Cass. com., 21 mars 1984, n° 82-12.347
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Le Tallec
Avocat général :
M. Cochard
Avocat :
Me Célice
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS : ATTENDU QUE SELON L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE (COLMAR, 26 MARS 1982) LA SOCIETE MAISON GSELL ET ILS (SOCIETE GSELL) A DEMANDE EN REFERE QUE LA SOCIETE BRESSERIE SCHUTZENBERGER (SOCIETE SCHUTZENBERGER) SOIT CONDAMNEE SOUS ASTREINTE A REPRENDRE IMMEDIATEMENT SES RELATIONS COMMERCIALES ET A EN AVISER LES DETAILLANTS HABITUELLEMENT LIVRES PAR LA SOCIETE GSELL ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR ACCUEILLI CETTE DEMANDE AUX MOTIFS SELON LE POURVOI, D'UNE PART QU'EN PRENANT CETTE MESURE PROVISOIRE, LA JURIDICTION DES REFERES N'A COMMIS AUCUN EMPIETEMENT SUR LES POUVOIRS DES JUGES DU FOND, D'AUTRE PART, QUE L'IMMINENCE ET LA GRAVITE DU DOMMAGE IMPOSAIENT DES MESURES PROVISOIRES PROPRES A SAUVEGARDER LES DROITS DE LA SOCIETE GSELL, ET ENFIN, QUE LA JURIDICTION DES REFERES EST COMPETENTE POUR FAIRE CESSER UN TROUBLE ILLICITE ;
ALORS QUE, LA COMPETENCE DU JUGE DES REFERES EST SUBORDONNEE, EN VERTU DE L'ARTICLE 872 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, A LA CONDITION QUE LES MESURES NE SE HEURTENT A AUCUNE CONTESTATION SERIEUSE ;
QUE DEVANT LA COUR D'APPEL, UNE DISCUSSION S'ETAIT INSTAUREE SUR L'EXISTENCE ENTRE LES PARTIES D'UN CONTRAT D'EXCLUSIVITE, SA DUREE ET LES CONDITIONS DE SA RUPTURE ;
QUE, POUR CONFIRMER L'ORDONNANCE ENTREPRISE, LA COUR D'APPEL STATUANT PAR MOTIFS PROPRES ET ADOPTES, CONSTATE D'ABORD L'EXISTENCE DE RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE LES DEUX SOCIETES, ENSUITE QUE CES RELATIONS N'ETAIENT PAS SIMPLEMENT CELLES D'UN VENDEUR ET D'UN ACHETEUR MAIS CONFERAIENT A LA SOCIETE GSELL DES DROITS PARTICULIERS VIS-A-VIS DE LA SOCIETE SCHUTZENBERGER, ENFIN QUE LA PREUVE DE LA VIOLATION PAR LA SOCIETE GSELL DE SES OBLIGATIONS QUI AURAIT PU JUSTIFIER LA RUPTURE DU CONTRAT N'ETAIT PAS RAPPORTEE DE MANIERE CERTAINE ;
QUE, POUR CONDAMNER LA SOCIETE SCHUTZENBERGER LA COUR D'APPEL A CRU DEVOIR EN DEDUIRE QUE CETTE RUPTURE N'ETAIT PAS JUSTIFIEE;
QU'IL SUIT DE LA QUE L'ARRET ATTAQUE A MANIFESTEMENT CARACTERISE LE CONTRAT LITIGIEUX ET PRIS PARTI TANT SUR L'ETENDUE DES OBLIGATIONS DES PARTIES QUE SUR LE BIEN FONDE DE LA RUPTURE INTERVENUE;
QU'EN STATUANT SUR TOUS CES POINTS QUI AVAIENT ETE LONGUEMENT DISCUTES AU COURS DE LA PROCEDURE, ET EN CONDAMNANT LA SOCIETE SCHUTZENBERGER A REPRENDRE SES RELATIONS COMMERCIALES AVEC LA SOCIETE GSELL, ELLE A NECESSAIREMENT JUGE LE FOND DU DROIT ET VIOLE AINSI LE TEXTE SUSVISE QUI INTERDIT A LA JURIDICTION DES REFERES D'INTERPRETER UNE CONVENTION DONT LE SENS ET LA PORTEE SOULEVENT UNE CONTESTATION SERIEUSE ENTRE LES PARTIES ET ALORS QUE D'AUTRE PART, SI, CONFORMEMENT A L'ARTICLE 873, ALINEA 1ER DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LE JUGE EST COMPETENT POUR PRESCRIRE DES MESURES CONSERVATOIRES OU UNE REMISE EN ETAT, C'EST A LA CONDITION QUE SOIT ETABLIE L'IMMINENCE DU DOMMAGE ;
QUE POUR CONFIRMER L'ORDONNANCE ENTREPRISE QUI S'ETAIT ABSTENUE DE RELEVER CETTE CONDITION, ET POUR FAIRE DROIT A LA DEMANDE DE LA SOCIETE GSELL QUI DEVANT LA COUR D'APPEL S'ETAIT CONTENTEE D'INVOQUER LA GRAVITE DU DOMMAGE SANS EN APPORTER AUCUNEMENT LA PREUVE, L'ARRET ATTAQUE S'EST BORNE A REPRENDRE SUR CE POINT LES AFFIRMATIONS DE LA SOCIETE GSELL ET N'A PAS CHERCHE A EN ETABLIR LA REALITE;
QU'A DEFAUT DE TOUT ELEMENT DE PREUVE PERMETTANT DE SUPPOSER L'EXISTENCE D'UN DOMMAGE IMMINENT, LA DEMANDE DE LA SOCIETE GSELL DEVAIT ETRE DECLAREE IRRECEVABLE ;
QUE POUR EN AVOIR DECIDE AUTREMENT, LA COUR D'APPEL A PRIVE SA DECISION DE BASE LEGALE AU REGARD DE LA CONDITION EXIGEE PAR LE TEXTE SUSVISE ;
QUE L'ARRET ATTAQUE NE POUVAIT, SANS VIOLER L'ARTICLE 16 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, SE FONDER D'OFFICE SUR UN DOMMAGE IMMINENT DES LORS QUE LES CONCLUSIONS DES PARTIES N'INVOQUAIENT QUE LA GRAVITE DU DOMMAGE, ET ALORS, ENFIN, QUE LA CONTESTATION SERIEUSE SUR LA NATURE ET LE SENS DES CONVENTIONS DES PARTIES ET L'ETENDUE DE LEURS OBLIGATIONS ;
QU'AINSI L'ARRET ATTAQUE A VIOLE LES ARTICLES 872 ET 873 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;
MAIS ATTENDU QUE LA SOCIETE GSELL AYANT FONDE SA DEMANDE SUR LE PREJUDICE IMMEDIAT RESULTANT DE LA RUPTURE PAR LA SOCIETE SCHUTZENBERGER DE LEURS RELATIONS CONTRACTUELLES, LA COUR D'APPEL, QUI N'A PAS VIOLE LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION, A PU DECIDER QU'IL CONVENAIT D'ACCUEILLIR CETTE DEMANDE, EU EGARD A L'IMMINENCE ET A LA GRAVITE DU DOMMAGE ;
D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS NE SONT PAS FONDES ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 26 MARS 1982 PAR LA COUR D'APPEL DE COLMAR ;
ET VU LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 628 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, CONDAMNE LA DEMANDERESSE, A UNE AMENDE DE CINQ MILLE FRANCS ENVERS LE TRESOR PUBLIC ;
LA CONDAMNE, ENVERS LA DEFENDERESSE, A UNE INDEMNITE DE CINQ MILLE FRANCS, ET AUX DEPENS LIQUIDES A LA SOMME DE EN CE NON COMPRIS LE COUT DES SIGNIFICATIONS DU PRESENT ARRET.