Cass. com., 9 décembre 2020, n° 19-13.014
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 décembre 2018), la société Brumer a obtenu de la société Banque du bâtiment et des travaux publics (la société BTP) un concours financier sous la forme d'un crédit par caisse ou par signature adossé à une convention de cession de créances professionnelles en propriété et à titre de garantie.
2. La société Brumer a été mise en redressement, puis en liquidation judiciaires.
3. Se prévalant de paiements effectués par des clients de la société Brumer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective versés sur ses comptes ouverts dans les livres de la société BTP et retenus par cette dernière, la société [...], en sa qualité de liquidateur de la société Brumer, a assigné la banque en restitution de sommes et paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société BTP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au liquidateur une somme de 143 878,22 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 mai 2014, alors :
« 2°/ que la cession de créances professionnelles effectuée à titre de garantie transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée ; qu'elle prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau et la créance étant dès lors sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de celui-ci postérieurement à cette date ; qu'il s'en évince que le cessionnaire n'est privé de droit que dans l'hypothèse où la cession interviendrait postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du cédant ; qu'en faisant droit à la demande du liquidateur tendant à la restitution de la somme de 143 878,22 euros résultant du paiement des créances cédées sans constater que la date inscrite sur leur bordereau de cession aurait été postérieure à l'ouverture de la procédure collective frappant la société Brumer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-24 et L. 313-27 alinéa premier du code monétaire et financier. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 313-24 et L. 313-27, alinéa 1er, du code monétaire et financier, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 :
5. Il résulte de ces textes que si la cession de créances professionnelles faite à titre de garantie implique la restitution du droit cédé au cas où la créance garantie viendrait à être payée, elle opère cependant un transfert provisoire de la titularité du droit à la date apposée sur le bordereau et que, sortie du patrimoine du cédant jusqu'à l'épuisement de l'objet de la garantie consentie, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective du cédant postérieurement à cette date.
6. Pour condamner la société BTP à payer une certaine somme au liquidateur de la société, après avoir relevé que la banque invoque une cession de créances professionnelles opérant un transfert de plein droit de la propriété des créances cédées au cessionnaire sur le fondement de l'article L. 313-24 du code monétaire et financier et constaté que les bordereaux de cession comportent les mentions exigées par l'article L. 313-13 du même code, la cour d'appel retient que le transfert de propriété de plein droit ne s'applique pas s'agissant d'une cession de créances professionnelles consentie à titre de garantie pour lesquels les paiements sont intervenus après l'ouverture de la procédure collective.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la date apposée sur les bordereaux était antérieure à la date d'ouverture de la procédure collective et si, dès lors, le transfert de la titularité du droit au cessionnaire n'avait pas eu lieu avant l'ouverture de cette procédure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
8. La société [...] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Brumer fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts contre la société BTP, alors :
« 1°/ que le liquidateur fondait sa demande indemnitaire sur la faute commise par la banque en procédant d'office, bien avant l'introduction de l'action en justice, au blocage des paiements faits au débiteur, dont elle faisait valoir qu'elle avait été à l'origine de la liquidation judiciaire ; qu'en examinant cette demande sous l'angle de la procédure abusive, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en écartant l'existence d'une faute de la banque après avoir pourtant relevé que celle-ci avait indûment rendu indisponibles des sommes devant revenir au débiteur en redressement judiciaire et qu'elle avait opéré d'office une compensation au mépris des règles de la procédure collective, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
9. La cassation de l'arrêt sur le pourvoi principal entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [...] en sa qualité de liquidateur de la société Brumer et la condamne à payer à la société Banque du bâtiment et des travaux publics la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.