Cass. com., 5 avril 2005, n° 04-10.628
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 novembre 2003), que Mme X..., épouse Y..., exploitait depuis 1964 un fonds de commerce en collaboration avec son époux, M. René Y... ; que leur fils aîné, M. Jean-Luc Y..., né en 1960, après avoir participé à l'activité de l'entreprise de 1976 à 1980, a été embauché en 1980 en qualité de directeur technique ; que son frère, M. Christophe Y..., embauché en qualité de directeur commercial en 1986, a été licencié en 1998 ; qu'en 1999, M. Jean-Luc Y... a lui-même été licencié en raison de la cessation d'activité de son employeur ; que M. Jean-Luc Y..., se prévalant de l'existence d'une société créée de fait entre ses parents, son frère et lui-même, a demandé en justice que soit constatée l'existence de cette société ainsi que sa dissolution, que soit ordonné le partage des biens indivis, que soit désigné un expert chargé de déterminer la valeur du fonds de commerce et que ses parents et son frère soient condamnés à lui payer des dommages-intérêts ;
Attendu que M. Jean-Luc Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ces demandes alors, selon le moyen :
1 ) que l'affectio societatis est caractérisée par la volonté de tous les associés de travailler ensemble sur un pied d'égalité et que l'existence d'un contrat de travail n'est pas un obstacle rédhibitoire à l'existence d'une telle volonté ; que la cour d'appel a relevé que "les achats d'essence de M. Jean-Luc Y... étaient facturés au nom de M. Y..., qu'il signait les bons de livraison, les factures, les fiches d'intervention, les lettres retournant les appareils à échanger ou réparer aux fournisseurs, que sa mère lui avait donné procuration sur le compte bancaire de l'entreprise le 10 novembre 1995, les commandes, recevait les agents du fisc, lors d'un contrôle en 1996, en l'absence de sa mère" ;
qu'en affirmant néanmoins que de telles tâches pouvaient être accomplies dans le cadre d'un contrat de travail, bien qu'elle ait caractérisé ainsi un pouvoir de décision en dehors de tout lien de subordination, la cour d'appel a violé les articles 1832, 1871 et 1873 du Code civil ;
2 ) que la mention dans le nom commercial des noms des associés expose chacun d'entre eux à l'action des tiers ayant contracté avec ladite société lorsqu'ils sont intervenus à l'accord ; qu'en écartant toute volonté de M. Jean-Luc Y... de contribuer aux pertes, alors qu'elle relevait que celui-ci avait conclu de nombreux actes au profit de la société "Y... et fils (ETS)", la cour d'appel a violé les articles 1832, 1872-2 et 1873 du Code civil ;
3 ) que, dans ses conclusions d'appel, M. Jean-Luc Y... faisait valoir que les bénéfices étaient répartis entre ses parents, son frère et lui-même de façon équitable à raison d'environ un tiers chacun, en se référant au dernier exercice de la société de fait ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) que, dans une société créée de fait, les apports peuvent se faire en industrie ; qu'en déduisant l'absence d'un quelconque apport par M. Jean-Luc Y... de ce que les dépannages durant ses permissions n'excédaient pas une aide occasionnelle apportée à ses parents et que rien n'indiquait que ses parents et lui aient entendu qu'il participe aux bénéfices ou aux pertes, sans rechercher si un tel apport ne résultait pas du travail qu'il avait fourni pendant plus de deux ans et antérieurement à son service militaire, sans percevoir la moindre contrepartie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1871 et 1873 du Code civil ;
5 ) que, dans une société créée de fait, les associés ayant fait un apport en industrie peuvent, à l'occasion de sa liquidation, venir au partage des bénéfices produits par le fonds de commerce ainsi que de la plus-value prise par ce fonds à raison de leur activité ; qu'en refusant d'ordonner l'expertise sur la valeur du fonds de commerce qui avait été exploité dans le cadre d'une société créée de fait, aux motifs que celui-ci appartenait aux seuls associés qui en avaient fait l'apport, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi violé les articles 1871-1 et 1873 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que M. Jean-Luc Y... ne peut se prévaloir d'un apport en industrie s'agissant de la période antérieure au 1er août 1980, laquelle apparaît être destinée à sa formation professionnelle sous la subordination juridique de son père ; qu'il retient encore, après avoir énuméré les tâches qui lui avaient été confiées après cette date et sans caractériser l'existence d'un pouvoir de direction exercé en dehors de tout lien de subordination, que ces taches restaient dans la limite de celles qui peuvent être accomplies dans le cadre d'un contrat de travail dont la réalité était par ailleurs établie ; que l'arrêt retient enfin que M. Jean-Luc Y... ne justifie en aucune façon de son intention de participer aux bénéfices et aux pertes ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions évoquées à la quatrième branche, a décidé à bon droit que l'existence d'une société créée de fait n'était pas démontrée ;
Attendu, en deuxième lieu, que si la cour d'appel a constaté que l'activité était exercée sous le nom commercial "Y... et fils", elle n'a pas dit que M. Jean-Luc Y... avait conclu de nombreux actes au profit de la société "Y... et fils" ; que la deuxième branche du moyen, qui prétend le contraire, manque en fait ;
Et attendu, en troisième lieu, que l'arrêt étant justifié par les motifs vainement critiqués par les quatre premières branches du moyen, le grief de la cinquième branche, qui s'adresse à un motif surabondant, ne peut être accueilli ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.