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Décisions

Cass. 3e civ., 14 mars 1973, n° 71-13.963

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Montera

Rapporteur :

M. Zousmann

Avocat général :

M. Paucot

Avocat :

Me Marcilhacy

Aix-en-Provence, du 16 juin 1971

16 juin 1971

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU'IL RESSORT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE QU'EN 1931, VEUVE MONTEIL AVAIT DONNE A TRIACCA, POUR 15 ANS, DES LOCAUX A USAGE DE BAR ET D'HABITATION ;

QUE VEUVE MONTEIL EST DECEDEE EN 1943 APRES AVOIR VENDU LA NUE-PROPRIETE A SEASSAU ET A DAME MONACO ;

QU'EN 1948, SEASSAU A FAIT APPORT DE LA PLEINE PROPRIETE DE SA PART A LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE 1 RUE BARRALIS ;

QUE DAME MONACO A CEDE, A SON TOUR, SA PART DE PROPRIETE A LADITE SOCIETE ;

QU'EN JUIN 1948, TRIACCA A DEMANDE LE RENOUVELLEMENT DE SON BAIL, ACCEPTE PAR LE DIRECTEUR DE L'ENREGISTREMENT, SEQUESTRE DES EPOUX MONACO, ET REFUSE PAR LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ;

QU'UN JUGEMENT DU 6 JUILLET 1949, IRREVOCABLE, A DECIDE QUE TRIACCA AVAIT DROIT A UNE INDEMNITE D'EVICTION ;

QU'EN FAIT, SANS PERCEVOIR CETTE INDEMNITE, TRIACCA EST RESTE DANS LES LIEUX JUSQU'A SON DECES SURVENU LE 20 JUILLET 1960 ;

QUE VEUVE TRIACCA A VENDU, LE 1ER MARS 1963, A DAO LENA, SON FONDS DE COMMERCE EXPLOITE DANS LES LIEUX PRIS A BAIL ;

QUE LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE A, LE 16 JUIN 1969, ASSIGNE DAO LENA EN EXPULSION ET EN PAIEMENT D'UNE INDEMNITE D'OCCUPATION ;

ATTENDU QUE DAO LENA FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECIDE QU'IL NE POUVAIT PRETENDRE AU RENOUVELLEMENT DE SON BAIL NI A UNE INDEMNITE D'EVICTION, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, D'UNE PART, QUAND LE DROIT A L'INDEMNITE D'EVICTION D'UN COMMERCANT AUQUEL LE BAILLEUR A REFUSE LE RENOUVELLEMENT DE SON BAIL A ETE JUDICIAIREMENT CONSACRE, CE COMMERCANT, DONT LE FONDS DE COMMERCE COMPREND DESORMAIS, ENTRE AUTRES ELEMENTS, LE DROIT A L'INDEMNITE D'EVICTION, CEDE NECESSAIREMENT, AVEC SON FONDS DE COMMERCE, CE DROIT QUI Y EST INCORPORE, QUE, D'AUTRE PART, IL RESULTAIT DE L'ACTE DE VENTE DU 1ER MARS 1963, DENATURE PAR LA COUR D'APPEL QUE VEUVE TRIACCA AVAIT CEDE A L'ACQUEREUR SON INDEMNITE D'EVICTION ET QU'ENFIN RIEN N'AUTORISAIT LA COUR D'APPEL A CONCLURE, COMME ELLE L'A FAIT, L'APPLICATION DE LA NOTION D'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE ;

MAIS ATTENDU, D'ABORD, QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE RELEVENT QUE " LE 1ER MARS 1963, DATE A LAQUELLE LA DAME VEUVE TRIACCA A VENDU SON FONDS DE COMMERCE A DAO LENA, LE CONTRAT DE BAIL DU 1ER JUILLET 1931 ETAIT ARRIVE A EXPIRATION, NE SERAIT-CE QU'EN VERTU DE LA DEMANDE DE RENOUVELLEMENT FORMEE PAR TRIACCA LE 28 DECEMBRE 1953 ET DU CONGE DONNE, EN TANT QUE DE BESOIN, PAR LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE 1 RUE BARRALIS, PAR EXPLOIT DU 30 DECEMBRE 1953 " ;

QU'ILS EN DEDUISENT EXACTEMENT QU' " EN VERTU DE L'ARTICLE 4 DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953, DAO LENA NE PEUT INVOQUER AUCUNE EXPLOITATION PERSONNELLE DU FONDS ACQUIS, POUR POUVOIR BENEFICIER DU DROIT AU RENOUVELLEMENT " ET QU' " EN VENDANT SON FONDS DE COMMERCE A DAO LENA, VEUVE TRIACCA N'A PU LUI CEDER VALABLEMENT SON DROIT AU BAIL ET, PAR VOIE DE CONSEQUENCE, SA CREANCE AU PAIEMENT D'UNE INDEMNITE D'EVICTION " ;

ATTENDU, ENSUITE, QUE, PAR UNE INTERPRETATION NECESSAIRE DE TOUTES LES CLAUSES DE L'ACTE DE VENTE DU 1ER MARS 1963, EXCLUSIVE DE LA DENATURATION ALLEGUEE, LES JUGES DU SECOND DEGRE RELEVENT QUE SI CET ACTE " RETRACE, EN CE QUI CONCERNE LE DROIT AU BAIL, LES DIFFERENTES PROCEDURES DILIGENTEES PAR LES PARTIES, IL NE STIPULE NULLEMENT QUE DAME TRIACCA, CEDE AU SIEUR DAO LENA SA CREANCE AU PAIEMENT D'UNE INDEMNITE D'EVICTION " ;

ATTENDU, ENFIN, QUE LES JUGES D'APPEL ENONCENT, A BON DROIT, QUE LA NOTION D'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE EST SANS APPLICATION EN L'ESPECE PUISQUE LA PRIVATION DE L'INDEMNITE D'EVICTION POUR DAO LENA " RESULTE D'UNE CESSION A LUI FAITE DU DROIT A RENOUVELLEMENT D'UN BAIL EXPIRE ET, PAR CONSEQUENT, DE L'APPLICATION DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 " ;

D'OU IL SUIT QUE LE PREMIER MOYEN N'EST PAS FONDE ;

SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QUE DAO LENA REPROCHE A L'ARRET DE L'AVOIR DECLARE NON FONDE A PRETENDREAU RENOUVELLEMENT DU BAIL DU 1ER JUILLET 1931 ALORS, D'APRES LE POURVOI, QUE LE LOCATAIRE COMMERCIAL D'UN BAIL TACITEMENT RENOUVELE PEUT VALABLEMENT EN CONSENTIR LA CESSION ET QU'EN L'ESPECE LES FAITS ET DOCUMENTS DE LA CAUSE, QUE LA COUR D'APPEL A DENATURES ET QUI AVAIENT ETE RAPPELES DANS LES CONCLUSIONS, ET NOTAMMENT LA PERCEPTION, PAR LA SOCIETE BAILLERESSE, DES LOYERS AFFERENTS AUX LOCAUX LITIGIEUX, ETABLISSAIENT QUE LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE 1 RUE BARRALIS AVAIT RENONCE D'UNE FACON TACITE, MAIS CERTAINE, A SON REFUS DE RENOUVELLEMENT, DE TELLE SORTE QUE VEUVE TRIACCA AVAIT VALABLEMENT CEDE SON DROIT AU BAIL A DAO LENA QUI ETAIT FONDE, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 4 DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953, A EN DEMANDER LE RENOUVELLEMENT ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, SANS DENATURER AUCUN DOCUMENT, RELEVE QUE DAO LENA " VERSE AUX DEBATS UNE SEULE QUITTANCE DE 55000 ANCIENS FRANCS, EN DATE DU 30 JANVIER 1956, REPRESENTANT LE MONTANT DU LOYER OU INDEMNITE D'OCCUPATION DU POUR LA PERIODE DU 1ER JANVIER AU 30 JUIN 1956, LADITE QUITTANCE INDIQUANT, EN OUTRE, QUE TOUS LES DROITS DE LA SOCIETE DEMEURAIENT RESERVES " ;

QU'ELLE CONSTATE QUE L'ACTE DE VENTE DU FONDS DE COMMERCE DU 1ER MARS 1963 PRECISE : " LA DERNIERE QUITTANCE EN LA POSSESSION DE LA VENDERESSE A ETE DELIVREE PAR LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LE 27 JANVIER 1959, ELLE CONSTATAIT LE VERSEMENT, PAR M ETIENNE TRIACCA, D'UNE SOMME DE 550 FRANCS REPRESENTANT LE MONTANT DE L'INDEMNITE D'OCCUPATION POUR LA PERIODE DU 1ER JUILLET 1958 AU 31 DECEMBRE 1958 " ET QU'ELLE A PU ESTIMER QU' " IL EST DEMONTRE QUE LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE N° 1 RUE BARRALIS N'A PAS RENONCE A SON REFUS DU RENOUVELLEMENT ET QUE LE SEUL FAIT DE N'AVOIR PAS POURSUIVI L'HOMOLOGATION DU RAPPORT D'EXPERTISE NE PEUT ETRE CONSIDERE COMME CONSTITUANT LADITE RENONCIATION " ;

ATTENDU QUE, PAR CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS, QUI REPONDENT AUX CONCLUSIONS, LA COUR D'APPEL, EN DECIDANT QU'IL N'Y AVAIT PAS EU RENOUVELLEMENT TACITE DU BAIL LITIGIEUX, A JUSTIFIE, SUR CE POINT ENCORE, SA DECISION ;

D'OU IL SUIT QUE LE DEUXIEME MOYEN N'EST PAS MIEUX FONDE QUE LE PREMIER ;

SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENFIN FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR CONDAMNE DAO LENA A PAYER UNE INDEMNITE D'OCCUPATION AU PROPRIETAIRE DES LOCAUX DEPUIS MARS 1963, ALORS, SELON LE MOYEN, QU'EN APPLICATION DE L'ARTICLE 33 DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953, TOUTES LES ACTIONS EXERCEES EN VERTU DE CE DECRET SE PRESCRIVENT PAR UNE DUREE DE DEUX ANS, QUE DAO LENA L'AVAIT SOUTENU DANS SES CONCLUSIONS DEMEUREES SANS REPONSE ET QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT LE CONDAMNER POUR LES PERIODES ANTERIEURES DE PLUS DE DEUX ANS A L'INTRODUCTION DE LA DEMANDE EN INDEMNITE D'OCCUPATION PRESENTEE PAR LA SOCIETE PROPRIETAIRE ;

MAIS ATTENDU QUE L'ACTION EN PAIEMENT DE L'INDEMNITE D'OCCUPATION INTENTEE CONTRE UN OCCUPANT SANS DROIT NI TITRE, A LA DEMANDE DU PROPRIETAIRE DES LIEUX, ECHAPPE A LA PRESCRIPTION EDICTEE PAR L'ARTICLE 33 DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953, PAR LE SEUL FAIT QU'ELLE N'EST QUE LA REPARATION DU DOMMAGE RESULTANT D'UNE OCCUPATION IRREGULIERE DES LOCAUX PAR UNE PARTIE NE TIRANT AUCUN DROIT DES DISPOSITIONS DU DECRET SUR LES BAUX COMMERCIAUX ;

ATTENDU QU'EN S'EXPLIQUANT SUR LA SUPERFICIE DES LOCAUX ET SUR LEUR ETAT POUR FIXER SUR CES ELEMENTS SON EVALUATION DE L'INDEMNITE D'OCCUPATION, LA COUR D'APPEL, REPONDANT AINSI IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT AUX CONCLUSIONS, A, SANS VIOLER LE TEXTE VISE AU MOYEN, JUSTIFIE SA DECISION ;

D'OU IL SUIT QUE LE TROISIEME MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 16 JUIN 1971 PAR LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE.