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Décisions

Cass. 2e civ., 2 juillet 2020, n° 19-13.616

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Basse-Terre, du 14 janv. 2019

14 janvier 2019

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 janvier 2019), le Groupement foncier agricole Bellevue-Darras (le GFA) a consenti à T... D... un bail rural à long terme expirant le 27 septembre 2007, portant sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Lamentin. L'assemblée générale extraordinaire du GFA, réunie le 24 juin 2010, a décidé d'attribuer cette parcelle à M. W....

 

2. T... D... a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en nullité de cette décision, en invoquant l'absence de résiliation conventionnelle du bail et en sollicitant sa poursuite par M. C... et la SCEA Saba (la SCEA), constituée à cette fin. Il a été débouté de cette demande par un jugement du 11 mai 2012, confirmé en appel par un arrêt du 17 juin 2013.

 

3. Par ordonnance du 31 mars 2017, le juge des référés d'un tribunal de grande instance a ordonné l'expulsion de M. C... de la parcelle en cause. Ce dernier a interjeté appel de cette décision.

 

4. Le 27 mars 2017, M. C..., les consorts A... N... D..., héritiers d'T... D..., décédé entre temps, et la SCEA ont assigné en tierce opposition le GFA devant la même cour d'appel, en lui demandant de rétracter l'arrêt rendu le 17 juin 2013. Les deux appels ont été joints.

 

Examen du moyen

 

Enoncé du moyen

 

5. M. C..., les consorts A... N... D... et la SCEA font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la tierce opposition contre l'arrêt du 17 juin 2013 rendu par la cour d'appel de Basse-Terre et, en conséquence, de confirmer l'ordonnance du 31 mars 2017 rendue par le juge des référés de Pointe-à-Pitre alors :

 

« 1°/ que l'intérêt à agir en tierce opposition, qui est la condition de la recevabilité du recours, n'est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l'action ; qu'en ayant jugé que M. C... et la SCEA Saba étaient irrecevables en leur recours en tierce opposition, car M. C... ne démontrait pas un droit sur la parcelle [...] au jour où M. T... D... avait notifié au bailleur par courrier du 10 septembre 2007 son intention de ne pas renouveler le bail parvenu à son terme et dont il était le seul titulaire, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

 

2°/ que la recevabilité d'une tierce opposition ne se confond pas avec le bien-fondé de celle-ci ; qu'en ayant déclaré irrecevable la tierce opposition des exposants, au motif que M. C... ne pouvait se prévaloir du caractère équivoque de la notification du 10 septembre 2007 pour justifier une atteinte à ses droits et un intérêt à agir, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

 

3°/ que la recevabilité de la tierce opposition formée contre un arrêt ne peut être appréciée en fonction de la motivation de la décision attaquée ; qu'en ayant déclaré irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, au motif que « le tribunal et la cour [il s'agit de l'arrêt du 17 juin 2013 frappé de tierce opposition] ont déjà rappelé à M. T... D... que le congé librement donné ne pouvait être rétracté et que le courrier du 3 décembre 2007 adressé par M. D... au GFA manifestant une intention contraire, est sans effet et, en tout état de cause, postérieur au terme du bail », la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

 

4°/ que l'intérêt à agir en tierce opposition peut se déduire de ce qu'un bail rural n'avait jamais été rompu ; qu'en ayant jugé irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, sans rechercher si la contestation de la résiliation du bail rural prétendument opérée par courrier du 10 septembre 2007 n'était pas de nature à fonder l'intérêt à agir en tierce opposition de M. C... qui, après septembre 2007, avait fondé une SCEA avec son oncle pour permettre la transmission de l'exploitation agricole litigieuse, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;

 

5°/ que l'intérêt à agir en tierce opposition peut être établi, dans l'hypothèse d'une attribution de terres objet d'un bail rural à un tiers, si une convention de mise à disposition de ces mêmes parcelles avait été précédemment consentie ; qu'en ayant dénié tout intérêt à agir en tierce opposition à M. C... et à la SCEA Saba, faute de tout droit démontré sur la parcelle [...] , sans rechercher si, sous l'égide de la chambre d'agriculture elle-même, la transmission de l'exploitation et du bail rural dont bénéficiait T... D... n'avait pas été organisée et qu'à cet effet, une SCEA Saba, dont M. I... C... était le gérant, avait été créée et avait bénéficié d'une mise à disposition des terres objet du bail rural, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;

 

6°/ que l'exploitation continue par une SCEA de terres objet d'un bail qui a été attribué à un tiers, fonde l'intérêt à agir en tierce opposition de cette SCEA qui avait continûment exploité les terres ; qu'en ayant jugé irrecevable la tierce opposition formée par M. C... et la SCEA Saba, sans rechercher si celle-ci n'avait pas continûment exploité les terres objet du bail rural et si T... D... n'en avait pas réglé les fermages, notamment en 2013, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

6. L'appréciation de l'existence d'un préjudice en matière de tierce opposition et de l'intérêt du demandeur à exercer cette voie de recours relève du pouvoir souverain des juges du fond.

 

7. C'est donc dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'intérêt à agir, et justifiant sa décision par ces seuls motifs au regard de l'article 583 du code de procédure civile, que la cour d'appel, après avoir relevé que M. C... ne démontrait pas l'existence d'un droit sur la parcelle en cause au jour où T... D... avait notifié au bailleur son intention de ne pas renouveler le bail à son terme, que l'exercice par ce dernier de son droit personnel de ne pas renouveler le bail n'ouvrait pas à M. C... un droit à en contester la validité du seul fait que cet acte serait de nature à contrecarrer ses projets, et que M. C... et la SCEA ne démontraient pas l'existence, à leur profit, d'une convention de bail précaire ou d'une cession opposable au bailleur, a jugé que la tierce opposition n'était pas recevable.

 

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne M. C..., la société Saba, Mme A..., Mmes V... et Q... N... et M. D... aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille vingt, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.