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Décisions

Cass. 2e civ., 16 juillet 2020, n° 18-14.351

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 9 mars 2017

9 mars 2017

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 9 mars 2017 et 25 janvier 2018), M. C..., gérant des sociétés [...] , Société d'exploitation des magasins de détail [...] et Florimo, a, conformément aux dispositions de l'article 7 de la convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, souscrit les 8 novembre 1996 et 31 mai 1998, pour le personnel cadre de chacune de ces sociétés, trois contrats de prévoyance à adhésion obligatoire couvrant les risques d'incapacité, d'invalidité, de décès et d'invalidité absolue et définitive auprès de l'institution de prévoyance Apri prévoyance, aux droits de laquelle se trouve l'institution Humanis prévoyance (l'institution de prévoyance).

 

2. M. C... a, en tant que cadre, adhéré à ces régimes de prévoyance et rempli un questionnaire de santé.

 

3. A la demande des sociétés souscriptrices, les garanties prévues dans ces contrats ont été étendues au plafond de la tranche C de la sécurité sociale à compter du 1er juillet 1998.

 

4. A la suite de trois accidents du travail survenus les 14 février 1997, 12 juillet 1997 et 11 mai 1999, M. C... s'est vu attribuer le 1er octobre 2000 par la caisse primaire d'assurance maladie de Sarreguemines un taux d'incapacité permanente de 100 %.

 

5. Après avoir servi des indemnités journalières et une rente d'incapacité, l'institution de prévoyance a interrompu ses versements et refusé à M. C... le bénéfice d'un capital décès anticipé et d'une rente d'éducation en invoquant une fausse déclaration intentionnelle.

 

6. Les trois contrats de prévoyance collective ont été résiliés par les sociétés [...] , Société d'exploitation des magasins de détail [...] et Florimo à effet du 31 décembre 2004.

 

7. M. C... a assigné l'institution de prévoyance en exécution des garanties souscrites.

 

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen

 

Enoncé du moyen

 

8. L'institution de prévoyance fait grief à l'arrêt du 9 mars 2017 de dire recevable l'intervention volontaire de la société Florimo, alors « que l'intervention accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie ; que, dès lors, en affirmant, pour admettre l'intervention accessoire de la société Florimo, qu'aux termes de ses conclusions, cette dernière appuyait les prétentions de M. E... C... et qu'elle avait intérêt à voir trancher la question de l'applicabilité de l'article L. 932-7 du code de la sécurité sociale aux contrats d'adhésion qu'elle a souscrits pour en faire bénéficier son salarié, sans caractériser en quoi la société Florimo avait un intérêt à intervenir pour la conservation de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 330 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

9. Ayant relevé qu'aux termes de ses conclusions, la société Florimo appuyait les prétentions de M. C... et qu'elle avait intérêt à voir trancher la question de l'applicabilité de l'article L. 932-7 du code de la sécurité sociale aux contrats d'adhésion qu'elle avait souscrits pour en faire bénéficier son salarié, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'existence de l'intérêt de la société Florimo à soutenir M. C... pour la conservation de ses droits , que la cour d'appel a estimé que l'intervention accessoire de la société Florimo était recevable en application de l'article 330 du code de procédure civile.

 

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

 

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois premières branches

 

Enoncé du moyen

 

11. L'institution de prévoyance fait grief aux arrêts de la condamner à verser à M. C... les sommes suivantes : 972 294,79 euros au titre de la rente invalidité revalorisée, somme de laquelle il conviendra de déduire, avant paiement les CSG, CRDS et CASA prévus par les textes en vigueur ; 665 799,68 euros au titre du capital IAD ; 1 878 520,58 euros au titre des rentes éducation revalorisées et arrêtées au 30 septembre 2017, somme de laquelle il conviendra de déduire, avant paiement, les CSG, CRDS et CASA prévus par les textes en vigueur, alors :

 

« 1°/ que lorsque la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle du participant à une opération collective change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'institution de prévoyance, la garantie accordée par l'institution à ce participant est nulle, même si le risque omis ou dénaturé par le participant a été sans influence sur la réalisation du risque ; que l'exception à cette règle ne concerne que les hypothèses dans lesquelles « l'adhésion à l'institution résulte d'une obligation prévue par une convention de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel », c'est-à-dire d'une désignation ou d'une recommandation de l'institution par une convention de branche ou un accord professionnel ; qu'en l'espèce, l'article 7 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 fait obligation aux employeurs de souscrire un régime de prévoyance complémentaire pour leurs cadres salariés tout en les laissant libres de choisir l'institution à laquelle ils désirent adhérer ; que, dès lors, en retenant, pour refuser à l'institution Humanis prévoyance le droit d'invoquer la nullité des garanties accordées à M. E... C..., que ce serait ajouter à la loi que de dire les dispositions de l'article L. 932-7, alinéa 4, du code de la sécurité sociale inapplicables à la situation de M. E... C... en raison de la liberté laissée à l'entreprise adhérente de choisir l'institution de prévoyance ou la société d'assurance auprès de laquelle les garanties doivent être souscrites, la cour d'appel a violé l'article L. 932-7 du code de la sécurité sociale ;

 

2°/ que, subsidiairement, lorsque la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle du participant à une opération collective change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'institution de prévoyance, la garantie accordée par l'institution à ce participant est nulle, même si le risque omis ou dénaturé par le participant a été sans influence sur la réalisation du risque ; que l'exception à cette règle ne concerne que les hypothèses dans lesquelles « l'adhésion à l'institution résulte d'une obligation prévue par une convention de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel » et ne s'applique donc pas à la fraction des garanties qui dépasse l'obligation imposée par la convention de branche ou l'accord professionnel ; que, dès lors, en retenant, pour refuser à l'institution Humanis prévoyance tout droit d'invoquer la nullité des garanties accordées à M. E... C..., que ce serait ajouter à la loi que de dire les dispositions de l'article L. 932-7, alinéa 4, du code de la sécurité sociale inapplicables à la situation de M. E... C... en raison de la souscription par l'entreprise d'une garantie supérieure à la garantie légale obligatoire, la cour d'appel a violé l'article L. 932-7 du code de la sécurité sociale ;

 

3°/ que, subsidiairement, lorsque la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle du participant à une opération collective change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'institution de prévoyance, la garantie accordée par l'institution à ce participant est nulle, même si le risque omis ou dénaturé par le participant a été sans influence sur la réalisation du risque ; que l'exception à cette règle, ne concernant que les hypothèses dans lesquelles « l'adhésion à l'institution résulte d'une obligation prévue par une convention de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel », ne s'applique pas lorsque le groupe de salariés à garantir est uniquement composé de l'employeur souscripteur ; que, dès lors, en retenant, pour refuser à l'institution Humanis prévoyance tout droit d'invoquer la nullité des garanties accordées à M. E... C..., que ce serait ajouter à la loi que de dire les dispositions de l'article L. 932-7, alinéa 4, du code de la sécurité sociale inapplicables à la situation de M. E... C... en raison de la souscription au bénéfice d'une seule personne dès lors que l'entreprise ne salarie qu'un unique cadre, la cour d'appel a violé l'article L. 932-7 du code de la sécurité sociale. »

 

Réponse de la Cour

 

12. L'exception prévue par l'article L. 932-7 du code de la sécurité sociale aux sanctions qu'il édicte lorsque l'adhésion à l'institution résulte d'une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou inter-professionnel n'opérant aucune distinction selon les modalités de désignation de l'institution, le niveau des garanties souscrites, le nombre ou la qualité des salariés bénéficiaires, c'est par une juste application de ce texte, que la cour d'appel a décidé que les dispositions de son dernier alinéa s'appliquaient même si l'employeur conservait le choix de l'institution de prévoyance, s'il n'avait pas souscrit les seules garanties minimales prévues par la convention collective nationale et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et si le groupe assuré était composé d'un unique cadre salarié.

 

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

 

Sur le deuxième moyen, pris en quatrième branche

 

14. L'institution de prévoyance fait le même grief aux arrêts, alors « que, subsidiairement, lorsque des participants sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation du contrat d'adhésion est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution ; que le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention ; qu'il en résulte que le contrat peut valablement prévoir qu'en cas de résiliation, la clause de revalorisation cesse de produire ses effets dès lors que le versement des prestations se poursuit au niveau de la dernière prestations due ou payée ; que, par conséquent, en affirmant que la clause de l'article 6 § B des conditions générales des contrats de prévoyance prévoyant la cessation de l'indexation des rentes en cas de résiliation de l'adhésion était incompatible avec l'article 7 de la loi n° 1989-1009 du 31 décembre 1989, la cour d'appel a violé ce dernier article, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

 

Réponse de la Cour

 

15. Il résulte de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dont les dispositions sont d'ordre public en application de l'article 10 de cette loi, ,que lorsque le droit aux prestations prévues au contrat et à leur revalorisation est né durant son exécution, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur leur versement, toute clause contraire étant réputée non écrite.

 

16. Ayant constaté que si en vertu de l'article 12 des conditions générales des contrats de prévoyance, les rentes éducation et invalidité étaient revalorisables, l'article 6 paragraphe B de ces mêmes conditions générales stipulait qu' « en cas de résiliation de l'adhésion, la clause de revalorisation cesse de produire ses effets », puis relevé que le principe de l'indexation prévue à l'article 12 des conditions générales était acquis à l'ouverture des droits à prestation de M. C..., la cour d'appel en a exactement déduit que les dispositions contractuelles prévoyant la cessation de l'indexation des rentes en cas de résiliation de l'adhésion étaient contraires aux dispositions d'ordre public de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1989 et devaient être réputées non écrites.

 

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

 

Sur le troisième moyen

 

Enoncé du moyen

 

18. L'institution de prévoyance fait grief à l'arrêt du 25 janvier 2018 de rejeter toutes autres demandes, et notamment l'action en responsabilité civile exercée par l'institution de prévoyance contre M. C..., alors « que la responsabilité du participant, qui a effectué une fausse déclaration intentionnelle du risque avant la conclusion d'un contrat d'adhésion auprès d'une institution de prévoyance, ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; que, dès lors, en estimant qu'en application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, l'institution Humanis prévoyance, qui était liée à M. E... C... par un contrat d'adhésion, ne pouvait rechercher la responsabilité de ce dernier dans l'exécution de ses obligations à son égard sur le fondement de la responsabilité délictuelle, après avoir pourtant constaté que l'institution Humanis prévoyance recherchait la responsabilité de M. E... C... à raison de sa fausse déclaration intentionnelle du risque, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

 

Réponse de la Cour

 

19. Lorsqu'en application de l'article L. 932-7, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, l'institution de prévoyance doit sa garantie, nonobstant la réticence ou la fausse déclaration intentionnelle d'un participant dès lors que l'adhésion résulte d'une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, cette institution de prévoyance ne peut échapper à son obligation de garantie en invoquant la responsabilité civile du salarié participant.

 

20. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne l'institution de prévoyance Humanis prévoyance aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.