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Décisions

Cass. 1re civ., 1 mars 2005, n° 03-16.439

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Dijon, du 3 juill. 2003

3 juillet 2003

Attendu M. Bernard X..., huissier de justice associé, a été mis en examen pour des faits d'abus de confiance dans l'exercice d'une activité de gestion immobilière pratiquée au sein d'une société créée de fait ; que le procureur de la République a fait assigner l'intéressé aux fins de le voir suspendu provisoirement de ses fonctions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Dijon, 3 juillet 2003) d'avoir statué en matière de suspension provisoire, après débats en audience non-publique, alors, selon le moyen, que les débats doivent se dérouler en audience publique sauf si l'intéressé demande qu'ils se tiennent en chambre du conseil ; qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué, ni des pièces de la procédure que M. X... ait renoncé à la publicité des débats de manière non-équivoque ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la CEDH ;

Mais attendu que si l'article 6.1 de la Convention précitée reconnaît à l'huissier de justice, contre lequel une mesure de suspension provisoire est demandée, le droit de voir sa cause entendue publiquement, c'est à la condition que ce droit ait été invoqué devant la juridiction concernée avant la clôture des débats ; qu'aucune disposition, en revanche, n'impose à la cour d'appel d'interroger l'intéressé sur cette faculté ; que, M. X... n'ayant pas, de sa propre initiative, demandé à la cour d'appel de statuer en audience publique, le moyen tiré de la non-publicité des débats invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation ne peut être accueilli ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche, en outre, à l'arrêt attaqué de l'avoir provisoirement suspendu de ses fonctions, alors, selon le moyen :

1 / que le principe constitutionnel de la présomption d'innocence s'oppose à ce qu'un huissier de justice soit suspendu provisoirement du simple fait de poursuites pénales ; qu'en l'espèce, les faits ayant motivé la suspension provisoire sont ceux-là mêmes qui sont à l'origine des poursuites pénales sur lesquelles il n'a pas encore été statué ; que l'arrêt attaqué a violé l'article 6-2 de la CEDH, ensemble le principe de la présomption d'innocence ;

2 / que pour justifier la mesure de suspension provisoire, les juges du fond ont estimé que la matérialité des faits, leur caractère pénalement répréhensible et leur gravité pouvaient déjà être regardés comme établis, puisque M. X... en aurait fait l'aveu ; qu'à cet égard également, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et, ce faisant, violé l'article 6-2 de la CEDH ;

3 / que la suspension provisoire est une mesure conservatoire et de sûreté qui ne peut être ordonnée qu'autant que les circonstances la rendent nécessaire sans attendre l'issue de la procédure pénale ; que l'instance aux fins de suspension provisoire est engagée par voie d'assignation à jour fixe ; qu'il s'ensuit que la suspension provisoire est toujours subordonnée à une condition d'urgence, même en cas de poursuites pénales préalables ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 32 de l'ordonnance du 28 juin 1954 modifiée et 30 du décret du 28 décembre 1973 relatifs à la discipline des officiers publics ou ministériels, ensemble l'article 6-2 de la CEDH ;

Mais attendu, d'une part, qu'en retenant que la seule existence d'une poursuite pénale, pour des faits graves ayant une évidente connotation de manquements à l'honneur et à la probité et dont la matérialité avait été reconnue, était de nature à motiver la suspension provisoire, la cour d'appel, qui a exactement énoncé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ces faits, sous leur qualification pénale, a, sans enfreindre la présomption d'innocence, légalement justifié sa décision ; que, d'autre part, il se déduit de l'article 30 du décret du 28 décembre 1973 précité aux termes duquel le tribunal de grande instance est saisi par assignation à jour fixe délivrée à l'officier public, que l'obligation de recourir à cette procédure, qui inclut par elle-même le critère de l'urgence, dispensait la cour d'appel d'en caractériser l'existence ; qu'abstraction faite des motifs critiqués en sa troisième branche, le moyen n'est fondé en aucun de ses griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille cinq.