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Décisions

Cass. 3e civ., 1 octobre 2020, n° 19-11.636

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Nîmes, du 20 sept. 2018

20 septembre 2018

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 20 septembre 2018, rectifié le 7 février 2019), M. et Mme C...ont acquis un immeuble pour lequel ils ont souscrit une assurance habitation auprès de la société Assurances du Crédit mutuel.

 

2. Ils ont confié à la société Aenergie, assurée auprès de la société AGF, devenue Allianz IARD, l'installation d'un système de production d'eau chaude comprenant la pose d'une pompe à chaleur et de deux panneaux solaires sur un pan de toiture. Cette opération a été sous-traitée à M. R..., assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).

 

3. Cette zone de la toiture, ainsi que des constructions environnantes, se sont effondrées.

 

4. La société Aenergie a été mise en liquidation judiciaire, puis radiée du registre du commerce et des sociétés à la suite de la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif .

 

5. Après expertise, M. et Mme C... ont assigné la société Assurances du Crédit mutuel, M. R..., la société Axa et la compagnie Allianz IARD en réparation de leurs préjudices. Examen des moyens

 

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

 

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui sont irrecevables.

 

Mais sur le premier moyen

 

Enoncé du moyen

 

7. M. et Mme C... font grief à l'arrêt de dire que la société Aenergie France a manqué à son devoir de conseil, qu'il en résulte une perte de chance représentant 40 % du préjudice qu'ils subissent, de rejeter leur demande tendant à voir dire que la responsabilité décennale de la société Aenergie France est engagée au sens de l'article 1792 du code civil et de rejeter leur demande tendant à voir condamner son assureur décennal, la société Allianz IARD, à leur payer diverses sommes, alors :

 

« 1°/ que la mise en jeu de la responsabilité décennale d'un constructeur n'exige pas la recherche de la cause des désordres ; qu'il faut et il suffit que les désordres portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou qu'ils le rendent impropre à sa destination ; qu'en jugeant, pour refuser l'application de la garantie décennale aux travaux d'installation d'une pompe à chaleur comprenant la pose de panneaux solaires, la pose desdits panneaux ayant entraîné l'effondrement de la structure leur servant d'appui, que la cause du sinistre se trouvait dans l'absence de prise en compte de la fragilité du support préexistant des capteurs solaires mais non dans un dysfonctionnement de ceux-ci ou de la pompe à chaleur, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante, en violation de l'article 1792 du code civil ;

 

2°/ que la mise en jeu de la responsabilité décennale d'un constructeur ne suppose pas la démonstration d'une faute ; qu'en rejetant la responsabilité décennale de la société Aenergieau prétexte que la faute commise par celle-ci n'était pas liée à des désordres affectant la pompe à chaleur mais au défaut de diagnostic préalable de la structure porteuse, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante, en violation de l'article 1792 du code civil ;

 

3°/ que la sanction d'un manquement à l'obligation de conseil du constructeur est fonction de la nature du dommage causé par ce manquement ; qu'en retenant, pour refuser la mise en jeu de la responsabilité décennale de la société Aenergie, que la faute retenue à son encontre consistait en un manquement à son devoir de conseil, quand un tel manquement, dès lors qu'il avait entraîné l'effondrement du bâtiment sur lequel les capteurs solaires avaient été posés, engageait la responsabilité décennale de la société Aenergie, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

 

4°/ qu'en présence de dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, la responsabilité du constructeur est engagée de plein droit, sauf preuve d'une cause étrangère à l'origine des dommages ; qu'en retenant, pour écarter la mise en jeu de la responsabilité décennale de la société Aenergie, que la preuve d'une impropriété à sa destination ou d'une affectation de la solidité de l'ouvrage en lien avec les préjudices subis par les époux C... n'était pas rapportée dès lors que la cause de l'effondrement était un manquement à l'obligation de conseil et non une réalisation fautive de l'ouvrage, quand l'état du support sur lequel l'ouvrage doit être posé n'est pas constitutif d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l'article 1792 du code civil :

 

8. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

9. Pour dire que la responsabilité décennale de la société Aenergie France n'est pas engagée, l'arrêt retient que la cause du sinistre se trouve, non pas dans le système de production d'eau chaude composé d'une pompe à chaleur et des panneaux solaires en toiture, lequel ne présentait pas de dysfonctionnement avant l'effondrement, mais dans l'absence de prise en compte de la fragilité du support préexistant des capteurs solaires, et en déduit que le premier juge a caractérisé, à bon droit, la faute retenue contre la société Aenergie comme un manquement à son devoir de conseil, considérant que cette faute n'était pas liée à des désordres affectant la pompe à chaleur, que celle-ci soit considérée comme ouvrage en tant que tel ou comme élément d'équipement dont les dysfonctionnements auraient rendu l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination, mais au défaut de diagnostic préalable de la structure porteuse.

 

10. En statuant ainsi, alors que ni la nature de la faute du constructeur ni l'état de l'existant ne constituent une cause étrangère exonératoire de la responsabilité de plein droit encourue par le constructeur, la cour d'appel, qui a relevé que l'effondrement de la construction avait été provoqué par la pose des capteurs solaires sur une structure de bâtiment particulièrement vétuste et fragilisée, a violé le texte susvisé.

 

Portée et conséquences de la cassation

 

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

 

11. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

 

12. La cassation de la disposition selon laquelle la société Aenergie France a manqué à son devoir de conseil entraîne celle des dispositions ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

 

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

 

13. Selon ce texte, la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

 

14. La cassation prononcée entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif du 7 février 2019 dans toutes ses dispositions qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

 

Demandes de mise hors de cause

 

15. Il y a lieu de mettre hors de cause la société Axa, dont la présence devant la cour de renvoi n'est pas nécessaire.

 

16. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Assurances du Crédit mutuel, dont la présence devant la cour de renvoi est nécessaire à la solution du litige.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

MET hors de cause la société Axa France IARD ;

 

DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Assurances du Crédit mutuel ;

 

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il :

 

- Donne acte à M. et Mme C... et au Crédit mutuel de leur désistement à l'égard de la société Aenergie France, compte tenu de sa radiation du RCS

 

- Dit que M. R... a manqué à son devoir de conseil à l'égard de M.et Mme C...

 

- Dit qu'il en résulte pour M. et Mme C... une perte de chance représentant 40 % du préjudice qu'ils subissent

 

- Dit que la société Crédit mutuel doit sa garantie aux époux C... dans la limite d'une réduction proportionnelle de 21 % en application des dispositions de l'article L. 113-9 du code des assurances et de la franchise contractuelle d'un montant maximum de 2 000 euros

 

- Dit que la garantie de la société Crédit Mutuel ne couvre pas les biens mobiliers

 

- Rejette les autres limitations contractuelles de garantie opposées par le Crédit mutuel

 

- Dit que la société Axa ne doit pas sa garantie à son assuré M. R...

 

l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

 

CONSTATE l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif du 7 février 2019 sauf en ses dispositions qui se ne rattachent à la cassation de l'arrêt rectifié, à savoir :

 

- Dit qu'il est inséré dans les motifs de l'arrêt susvisé, page 19, en fin du paragraphe a) intitulé «'sur les travaux de reconstruction'», le paragraphe ainsi rédigé :

 

« sur les travaux de démolition et de déblais :

 

les frais de démolition et déblais ont été justement évalués par l'expert judiciaire à la somme de 25 000 euros HT, soit 26 375 euros TTC'» actualisée à la somme de 39 483,37 euros

 

- Dit que le Crédit mutuel n'est tenu qu'à hauteur de 79 % de ces sommes sous déduction de sa franchise et application du plafond de garantie pour le préjudice immobilier

 

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

 

Condamne la société Allianz aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt.