Cass. 3e civ., 11 octobre 1989, n° 88-14.324
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 1988) que la société Logement et Patrimoine (SLP), assurée à la compagnie La Préservatrice selon police " maître d'ouvrage " a, de 1973 à 1976, fait construire par la société Vinet, entreprise générale assurée à la compagnie La Providence (et dont la liquidation de biens a été clôturée pour insuffisance d'actif en cours d'instance), sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré à la Mutuelle des Architectes de France (MAF) un groupe d'immeubles dénommés Résidence de la Ferme du Buisson ; que le lot " toiture et couverture " a été sous-traité à la société Etacorem, assurée à la compagnie La Concorde et le lot " menuiseries " à la société Ridoret ; qu'après réception des immeubles intervenue entre décembre 1973 et octobre 1976, les syndicats de copropriétaires de la Résidence La Ferme du Buisson, alléguant des infiltrations par les façades et les menuiseries extérieures, ont assigné en responsabilité et réparation du préjudice M. X... et la société Logement et Patrimoine qui ont formé des appels en garantie contre les constructeurs et leurs assureurs, le premier par assignation du 12 décembre 1986 et le second par conclusions du 16 décembre 1987 ;
Attendu que les compagnies La Providence et La Concorde et la société Ridoret font grief à l'arrêt d'avoir condamné la compagnie La Providence et la société Ridoret à garantir la société Vinet de diverses sommes dont celle-ci était reconnue débitrice tant à l'égard des syndicats de copropriétaires que des tiers coresponsables, alors, selon le moyen, " que la mise en oeuvre de la garantie d'un coresponsable ou de son assureur par la voie de l'action directe, suppose nécessairement que la dette de l'assuré ou du responsable soit établie et que celui-ci soit partie à l'instance ; que l'ancien syndic d'une société dont la clôture des opérations de liquidation a été prononcée pour insuffisance d'actif, n'est plus, dès cette date, habilité à la représenter en justice, le débiteur supportant à nouveau les poursuites individuelles des créanciers ; qu'en énonçant que la clôture des opérations de liquidation des biens de la société Vinet avait été prononcée le 23 juin 1982 sans relever, ainsi que l'y invitaient les sociétés " La Providence ", " La Concorde " et " Ridoret ", le défaut de pouvoir de M. Y..., ancien syndic à la liquidation de la société Vinet pour représenter cette société, la cour d'appel n'a pas tiré la conséquence légale de ses propres
constatations et a ainsi violé les articles 90 et 91 de la loi du 13 juillet 1967 ; "
Mais attendu que la clôture pour insuffisance d'actif, simple suspension des opérations de la liquidation de biens de la société Vinet, si elle a rendu à chaque créancier l'exercice individuel de ses actions, n'a mis fin ni au dessaisissement de la société ni aux fonctions du syndic qui conservait le droit d'agir en justice au nom du débiteur, et n'a pas eu pour effet d'interdire aux créanciers de diriger leur action contre le syndic seul ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident des compagnies La Providence et La Concorde et de la société Ridoret :
Attendu que les compagnies La Providence et La Concorde et la société Ridoret font grief à l'arrêt d'avoir condamné la compagnie La Providence et la société Ridoret à garantir in solidum la SLP des diverses condamnations prononcées contre celle-ci au profit des cinq syndicats de copropriétaires alors, selon le moyen " qu'une demande en justice ne peut être introduite que par voie d'assignation ou de requête conjointe, et qu'une ordonnance de jonction de procédures déjà engagées constitue une simple mesure d'administration judiciaire et ne saurait autoriser un plaideur à introduire valablement une nouvelle action ayant un objet différent par voie de simples conclusions ; qu'en déclarant que par l'effet de la jonction ordonnée par les premiers juges, insérant en une seule procédure les recours en responsabilité des copropriétaires à l'encontre de la SLP et les appels en garantie formés par cette dernière contre les constructeurs et leurs assureurs, la demande en garantie formulée ensuite par la SLP, laquelle, ayant été assignée par cinq syndicats de copropriétaires, entendait être garantie des sommes qu'elle serait condamnée à leur verser par la compagnie La Providence et la société Ridoret, avait pu être valablement introduite par voie de simples conclusions, la cour d'appel de Paris a violé l'article 54 du nouveau Code de procédure civile ";
Mais attendu qu'après avoir relevé que, par l'effet de la jonction prononcée, la demande des copropriétaires pris individuellement contre la SLP, les appels en garantie formés par celle-ci contre les constructeurs et leurs assureurs et la demande des syndicats de copropriétaires contre la SLP ne constituaient plus qu'une seule et même instance, la cour d'appel a exactement retenu que le recours que la SLP avait ultérieurement introduit par voie de simples conclusions contre les mêmes constructeurs et assureurs sur la réclamation dirigée contre elle par les syndicats était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter l'action en garantie de M. X... et de la MAF contre la compagnie La Providence, assureur de la société Vinet, l'arrêt retient que ce recours a été introduit après l'expiration du délai de garantie décennale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'architecte et l'entrepreneur, liés au maître de l'ouvrage par des conventions distinctes, sont des tiers dans leurs rapports entre eux et peuvent engager l'un à l'égard de l'autre une action en responsabilité quasidélictuelle se prescrivant à l'époque des faits par trente ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident de la SLP :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir condamné M. X..., la MAF et l'entreprise Vinet à garantir la SLP du chef des désordres affectant les ventilations mécaniques contrôlées (VMC), l'arrêt retient qu'aucune garantie ne peut être mise à la charge de l'assureur de la SLP, réserve étant faite d'un recours de la compagnie La Préservatrice contre cette dernière, ainsi que contre l'architecte et son assureur ;
Qu'en statuant ainsi alors que la compagnie La Préservatrice ne déniait pas sa garantie, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré tardive l'action en garantie de Monsieur X... et de la MAF contre la compagnie La Providence, et en ce qu'il a dit qu'aucune garantie n'était due à la SLP par la compagnie La Préservatrice, l'arrêt rendu le 25 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.