Cass. 1re civ., 5 janvier 2012, n° 10-15.274
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 octobre 2009), que Etienne-Charles X... est décédé en l'état d'un testament en la forme olographe du 21 mars 1972 et déposé le 13 mars 1987 au rang des minutes d'un notaire et de deux actes de donation en date des 22 novembre 1983 et 30 août 1986 ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 19 octobre 1992 a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession ; que certains héritiers ayant fait assigner les autres devant un tribunal de grande instance aux fins d'homologation du projet d'acte de partage établi par les notaires désignés à cette fin, Mme Y... s'est inscrite en faux à titre incident contre l'acte de donation du 22 novembre 1983 en soutenant que les signatures figurant sur l'acte n'étaient pas de la main du donateur ; qu'un expert a été désigné en la personne de M. Z... qui a déposé son rapport le 7 juillet 1998 ; qu'à la demande de Mme Y..., un second expert a été désigné en la personne de Mme A... qui a déposé son rapport le 2 décembre 2002 ; qu'un troisième expert a été désigné par un jugement du 18 avril 2005, rectifié par un jugement du 16 mai 2005 qui a mis la provision relative à la rémunération de l'expert à la charge de Mme Y... ; qu'enfin, par jugement du 14 janvier 2008, le tribunal de grande instance a constaté le défaut de consignation par Mme Y... de la provision, a dit valables l'acte de donation du 22 novembre 1983 et celui du 30 août 1986, dit irrecevable la demande relative au recel successoral reproché à Mme veuve X..., débouté Mme Y... de ses autres demandes, l'a condamnée au paiement d'une amende civile ; que Mme Y... a interjeté appel de ces trois jugements ;
Sur le premier moyen, après avis de la deuxième chambre civile :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de confirmer les jugements et la condamner à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, la cour étant composée de M. Pierre, président, Mme Lacoste, conseiller en charge du rapport et Mme Lamothe et les plaidoiries tenues devant M. Pierre et Mme Lamothe, alors, selon le moyen, que, lorsque les débats n'ont pas lieu devant la formation complète de la cour d'appel, le magistrat chargé du rapport doit entendre les parties ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que les débats ont été tenus en l'absence du magistrat chargé du rapport, en violation de l'article 786 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aucun texte ne sanctionne l'absence d'exécution du rapport oral ;
Et attendu qu'il résulte de l'arrêt que les débats ont eu lieu, sans opposition des avocats, devant M. Pierre, président et Mme Lamothe, qui en ont rendu compte à la cour d'appel composée, de M. Pierre, Mme Lamothe et Mme Lacoste qui en ont délibéré ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé, après avis de la deuxième chambre civile :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt de refuser d'annuler le rapport d'expertise de M. Z..., de dire que l'acte de donation du 22 novembre 1983 porte la signature de Étienne-Charles X... et de la condamner au paiement d'une amende civile et à une certaine somme à titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'ayant relevé que l'expert Z... avait explicité sa méthodologie aux parties qui avaient pu déposer des dires auxquels il avait répondu, qu'il avait, après examen de l'acte authentique dans les locaux de l'étude du notaire dépositaire de l'acte, analysé dans son rapport les résultats de cet examen, que, s'il n'avait pas procédé à la comparaison d'écritures qui lui avait été demandée, cette omission était sans incidence dès lors que l'expert A..., qui avait conclu dans un sens opposé à celui de l'expert Z... n'y avait pas plus procédé, la cour d'appel a pu décider qu'il n'y avait pas lieu d'écarter l'expertise de ce dernier et de privilégier celle de Mme A... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que l'acte de donation du 22 novembre 1983 portait la signature de M. Charles X... et de l'avoir condamnée à verser une amende civile de 1 500 euros ainsi qu'à M. Jean-Paul X... et Mme Nicole C..., chacun, la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée ; que la cour d'appel, saisie d'une demande en faux incident de la donation du 22 novembre a constaté l'existence de deux expertises aux conclusions contradictoires quant à l'authenticité de la signature du donateur et l'existence d'irrégularités de forme affectant l'acte conservé en l'étude du notaire dépositaire, tel que consulté par M. D..., huissier ; que Mme Y... se prévalait non seulement de ces irrégularités mais encore des discordances entre l'acte consulté en l'étude du notaire, les copies adressées respectivement à Renée E... et à Paulette X... et la copie figurant au rapport d'expertise de M. Z..., et reprochait expressément au tribunal d'avoir statué comme il l'avait fait sans exiger la présentation effective de l'original de l'acte de donation ; qu'en statuant comme elle a fait, sans exiger que soit produit l'original de l'acte litigieux, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1334 du code civil ;
Mais attendu que, si en cas de discordance entre les copies d'un acte authentique argué de faux, le juge ne peut se prononcer sur le faux sans ordonner la représentation de l'original de l'acte, tel n'est pas le cas lorsque l'arrêt relève qu'a été produit aux débats un constat dressé par un huissier de justice décrivant avec précision les éléments de l'acte litigieux dont la régularité faisait l'objet de contestations ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les quatrième et cinquième moyens, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le sixième moyen :
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme Y... à une amende civile et au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la preuve d'une attitude dilatoire de Mme Y..., par une opposition systématique, était rapportée, y compris sur l'application des décisions judiciaires ;
Qu'en se fondant ainsi sur de tels motifs qui ne caractérisent pas un abus de droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y... à payer une amende civile de 1 500 euros ainsi qu'à M. Jean-Paul X... et Mme C... la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de dommages-intérêts de M. Jean-Paul X... et de Mme C... et dit n'y avoir lieu à condamner Mme Y... à une amende civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille douze.