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Décisions

Cass. crim., 26 juin 1973, n° 72-92.781

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Costa

Rapporteur :

M. Dauvergne

Avocat général :

M. Albaut

Avocats :

Me Choucroy, Me Lyon-Caen

Paris, 11e ch., du 4 juill. 1972

4 juillet 1972

SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION PRESENTES PAR X..., REUNIS ET PRIS : LE PREMIER MOYEN DE LA VIOLATION DES ARTICLES 406 ET 408 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE,

"EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE COUPABLE DE DETOURNEMENT DE DOCUMENTS COMPTABLES L'ASSOCIE CO-PROPRIETAIRE D'UNE ASSOCIATION EN PARTICIPATION;

"AUX MOTIFS QU'IL A RECONNU AVOIR CONSERVE LESDITS DOCUMENTS PENDANT PLUSIEURS ANNEES ET NE S'EN EST DESSAISI QUE LE 27 OCTOBRE 1966 ENTRE LES MAINS DU MAGISTRAT INSTRUCTEUR CHARGE D'INFORMER SUR LA PLAINTE EN ABUS DE CONFIANCE DEPOSEE PAR LUI CONTRE LA VEUVE A... ET SON FILS MAURICE, INFORMATION CLOTUREE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU, CONFIRMEE PAR LA CHAMBRE D'ACCUSATION;

"QU'EN S'ABSTENANT DE REPRESENTER LESDITS DOCUMENTS IL A MANIFESTE SON INTENTION DE LES POSSEDER A TITRE DE PROPRIETAIRE, LES DETOURNANT AINSI AU PREJUDICE DE LA MINEURE Z... QUI, HERITIERE DE SON PERE, POSSEDAIT SUR EUX DES DROITS DE PROPRIETAIRE INDIVISE;

"QUE SON INTENTION FRAUDULEUSE RESULTE ENCORE DU CARACTERE CLANDESTIN DE SES AGISSEMENTS;

"ALORS QUE, LE SEUL DEFAUT DE RESTITUTION OU USAGE PROLONGE DE LA CHOSE CONFIEE NE CARACTERISANT PAS L'INTERVERSION DE LA POSSESSION CONSTITUTIVE DU DETOURNEMENT, LE DEMANDEUR, EN CONSERVANT LES DOCUMENTS COMPTABLES QU'IL DETENAIT A TITRE NON SEULEMENT DE MANDATAIRE MAIS AUSSI DE CO-PROPRIETAIRE, SANS AVOIR ETE MIS EN DEMEURE DE LES RESTITUER A UN CO-PROPRIETAIRE QUI N'AVAIT D'AILLEURS SUR EUX PAS PLUS DE DROITS QUE LUI, ET EN LES REMETTANT A LA JUSTICE PENALE, N'A PAS FAIT ACTE DE PROPRIETAIRE PRIVATIF ET N'A PAS COMMIS DE DETOURNEMENT";

LE SECOND MOYEN DE LA VIOLATION DES ARTICLES 406 ET 408 DU CODE PENAL, 44 PARAGRAPHE 4 DU CODE DU COMMERCE, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE REPONSE AUX CONCLUSIONS, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE,

"EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE COUPABLE DU DETOURNEMENT D'UNE SOMME DE 10905,97 FRANCS L'ASSOCIE CO-PROPRIETAIRE D'UNE ASSOCIATION EN PARTICIPATION;

"AUX MOTIFS QUE VAINEMENT IL SOUTIENT QUE CETTE SOMME VENAIT EN DEDUCTION DE LA CREANCE QU'IL AVAIT LUI-MEME SUR LA SUCCESSION DE SON ASSOCIE DECEDE;

"QUE LES CONDITIONS DE LA COMPENSATION LEGALE N'ETAIENT PAS REUNIES;

"QUE D'UNE PART ELLE N'EXISTAIT PAS ENTRE LES MEMES PERSONNES, SEULE L'ASSOCIATION EN PARTICIPATION ET NON LA SUCCESSION ETANT DEBITRICE ENVERS X...;

"QUE D'AUTRE PART, LA CREANCE DE CE DERNIER N'ETAIT NI LIQUIDE NI EXIGIBLE A LA DATE OU IL A COMMIS LE DETOURNEMENT, SOIT QUELQUES JOURS APRES LE 3 JUILLET 1963, DATE DU DECES DE Z...;

"ALORS, SUR LE PREMIER POINT, QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 44, PARAGRAPHE 4, DU CODE DU COMMERCE, L'ASSOCIATION EN PARTICIPATION N'A PAS LA PERSONNALITE MORALE NI PAR CONSEQUENT DE PATRIMOINE PROPRE, QUE LA PART DE BENEFICES DE X..., LAISSEE D'APRES LES CONCLUSIONS D'APPEL, DANS LES MAINS DE Z... PERSONNELLEMENT NE POUVAIT ETRE RECLAMEE QU'A LA SUCCESSION DE CE DERNIER;

"ALORS SUR LE DEUXIEME POINT, QUE L'EVENTUEL DETOURNEMENT AURAIT ETE COMMIS NON AU MOMENT OU LE DEMANDEUR A ENCAISSE LES FONDS EN QUALITE DE MANDATAIRE MAIS A LA DATE DU 7 FEVRIER 1964 OU IL A REVENDIQUE AUPRES DU NOTAIRE LA PROPRIETE DESDITS FONDS;

"ET QU'IL ETAIT SOUTENU PAR LES CONCLUSIONS D'APPEL DEMEUREES SANS REPONSE QUE LE COMPTE PRESENTE PAR X... ETAIT D'AUTANT MOINS CONTESTABLE QUE A..., APRES LE DECES DE Z..., A REGLE A B..., LE TROISIEME ASSOCIE, LE SOLDE DE SA PART DE BENEFICES, CE QUI PROUVE QUE LA PARTIE CIVILE ETAIT PARFAITEMENT INFORMEE DES DROITS DE CHACUN, QU'AINSI L'ARRET N'A PAS JUSTIFIE DU CARACTERE NON LIQUIDE DE LA CREANCE DE X...";

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QU'UNE ASSOCIATION EN PARTICIPATION AVAIT ETE FORMEE ENTRE Z..., X... ET B... EN VUE DE L'EXPLOITATION D'IMMEUBLES ET DE TERRAINS DITS "DECHARGE DE MONTMAGNY";

QU'A LA SUITE DU DECES DE Z..., QUI LAISSAIT POUR SEULE HERITIERE SA FILLE AGNES, X..., MANDATAIRE DES AUTRES ASSOCIES, S'EST EMPARE A CE TITRE DES DOCUMENTS DE L'ASSOCIATION ET S'EST FAIT REMETTRE PAR LE COMPTABLE DE L'ENTREPRISE UNE SOMME DE 10905,97 FRANCS, PROVENANT DE L'EXPLOITATION;

QU'AUX TERMES DU MEME ARRET, X... RECONNAIT AVOIR CONSERVE LES DOCUMENTS PENDANT PLUSIEURS ANNEES, ET NE S'EN ETRE DESSAISI QU'ENTRE LES MAINS DU MAGISTRAT INSTRUCTEUR CHARGE D'INFORMER SUR LA PLAINTE QU'IL AVAIT PORTEE CONTRE LA TUTRICE DE LA MINEURE AGNES Z..., INFORMATION CLOTUREE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU;

QU'IL NE CONTESTE PAS DAVANTAGE S'ETRE FAIT REMETTRE LA SOMME DE 10905,97 FRANCS REPRESENTANT LES REDEVANCES PAYEES PAR LES UTILISATEURS DE L'ENTREPRISE "DECHARGE DE MONTMAGNY", ET QU'IL A FORMELLEMENT EXPRIME L'INTENTION DE NE PAS LA RESTITUER;

MAIS QU'IL A PRETENDU, EN CE QUI CONCERNE LES DOCUMENTS, QU'IL EN ETAIT CO-PROPRIETAIRE; ET, EN CE QUI CONCERNE LES FONDS, QU'IL EXISTAIT UN COMPTE A FAIRE ENTRE LA SUCCESSION Z... ET LUI-MEME;

ATTENDU QUE POUR DECLARER LE DEMANDEUR COUPABLE D'ABUS DE CONFIANCE, LES JUGES DU FOND ENONCENT QUE SI LA MORT D'UN ASSOCIE DISSOUT L'ASSOCIATION EN PARTICIPATION EN L'ABSENCE DE CLAUSE EXPRESSE DE CONTINUATION AVEC LES HERITIERS DE L'ASSOCIE DEFUNT, L'ASSOCIATION DISSOUTE CONTINUE D'EXISTER POUR LES BESOINS DE SA LIQUIDATION, ET QUE X... CONSERVAIT SA QUALITE DE MANDATAIRE A L'EGARD DE SES CO-ASSOCIES, A CHARGE PAR LUI DE REMETTRE AU NOTAIRE LIQUIDATEUR LES DOCUMENTS ET LES FONDS PROVENANT DE L'EXPLOITATION, AFIN DE DETERMINER L'ACTIF SUCCESSORAL DE Z...;

QUE, D'AUTRE PART, LE PREVENU AYANT PRETENDU, SANS EN APPORTER D'AILLEURS AUCUNE PREUVE, QU'IL ETAIT CREDITEUR A L'EGARD DE LA SUCCESSION D'UNE SOMME SUPERIEURE A CELLE QU'IL AVAIT CONSERVEE, L'ARRET CONSTATE QUE LA SUCCESSION Z... N'ETAIT PAS DIRECTEMENT DEBITRICE DE X..., ET QUE LA DETTE QUI POUVAIT, EVENTUELLEMENT EXISTER ENTRE LA SUCCESSION ET L'ASSOCIATION N'ETAIT NI CERTAINE, NI LIQUIDE, NI EXIGIBLE;

QU'ENFIN, ET ENCORE QU'AUCUNE MISE EN DEMEURE NE SOIT INTERVENUE, X... AVAIT DETENU CLANDESTINEMENT ET DE MAUVAISE FOI LES DOCUMENTS ET LES FONDS ET QU'IL AVAIT DISSIMULE PENDANT PLUSIEURS ANNEES, UNE POSSESSION QU'IL SAVAIT PRECAIRE;

ATTENDU QU'EN CET ETAT, LA COUR D'APPEL, QUI A REPONDU AUX CONCLUSIONS DU DEMANDEUR ET QUI A RELEVE TOUS LES ELEMENTS DU DELIT PREVU ET PUNI PAR LES ARTICLES 408 ET 406 DU CODE PENAL, A JUSTIFIE SA DECISION;

QU'EN EFFET, D'UNE PART, SI, DANS L'ASSOCIATION EN PARTICIPATION, LES ASSOCIES TRAITENT EN LEUR PROPRE NOM AVEC LES TIERS, L'UN DES ASSOCIES PEUT DANS SES RAPPORTS AVEC SES CO-ASSOCIES ETRE, COMME EN L'ESPECE, UN MANDATAIRE ET A CE TITRE PASSIBLE EN CAS DE DETOURNEMENT DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 408 DU CODE PENAL;

QUE CONSTITUE UN DETOURNEMENT LE FAIT PAR UN MANDATAIRE DE RETENIR DE MAUVAISE FOI DES EFFETS DENIERS, MARCHANDISES, BILLETS, QUITTANCES OU TOUS AUTRES ECRITS CONTENANT OU OPERANT OBLIGATION OU DECHARGE DETENUS A TITRE DE MANDAT ET QUI NE SONT RESTITUES QU'A L'OCCASION DE POURSUITES JUDICIAIRES, MEME SI ELLES ONT ETE, COMME C'EST LE CAS, ENGAGEES PAR LE PREVENU LUI-MEME;

QUE LE PREVENU, AUX TERMES DE L'ARTICLE 1293 DU CODE CIVIL, NE POUVAIT COMPENSER LES SOMMES QU'IL PRETENDAIT LUI ETRE DUES AVEC CELLES DONT IL AVAIT INJUSTEMENT DEPOUILLE LA PARTIE CIVILE;

QU'ENFIN, IL N'EST PAS NECESSAIRE POUR ETABLIR LEGALEMENT L'ABUS DE CONFIANCE, QUE L'INTENTION FRAUDULEUSE SOIT CONSTATEE EN TERMES EXPRES;

QU'IL SUFFIT QU'ELLE S'INDUISE, COMME EN L'ESPECE, DES CIRCONSTANCES RETENUES PAR LES JUGES, L'AFFIRMATION DE LA MAUVAISE FOI ETANT NECESSAIREMENT INCLUSE DANS LA CONSTATATION DU DETOURNEMENT;

D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS NE SAURAIENT ETRE ACCUEILLIS;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRESENTE PAR DAME Y... ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 408 DU CODE PENAL, 2 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, 324 ET 593 DU MEME CODE, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, OMISSION DE STATUER, CONTRADICTION ENTRE LES MOTIFS ET LE DISPOSITIF,

"EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, QUI CONSTATE QUE LA COUR ETAIT SAISIE D'UNE DEMANDE EN PAYEMENT D'UNE SOMME DE 10905,97 FRANCS DETOURNEE PAR LE PREVENU ET DE DOMMAGES-INTERETS EN REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT NOTAMMENT DU DETOURNEMENT DE CETTE SOMME ET DE DOCUMENTS COMPTABLES, SE BORNE A CONDAMNER CELUI-CI A PAYER A LA PARTIE CIVILE UNE SOMME DE 10000 FRANCS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS;

"AU MOTIF QUE LA COUR TROUVE EN LA CAUSE LES ELEMENTS SUFFISANTS POUR FIXER A LA SOMME DE 10000 FRANCS LE MONTANT DU PREJUDICE RESULTANT DU DETOURNEMENT DES DOCUMENTS COMPTABLES ET DE LA SOMME DE 10905,97 FRANCS;

"ALORS QUE, D'UNE PART, LA COUR AYANT AINSI FIXE A 10000 FRANCS LE DOMMAGE RESULTANT DU DETOURNEMENT ET AYANT CONSTATE QUE LA SOMME DE 10905,97 FRANCS AURAIT DU ETRE RESTITUEE, A OMIS DE STATUER SUR LE REMBOURSEMENT DE CETTE SOMME DONT ELLE CONSTATE ELLE-MEME QU'IL AVAIT ETE SOLLICITE PAR LA PARTIE CIVILE;

"ALORS D'AUTRE PART, QU'AYANT DANS SES MOTIFS QUE LES DOMMAGES-INTERETS NE SE CONFONDAIENT PAS AVEC LE REMBOURSEMENT DE LA SOMME DETOURNEE, D'UN MONTANT SUPERIEUR, LA COUR NE POUVAIT SANS CONTRADICTION SE BORNER A ORDONNER DANS SON DISPOSITIF LA REPARATION DU DOMMAGE A L'EXCLUSION DU REMBOURSEMENT DE LA SOMME DETOURNEE AU PREJUDICE DE LA PARTIE CIVILE";

ATTENDU QUE LES JUGES DE REPRESSION APPRECIENT SOUVERAINEMENT, DANS LES LIMITES DES CONCLUSIONS DE LA PARTIE CIVILE, L'INDEMNITE QUI EST DUE A CELLE-CI, SANS QU'ILS SOIENT TENUS DE SPECIFIER SUR QUELLES BASES ILS ONT EVALUE LE MONTANT DE CETTE INDEMNITE;

QUE LE MOYEN DOIT, DES LORS, ETRE ECARTE;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME;

REJETTE LES POURVOIS;

ET ATTENDU QUE PAR L'EFFET DU REJET DU PRESENT POURVOI, LA CONDAMNATION EST DEVENUE DEFINITIVE;

QU'ELLE S'APPLIQUE A DES FAITS ANTERIEURS AU 20 JUIN 1969, ET QU'ELLE ENTRE DANS LES PREVISIONS DE L'ARTICLE 8 DE LA LOI D'AMNISTIE DU 30 JUIN 1969;

DECLARE L'INFRACTION AMNISTIEE.