pouvant céder sa participation à tout moment », cependant qu'une telle clause, en faisant référence au temps pendant lequel M. X..., personne physique, serait personnellement actionnaire de la société CFL, affectait ainsi l'engagement contracté par la société LBO d'un terme extinctif implicite constitué par la perte de la qualité d'actionnaire de M. X..., événement devant se réaliser de manière certaine au plus tard au décès de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le fait de subordonner l'exécution d'un engagement contractuel au maintien de la qualité d'actionnaire de son bénéficiaire, personne physique, n'exclut pas d'affecter dans le même temps cet engagement d'un terme extinctif incertain, constitué par la perte de la qualité d'actionnaire de la personne physique, perte qui survient au plus tard au jour du décès de cette dernière ; qu'en énonçant en l'espèce, pour décider que le décès de M. X... ne pouvait constituer le terme extinctif de l'engagement pris à son égard et à celui de la société CFL par la société LBO, que « la perte de la qualité d'actionnaire » de M. X... constituait en réalité une « condition de validité » de l'engagement et non un terme extinctif, cependant que le fait que l'engagement de la société LBO soit subordonné au maintien de la qualité d'actionnaire de M. X... n'excluait pas en soi le fait qu'il soit également affecté d'un terme extinctif constitué par la perte de sa qualité d'actionnaire, devant survenir au plus tard au décès de celui-ci, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que l'engagement contracté pour une durée dont le terme est fixé par le décès du bénéficiaire, événement dont la réalisation est certaine en son principe, même si sa date est inconnue, n'est pas un engagement perpétuel, mais à durée déterminée ; qu'en énonçant en l'espèce, pour décider que l'engagement contracté par la société LBO envers la société CFL et M. X... était nécessairement à durée indéterminée, que les avantages ainsi accordés à M. X... « ne sauraient être consentis à vie, de tels engagements étant interdits », cependant qu'un engagement pris pour la durée de la vie de son créancier, personne physique, n'est pas un engagement perpétuel prohibé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'article 8 de la convention des parties ne mentionnait aucune limitation de durée et ne comportait aucun terme déterminé ni déterminable et que, notamment, il n'y était pas indiqué que l'engagement serait lié à la vie de M. X... et continuerait à produire ses effets jusqu'à son décès, l'arrêt retient que la perte de la qualité d'actionnaire de ce dernier ne constitue pas un terme extinctif, mais une condition de validité de l'engagement dans le temps ; qu'en l'état de ces motifs, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d'appel a exactement retenu que l'engagement pris par la société LBO était à durée indéterminée et que sa résiliation était dès lors valide ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.