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Décisions

Cass. 2e civ., 1 octobre 2020, n° 19-11.490

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Versailles, du 29 nov. 2018

29 novembre 2018

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), M. K... a saisi la cour d'appel de Paris, le 10 octobre 2017, d'un appel dirigé contre le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, dans une affaire l'opposant à la société Chabé limousines, devenue la société Chabé, puis, le lendemain, a saisi la cour d'appel de Versailles d'un appel dirigé contre le même jugement. Par une ordonnance du 2 mai 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable l'appel formé devant cette cour d'appel et cette décision n'a pas été contestée par les parties.

 

2. La société Chabé a déféré à la cour d'appel de Versailles l'ordonnance du 4 juillet 2018 du conseiller de la mise en état de cette cour d'appel l'ayant déboutée d'une demande tendant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel formée devant cette cour d'appel.

 

Examen du moyen

 

Sur le moyen, pris en sa première branche

 

Enoncé du moyen

 

3. M. K... fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 juillet 2018 et de déclarer irrecevable son appel présenté devant la cour d'appel de Versailles le 11 octobre 2017, alors « qu'une partie qui a formé un premier appel devant une cour d'appel territorialement incompétente est recevable, tant que le délai d'appel n'est pas expiré, à former un second appel devant la juridiction d'appel territorialement compétente ; que le désistement du premier appel n'est pas une condition de la recevabilité du second ; qu'en l'espèce, M. K... a formé un premier appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, le 10 octobre 2017, devant la cour d'appel de Paris ; que le lendemain, tandis que le délai d'appel n'était pas expiré et que l'irrecevabilité du premier appel n'avait pas été prononcée, il en a formé un second devant la cour d'appel de Versailles, territorialement compétente ; qu'il avait intérêt à agir ainsi puisque l'irrecevabilité du premier appel était manifestement encourue ; qu'en déclarant néanmoins ce second appel irrecevable, faute d'intérêt à agir, la cour d'appel a violé les articles 30 et 31, 543 et 546, et 911-1 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu les articles 546 et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile :

 

4. Il résulte du premier de ces textes, selon lequel le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, que la partie qui a régulièrement saisi une cour d'appel d'un premier appel formé contre un jugement n'est pas recevable à réitérer un appel du même jugement contre le même intimé. Selon le second de ces textes, la partie dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.

 

5. Il en découle que la saisine irrégulière d'une cour d'appel, qui fait encourir une irrecevabilité à l'appel, n'interdit pas à son auteur de former un second appel, même sans désistement préalable de son premier appel, sous réserve de l'absence d'expiration du délai d'appel, tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable.

 

6. Pour déclarer irrecevable l'appel présenté par M. K... devant la cour d'appel de Versailles, l'arrêt relève qu'il ressort des actes de la procédure suivie par M. K..., qu'après avoir formé appel le 10 octobre 2017 à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes dans l'instance l'opposant à la société Chabé devant la cour d'appel de Paris, ce salarié présentait un même recours contre la même décision, dès le lendemain, devant la cour d'appel de Versailles et que le 17 janvier 2018, son avocat écrivait à la cour d'appel de Paris que « la saisine de votre juridiction étant une erreur, dont je vous prie de bien vouloir m'excuser, je vous remercie de bien vouloir en tirer toutes les conséquences concernant cette déclaration d'appel. »

 

7. L'arrêt en déduit qu'ayant omis de se désister de cet appel devant la cour d'appel de Paris avant d'avoir formé un nouvel appel devant la cour d'appel de Versailles et alors qu'une même partie ne peut interjeter qu'un seul recours contre une même décision, M. K... n'avait pas intérêt à former, le 11 octobre 2017, un second recours contre le jugement déféré en laissant subsister son premier appel.

 

8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait, d'une part, que le premier appel avait été formé devant la cour d'appel de Paris, dans le ressort de laquelle n'est pas situé le conseil de prud'hommes de Nanterre, de sorte qu'il était irrégulier et, d'autre part, que cette irrégularité n'avait donné lieu au prononcé d'une irrecevabilité que postérieurement à la formation du second appel porté devant la cour d'appel de Versailles, celle-ci a violé les textes susvisés.

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

 

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

 

Condamne la société Chabé aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Chabé et la condamne à payer à M. K... la somme de 3 000 euros ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.