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Décisions

Cass. 2e civ., 26 novembre 2020, n° 19-16.016

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Grenoble, du 19 fév. 2019

19 février 2019

1.Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 février 2019), le 4 mai 2012, Mme R..., qui marchait sur un trottoir, a été heurtée par un véhicule assuré auprès de la société Mutuelle assurances des instituteurs de France (l'assureur).

 

2.L'assureur a mandaté un expert, M. U..., lequel a déposé son rapport le 11 juillet 2013.

 

3.Par ordonnance du 28 mai 2014, le juge des référés a ordonné une expertise médicale, confiée à M. E... qui a déposé son rapport le 6 août 2015.

 

4.Les 25 et 30 mai 2016, Mme R... a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse).

 

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé

 

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

 

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

 

Enoncé du moyen

 

6. Mme R... fait grief à l'arrêt de chiffrer le préjudice subi au titre de ses pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle à la seule somme de 124 527,39 euros et de juger qu'après déduction de la créance de l'organisme social il lui revient la seule somme de 50 051,67 euros et de la débouter du surplus de ses demandes, alors que « pour déterminer le capital représentatif de la rente servie par la CPAM à la victime, pour en déduire le montant de son préjudice, les juges du fond doivent faire application du barème figurant en annexe 1 de l'arrêté du 11 février 2015 modifiant l'arrêté du 27 décembre 2011 modifié relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en refusant de faire application de ce barème, la cour d'appel a violé les textes précités » ;

 

Réponse de la Cour

 

7. Si l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, les modalités fixées par cet arrêté ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat.

 

8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, pour déterminer le capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie à la victime, qui devait être imputé sur l'indemnisation allouée, a fait application du même barème que celui qu'elle retenait pour capitaliser les pertes de gains professionnels futurs.

 

9. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

 

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

 

Enoncé du moyen

 

10. Mme R... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à l'évaluation du préjudice subi au titre de son déficit fonctionnel temporaire à la somme de 616 euros, alors qu' « une partie est recevable à formuler pour la première fois en cause d'appel une demande qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et peut ajouter à celles-ci toutes les demande qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, Mme R... expliquait qu'elle demandait l'augmentation du montant de l'indemnisation qui lui avait été accordée en première instance au titre du déficit fonctionnel temporaire, car elle y incluait désormais une demande de réparation de son « préjudice d'agrément temporaire » dont elle n'avait pas demandé réparation devant le tribunal ; qu'en déclarant cette demande, qui constituait le complément de ses demandes de première instance tendant à la réparation de ses préjudices poursuivait la même fin, irrecevable la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu les articles 546, 564 et 565 du code de procédure civile :

 

11. Il résulte du premier de ces textes qu'une partie qui n'a pas obtenu totalement satisfaction en première instance est recevable à former appel. Il résulte des deuxième et troisième que sont recevables, comme n'étant pas nouvelles, les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

 

12. Pour déclarer Mme R... recevable en son appel mais irrecevable à contester le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire pour lequel elle avait entièrement obtenu gain de cause en première instance, et confirmer le jugement sur la somme de 506 euros allouée à ce titre, l'arrêt retient que devant le tribunal de grande instance, Mme R... sollicitait l'allocation d'une somme qui lui a été intégralement allouée par le jugement, qu'elle n'invoque ni erreur de calcul ni aggravation de ce chef de préjudice et qu'elle est dès lors dépourvue d'intérêt à demander la réformation du jugement.

 

13. En statuant ainsi, alors que la demande présentée en cause d'appel, qui tendait à la même fin d'indemnisation du préjudice résultant de l'accident que celle soumise au premier juge, et était dès lors recevable, la cour d'appel, qui a confondu les règles relatives à la recevabilité de l'appel et celles relatives à la recevabilité de la demande, a violé les textes susvisés.

 

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

 

Enoncé du moyen

 

14. Mme R... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de doublement des intérêts au taux légal, alors « que l'assureur est tenu de faire une offre définitive d'indemnisation à la victime dans les cinq mois qui suivent la date à laquelle il a été informé de la date de consolidation de son état ; que la contestation, par la victime, des conclusions de l'expertise qui a fixé la date de consolidation ne dispense pas l'assureur de son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que Mme R... avait contesté les conclusions de l'expertise du Dr U... datée du 11 juillet 2013, qui avait fixé la date de consolidation de ses blessures au 4 mai 2013, pour juger que la date à laquelle l'assureur en avait eu connaissance n'avait pas fait courir le délai de 5 mois dont il disposait pour formuler une offre d'indemnisation définitive à la victime, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :

 

15. Il résulte de ces textes que lorsque l'offre définitive, qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, n'a pas été faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

 

16. Pour rejeter la demande de Mme R... de doublement du taux de l'intérêt légal, l'arrêt retient que si la consolidation avait été fixée au 4 mai 2013 par l'expert U... mandaté par l'assureur dans son rapport du 11 juillet 2013, Mme R... a contesté les éléments de ce rapport par lettre du 26 août 2013 adressée à l'assureur qui lui a proposé, à sa demande, de faire réaliser une seconde expertise amiable, ce à quoi la victime n'a pas donné suite et qui a conduit à la mise en oeuvre, en référé, d'une expertise judiciaire confiée à M. E..., lequel a déposé un rapport définitif le 6 août 2015, en fixant une date de consolidation de l'état de la victime différente de celle retenue par M. U....

 

17. L'arrêt ajoute que dans ces conditions, le délai de cinq mois prévu par l'article L. 211-9 n'a commencé à courir que du jour où l'assureur a eu connaissance du rapport de M. E... et que l'offre définitive adressée par l'assureur le 28 septembre 2015 l'a été dans ce délai et n'était pas manifestement insuffisante ni dérisoire.

 

18. En statuant ainsi, alors que la circonstance que la victime avait contesté la date de consolidation retenue par l'expert ne dispensait pas l'assureur de faire une offre d'indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme R... recevable en son appel mais irrecevable à contester, devant la cour, le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire pour lequel elle a entièrement obtenu gain de cause en première instance, en ce qu'il confirme le jugement qui a fixé à 506 euros le préjudice de Mme R... au titre du déficit fonctionnel temporaire, en ce qu'il déboute Mme R... de sa demande au titre du doublement des intérêts au taux légal et en ce qu'il condamne la société Maif à payer à Mme R... la somme totale de 64 157,67 euros en réparation de ses préjudices sous déduction, le cas échéant, des provisions déjà versées, l'arrêt rendu le 19 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

 

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

 

Condamne la société Maif aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Maif et la condamne à payer à Mme R... une somme de 3 000 euros ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire empêché, conformément aux articles 452 et 456 du code de procédure civile.