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Décisions

Cass. 2e civ., 13 novembre 2014, n° 13-18.682

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Nîmes, du 7 mars 2013

7 mars 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Com, 15 décembre 2009, pourvoi n° 08-19. 539) que M. X..., victime d'un accident dans les locaux de la société Sodiviv, a assigné cette société en responsabilité ; que, par arrêt du 17 juin 2008, la cour d'appel a jugé la société Sodiviv responsable du dommage et l'a condamnée à payer certaines sommes à M. X... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Privas (la CPAM) ; que cet arrêt, rendu alors que la société Sodiviv avait été mise en redressement judiciaire le 26 décembre 2006 et qu'un plan de redressement avait été arrêté le 11 décembre 2007, sans que le commissaire à l'exécution ait été appelé, a été annulé et dit non avenu par un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2009 (pourvoi n° 08-19. 539) ; que la liquidation judiciaire de la société Sodiviv a été prononcée le 8 juin 2010, M. Y... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que M. X... a saisi la cour d'appel de renvoi et appelé en cause la société Amlin France (la société Amlin), venue aux droits de la société Anglo French underwriters, assureur de la société Sodiviv ; qu'il a demandé la condamnation de la société Amlin à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; que la CPAM a, alors, demandé la condamnation de la société Amlin à lui payer ses débours et ses frais de gestion ;

 

Sur le pourvoi principal :

 

Sur le premier moyen :

 

Vu l'article 555 du code de procédure civile ;

 

Attendu que pour déclarer recevables la mise en cause pour la première fois à hauteur d'appel de la société Amlin, assureur du responsable, par la victime, M. X..., et l'action directe formée par celui-ci contre cette société, l'arrêt retient que l'admission de l'auteur d'un dommage au redressement puis à la liquidation judiciaire, postérieurement au jugement se prononçant sur sa responsabilité, constitue, à l'égard de la victime de ce dommage, une évolution du litige soumis à la cour d'appel qui rend recevable, devant celle-ci, la mise en cause de l'assureur de l'auteur du dommage ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige et que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité est une action autonome qui trouve son fondement dans le droit de la victime à la réparation de son préjudice et que M. X... pouvait, dès la première instance, assigner la société Amlin, de sorte que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Sodiviv après le jugement la déclarant responsable du dommage causé à M. X... n'avait pas modifié les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de la société Amlindevant elle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

Sur le second moyen :

 

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

 

Attendu qu'après avoir déclaré recevable l'action directe exercée par M. X... contre la société Amlin, l'arrêt condamne cette dernière à payer à M. X... une certaine somme en réparation de son préjudice corporel et à la CPAM une certaine somme au titre de ses débours et ses frais de gestion ;

 

Mais attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ses dispositions condamnant la société Amlin à payer diverses sommes à M. X... et à la CPAM ;

 

Sur le pourvoi incident :

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que M. Y..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer la créance de M. X... inopposable à la liquidation judiciaire de la société Sodiviv et de fixer la créance de la CPAM de Privas au passif de la société Sodiviv à la somme de 11 690 euros au titre de ses débours et à la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, alors, selon le moyen, qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à sa déclaration de créance ; qu'en l'absence de déclaration de créance émanant du demandeur initial, l'instance demeure interrompue jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire ; qu'au cas présent, M. Y..., en sa qualité de liquidateur judiciaire, avait invoqué l'irrecevabilité des demandes formées par M. X... et par la CPAM de Privas, faute pour M. X... d'avoir déclaré sa créance ; qu'après avoir constaté que M. X... n'avait ni déclaré sa créance ni obtenu un relevé de forclusion, la cour d'appel a néanmoins infirmé le jugement et, statuant à nouveau, déclaré la créance de M. X... inopposable à la procédure collective et fixé la créance de la CPAM de Privas au passif de la procédure collective de la société Sodiviv ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que M. X... n'avait ni déclaré sa créance ni obtenu un relevé de forclusion, ce dont il dont il résultait que les conditions de la reprise d'instance n'était pas réunies, la cour d'appel a violé les articles L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce, ensemble l'article 372 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu qu'ayant constaté que M. X... n'avait ni déclaré sa créance pour la part de son préjudice qui lui était propre ni exercé d'action en relevé de forclusion, de sorte qu'elle était inopposable à la procédure collective, cependant que la CPAM avait déclaré la sienne, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur une reprise d'instance à son égard, c'est à bon droit que la cour d'appel qui n'avait pas à répondre à un moyen inopérant a statué sur la demande de la CPAM tendant à voir fixer sa créance au passif de la procédure collective ;

 

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

 

Sur le second moyen :

 

Attendu que M. Y..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer la société Sodiviv responsable du préjudice subi par M. X... et de fixer en conséquence la créance de la CPAM au passif de la procédure collective, alors, selon le moyen, que si le contact de la victime avec une chose en mouvement permet de présumer le rôle instrumental de la chose dans la réalisation du dommage, une chose inerte ne peut se voir reconnaître un rôle actif qu'à la condition que soit établie l'anormalité de son positionnement, de son état ou de son fonctionnement ; qu'au cas présent, M. Y... faisait valoir que l'échelle, qui avait été positionnée contre le mur par M. Z..., était inerte et qu'il incombait dès lors à M. X... d'apporter la preuve de l'anormalité de son positionnement, de son état ou de son fonctionnement ; que pour estimer que l'accident dont avait été victime M. X... était imputable au fait de l'échelle dont SODIVIV avait conservé la garde, la cour d'appel a retenu que l'échelle avait été l'instrument du dommage, aux seuls motifs que M. X... était monté sur l'échelle et qu'il en était tombé avec elle ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par l'exposant, si la chute de M. X... avait été causée par un mouvement de l'échelle ou, à défaut, si ladite échelle présentait une anomalie tenant à son positionnement, à son état ou à son fonctionnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

 

Mais attendu qu'ayant relevé qu'un préposé de la société Sodiviv, en raison d'une forte pluie et de la nécessité de fermer les trappes de désenfumage, avait pris l'échelle qui se trouvait dans la cour et était monté sur le toit, et que, la deuxième trappe ne se fermant pas, il avait fait appel à M. X... qui était alors monté sur le toit à l'aide de la même échelle mais qui, perdant l'équilibre, était ensuite tombé avec cette échelle, ce dont il résultait que l'échelle était nécessairement en mouvement et en contact avec M. X... dans sa chute et qu'elle avait donc été l'instrument du dommage, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

 

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi incident ;

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déclarant recevables la mise en cause de la société Amlin France en appel, l'action directe formée par M. X... à son encontre et condamnant la société Amlin France à payer à M. X... la somme de 35 300 euros en réparation de son préjudice personnel et à la CPAM la somme de 11 620, 93 euros au titre de ses débours et celle de 997 euros au titre des frais de gestion et les sommes de 2 500 euros à M. X... et de 1 000 euros à la CPAM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sur les dépens, l'arrêt rendu le 7 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

 

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

 

Déclare irrecevables la mise en cause de la société Amlin France devant la cour d'appel et l'action directe formée contre elle par M. X... et déclare en conséquence irrecevables les demandes en paiement de M. X... et de la CPAM de Privas ;

 

Dit que les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et d'appel et ceux d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé seront supportés par M. X... ;

 

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Condamne M. X... aux dépens du pourvoi principal ;

 

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens du pourvoi incident ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.