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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 30 novembre 2001, n° 1999/11547

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Actival (SA)

Défendeur :

Compagnie Foncière Fideimur (SA), Natexis Bail (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potocki

Conseillers :

Mme Graeve, Mme David

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, Me Fanet-Serra-Ghidini

Avocats :

Me Deubel, Me Raimbault, Me Ribadeau-Dumas

T. com. Paris, 5e ch., du 26 mars 1999, …

26 mars 1999

Par acte authentique du 28 décembre 1988, la société OMNIBANQUE a consenti à la société INTERDRUGSTORE un crédit de 13.000.000 francs sur 12 ans afin de permettre l’acquisition par l’emprunteur de 7.979 actions de la société “le Rue Saint-Lazare”.

Monsieur Pierre BONNARD, président directeur général d’INTERDRUGSTORE, s’est porté caution solidaire des engagements de la société.

La société “AVENUE BANQUE” a offert à OMNIBANQUE de participer à ce financement à hauteur de 4.000.000 francs.

La société AVENUE BANQUE a cédé sa créance le 20 septembre 1994 à la société ACTIVAL.

La société OMNIBANQUE a cédé à la société FIDEIMUR, devenue Compagnie Foncière FIDEIMUR, sa branche d’activité de crédit.

La société FIDEIMUR a apporté le 31 juillet 1995 à DOMIBAIL, devenue NATEXIS BAIL sa branche d’activité crédit.

La Cour est saisie de l’appel de la société ACTIVAL du jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mars 1999 qui l’a déboutée de ses demandes dirigées contre FIDEIMUR et NATEXIS BAIL en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la carence de l’organisme préteur principal, qui n’a pas pris en temps utile toutes les garanties nécessaires sur l’emprunteur principal et sa caution.

L’appel a été interjeté le 4 mai 1999.

La société ACTIVAL a conclu au visa de l’article 915 du nouveau code de procédure civile le 3 septembre 1999.

Les intimées ont respectivement conclu les 22 juin 1999 et 21 décembre 2000.

PRETENTIONS DES PARTIES

La société ACTIVAL, dans des dernières écritures du 10 octobre 2001, demande à la Cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris,

- condamner solidairement FIDEIMUR et NATEXIS BAIL à lui payer la somme de 5.671.344,30 francs à titre de dommages et intérêts correspondant aux 4/13èmes de la somme déclarée par NATEXIS BAIL au passif d’INTERDRUGSTORE, outre les intérêts au taux conventionnel depuis le 12 septembre 2000,

- les condamner solidairement à lui verser la somme de 50.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société NATEXIS BAIL, anciennement dénommée DOMIBAIL, conclut par des dernières écritures du 1er octobre 2001 pour solliciter :

- de voir dire la société ACTIVAL mal fondée en son appel,

- de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté ACTIVAL de sa demande en responsabilité dirigée à son encontre,

- d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- de condamner ACTIVAL à lui payer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 30.000 francs en vertu des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Compagnie Foncière FIDEIMUR, anciennement dénommée FIDEIMUR, conclut par des uniques écritures du 21 décembre 2000 pour demander à la Cour de :

- constater que par l’effet d’un traité d’apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions intervenues entre elle-même et la société NATEXIS BAIL, cette dernière a acquis les éléments actifs et passifs des branches prêt et crédit-bail de la société Compagnie Foncière FIDEIMUR,

- constater en conséquence de cette opération, et en application de l’article 387 de la loi du 24 juillet 1966, que la société NATEXIS BAIL est intégralement subrogée dans les droits et obligations de la Compagnie Foncière FIDEIMUR, sans solidarité entre elles à l'égard d’ACTIVAL,

- en conséquence, prononcer sa mise hors de cause de la procédure,

- condamner ACTIVAL à lui payer la somme de 15.000 francs au litre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Cour se réfère pour un plus ample expose des faits, des moyens et prétentions des parties à la décision entreprise et aux dernières conclusions échangées en appel.

CECI EXPOSE, LA COUR

Considérant que la recevabilité de l’appel n’est pas discutée ; que les pièces du dossier ne font apparaitre aucune fin de non-recevoir susceptible d’être relevée d’office ; que l’appel sera déclaré recevable ;

Considérant que la Compagnie Foncière FIDEIMUR a, par “traité” du 31 juillet 1995, apporté à la société DOMIBAIL, devenue NATEXIS BAIL, sa branche d’activité crédit et crédit-bail ; que cette opération d’apport partiel d’actifs a été expressément soumise au régime des scissions conformément aux dispositions des article 386 et 387 de la loi du 24 juillet 1966, sans solidarité ; qu’en conséquence, la Compagnie Foncière FIDEIMUR doit être mise hors de cause ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la société OMNIBANQUE devenue NATEXIS BAIL a apporté son concours financier à la société INTERDRUGSTORE à hauteur de la somme de 13 millions de francs et que la société AVENUE BANQUE, devenue ACTIVAL s’est impliquée dans ce crédit pour 4 millions de francs ; que ces faits sont confirmés par deux courriers, l’un d’AVENUE BANQUE du 23 décembre 1988 qui informe OMNIBANQUE de son accord pour participer au crédit de financement pour 4 millions de francs et qui précise : “Bien évidemment les garanties seront recueillies par vos soins pour compte commun”, et la réponse d’OMNIBANQUE du 28 décembre 1988 qui réclame à AVENUE BANQUE sa quote-part pour 4/13èmes, soit 4.000.000 francs à verser par virement sur son compte ouvert auprès du Crédit Chimique;

Qu’aucune convention n’ayant été signée entre les deux banques, il appartient à la Cour de rechercher la nature juridique des relations qu’elles ont voulu nouer ; que la société NATEXIS BAIL expose qu’ “AVENUE BANQUE a manifesté par son courrier du 23 décembre 1988 sa volonté de participer, de façon occulte, en trésorerie et en risques, à concurrence de 4 millions de francs au crédit de 13 millions de francs” ;

Que dans cette hypothèse non contestée par ACTIVAL, ce “pool” bancaire est alors assimile à une société en participation, le gérant de cette société étant FIDEIMUR (devenue NATEXIS BAIL), chef de file de ce “pool” et seul interlocuteur ayant un lien de droit avec la société emprunteuse ;

Considérant que NATEXIS BAIL réplique qu’ACTIVAL s’est directement et activement impliquée dans la gestion du crédit en écrivant de nombreux courriers et en négociant personnellement avec Monsieur Pierre BONNARD, président directeur général D’INTERDRUGSTORE ;

Qu’en effet le 21 décembre 1993, AVENUE BANQUE (devenue ACTIVAL) écrivait à FIDEIMUR que “sous réserve du règlement immédiat de 3.654.773 francs à valoir sur les huit échéances trimestrielles actuellement en retard, elle acceptait un désistement de toutes les instances judiciaires en cours, cette lettre vaut accord donné au gérant de conclure des arrangements sur cette base” ;

Que le 28 novembre 1994, FIDEIMUR proposait à ACTIVAL d’organiser un rendez-vous avec Monsieur Pierre BONNARD pour faire le point et le 6 janvier 1995, elle l’informait qu’elle la tiendrait au courant des propositions que pourrait lui adresser l’emprunteur, ce à quoi ACTIVAL répondait par courrier du 9 février 1995 qu’elle avait eu un entretien avec Monsieur Pierre BONNARD le 31 janvier et qu’elle souhaitait participer à l’examen des propositions que Monsieur Pierre BONNARD ferait ;

Que par lettres envoyées à ACTIVAL en février, mars et mai 1995, FIDEIMUR l’informait des pourparlers en cours, auxquelles elle répondait le 19 février 1996 en ces termes : “nous ne pouvons pas accepter la proposition de Monsieur Pierre BONNARD et il nous faut persévérer dans l’exécution des garanties” ;

Que de même, le 3 octobre 1996, ACTIVAL réécrivait à FIDEIMUR en lui suggérant de prendre l’initiative de deux actions auxquelles elle souhaitait être associée : obtenir des éclaircissements auprès de l’expert-comptable de Monsieur Pierre BONNARD, s’entretenir avec son avocat et elle concluait sa lettre par ces termes : “si mes intuitions étaient exactes, il conviendrait ensuite de ne pas tarder à faire jouer la caution de Monsieur Pierre BONNARD” ;

Que le 13 novembre 1996, ACTIVAL écrivait à NATEXIS BAIL pour demander si des assurances avaient été reçues de Monsieur Pierre BONNARD afin qu’il se conforme au plan “dont nous avons convenu lors de notre réunion du 29 octobre” ;

Que le 15 novembre 1996, la société ACTIVAL envoyait un courrier directement à Monsieur Pierre BONNARD afin de lui proposer un plan d’apurement, à laquelle il lui répondait en lui demandant de lui indiquer à quel titre elle intervenait ;

Considérant que s’il résulte effectivement de tout ce qui précède que la Compagnie Foncière FIDEIMUR (devenue NATEXIS BAIL) informait la société ACTIVAL de toutes les démarches entreprises et l’y associait, elle ne justifie plus l’avoir informée des procédures intentées depuis 1998 à l’encontre de Monsieur Pierre BONNARD en sa qualité de caution ;

Que bien plus lorsque l’avocat de NATEXIS BAIL écrit le 30 mars 2001 au conseil de Monsieur Pierre BONNARD pour lui proposer une transaction sur la base du paiement échelonné de 8.500.000 francs, aucune lettre n’est adressée à ACTIVAL pour lui demander un mandat exprès, ni même pour solliciter son avis sur cette offre ;

Considérant qu’en signant ce protocole, NATEXIS BAIL, démontre qu’elle se considère comme le chef de file du pool bancaire ; que dans les rapports entre gérant et associée, il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 13 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l’article L. 221-4 du code de commerce qui permet au gérant d’accomplir seul les actes de gestion dans l’intérêt commun mais lui interdit, sans l’accord de son associée, et en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, d’effectuer des actes de disposition, tels qu’un abandon partiel de créance, alors même qu’il serait mû par un souci d’éviter une perte plus grande pour le “pool”;

Qu’ainsi NATEXIS BAIL a engagé sa responsabilité en abandonnant une partie de la créance du “pool”, puisque la déclaration de créance faite le 14 novembre 2000 portait sur la somme totale de 18.431.869,36 francs ;

Considérant que NATEXIS BAIL expose qu’en tout état de cause, ACTIVAL n’a pas subi de préjudice, dans la mesure où cette société avait racheté pour la somme de 3.060.000 francs un portefeuille de créances de 109.000.000 francs et qu’elle connaissait ainsi les risques qu’elle encourrait et qu’elle doit supporter seule ; que si cet acte de cession de créances du 20 septembre 1994 est opposable à NATEXIS BAIL pour l’informer du changement de dénomination sociale, les conditions financières dans lesquelles il est intervenu n’ont aucune influence dans le présent litige ;

Considérant que pour justifier de son préjudice, ACTIVAL reproche à NATEXIS BAIL sa carence dans l’inscription et l’exécution des garanties sur INTERDRUGSTORE et Monsieur Pierre BONNARD ;

Que si le contrat de prêt contenait une promesse de nantissement des actions de la société LE RUE SAINT LAZARE, ce n’est que le 5 janvier 1996 que NATEXIS BAIL faisait procéder à la saisie des actions appartenant à INTERDRUGSTORE dans le capital social de la société LE RUE SAINT LAZARE ;

Que de même les hypothèques sur les biens appartenant à Monsieur Pierre BONNARD n’ont été inscrites que les 9 novembre 1993 et 1er juillet 1997 ; que les saisies pratiquées sur les biens de Monsieur Pierre BONNARD ont donné lieu à de multiples actions en justice en contestation de sa part et n’ont jamais abouti ;

Qu’enfin ACTIVAL reproche à NATEXIS BAIL de ne pas avoir pris de garanties sur les pharmacies appartenant à Monsieur Pierre BONNARD ;

Considérant cependant que des aléas sont liés à toutes ces procédures, d’autant que Monsieur BONNARD a connu des difficultés financières avec ses sociétés et notamment la pharmacie BAILLY, et qu’il n’est pas établi que l’exécution de ces garanties auraient permis aux deux sociétés d’obtenir la différence entre la créance déclarée et la somme ayant fait l’objet du protocole d’accord, soit 3.055.959 francs ; que l’ensemble des éléments produits aux débats fait apparaitre que la société ACTIVAL a perdu une chance d’être mieux désintéressée qu’elle ne l’a été par la transaction conclue en dehors d’elle et permettent de fixer à 1.000.000 francs l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi de ce fait ;

Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu’elles ont pu engager, la société NATEXIS BAIL qui succombe en ses prétentions étant condamnée aux dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

DECLARE l’appel recevable,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

MET HORS DE CAUSE la Compagnie Foncière Fideimur,

CONDAMNE la société NATEXIS BAIL à payer à la société ACTIVAL la somme de 1.000.000 francs (1.524,49 euros) à titre de dommages et intérêts,

REJETTE toutes demandes contraires ou plus amples des parties,

CONDAMNE la société NATEXIS BAIL aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.