Cass. com., 8 novembre 2016, n° 14-27.223
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Blondel, SCP Delaporte et Briard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 septembre 2014), qu'après avoir vendu du matériel industriel à une société chinoise, la société de droit helvétique Swisscab a fait l'objet d'une procédure de faillite et l'Office des faillites de l'arrondissement d'Yverdon (l'OPF) a été chargé de la réalisation des actifs à la requête de la masse des créanciers de cette société ; que la société de droit helvétique APSwisstech (la société APST) a acquis ces actifs, incluant le contrat de vente relatif au matériel industriel précité ; que la société Delachaux, qui se trouvait alors en négociation avec la société APST pour mettre en oeuvre un partenariat commercial à destination de la Chine, lui a passé commande du matériel, dont le prix devait, suivant les indications du bon de commande, être payé à l'OPF ; que les relations entre les deux sociétés s'étant dégradées, le partenariat envisagé n'a pu aboutir ; que la société Delachaux a assigné la société APST devant le tribunal de commerce de Paris, dans le but de recouvrer les avances qu'elle soutenait avoir effectuées ; qu'une procédure de faillite ayant été ouverte au bénéfice de la société APST, l'OPF est intervenu à l'instance dans l'intérêt de la masse des créanciers de cette société ; que le tribunal de commerce de Paris a constaté le désistement d'instance et d'action des parties ; que la masse en faillite de la société Swisscab, représentée par l'OPF, a, pour sa part, assigné devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse la société Delachaux en paiement du prix du matériel ; que la société Delachaux a relevé appel du jugement réputé contradictoire qui a accueilli cette demande ;
Sur le premier moyen :
Délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l'audience publique du 16 décembre 2015, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Pimoulle, conseiller rapporteur, M. Liénard, conseiller doyen, M. Girard, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre :
Attendu que la société Delachaux fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives à l'irrégularité de la saisine du tribunal de commerce alors, selon le moyen, que le tribunal de commerce est saisi à la diligence de l'une ou l'autre partie par la remise au greffe d'une copie de l'assignation ; que cette remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date d'audience, sous peine de caducité de l'assignation ; que cette remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur cette copie ; qu'en fixant la date de la remise de l'assignation délivrée le 3 avril 2013 au 4 avril suivant, cette date ayant été portée sur la lettre qui aurait été adressée par voie postale au greffe du tribunal de commerce par la partie qui avait fait délivrer l'assignation pour envoyer copie de cette dernière, sans relever l'existence d'une copie portant date de la remise effective au greffe et visa du greffier, la cour d'appel a privé sa décision de retenir que la remise avait eu lieu huit jours avant l'audience du 19 avril 2013 de base légale au regard de l'article 857 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'assignation avait été délivrée le 3 avril 2013, qu'un courrier du 4 avril 2013 portant pour objet « enrôlement » avait été adressé au greffe pour transmettre la copie de l'assignation, qu'étaient joints à ce courrier un timbre fiscal et un chèque, de la même date, du montant des frais d'enrôlement, qui avait été encaissé, la cour d'appel a souverainement déduit de ces constatations que la copie de l'assignation avait été remise au greffe le 4 avril 2013, soit plus de huit jours avant le 19 avril 2013, date de l'audience ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Délibéré dans les mêmes conditions que le premier moyen ;
Attendu que la société Delachaux fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'assignation à comparaître devant le tribunal et de l'ensemble des actes de procédure subséquents, y compris le jugement dont appel, alors, selon le moyen :
1°/ que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement ; que ce n'est qu'à défaut d'un tel lieu que la notification peut être faite en la personne de l'un de ses membres qui se déclarerait habilité à la recevoir ; qu'en jugeant que l'assignation de la société Delachaux, portant mention de l'adresse du siège social de cette dernière à Genevilliers (Hauts-de-Seine) où se trouvait son établissement principal, avait néanmoins été régulièrement délivrée le 3 avril 2013, au 30 avenue Brillat-Savarin à Belley (Ain), après avoir constaté qu'il résultait de l'extrait L bis de cette société que cet établissement secondaire de Belley avait été radié le 14 février 2013 avec pour mention : « cessation d'activité dans le ressort », de sorte qu'il n'existait plus, « en droit, d'établissement secondaire à Belley », au motif qu'une personne se présentant comme « responsable production » s'était déclarée habilitée à recevoir cette assignation à cette adresse, quand l'existence d'un lieu d'établissement principal de la société Delachaux à Genevilliers, dont l'OPF faisant délivrer l'assignation avait connaissance, excluait la notification à une personne physique se présentant comme habilité à la recevoir, la cour d'appel a violé les articles 14 et 690 du code de procédure civile ;
2°/ que la signification à une personne morale de droit privé en la personne de l'un de ses membres habilité à le recevoir suppose que la personne qui s'est déclarée habilitée soit effectivement un des membres de la personne morale visée ; qu'en se contentant d'affirmer en l'espèce, que la signification était régulière, dès lors qu'il était indiqué dans le procès-verbal que l'huissier avait « rencontré au domicile professionnel, M. X...Olivier, responsable production, qui a déclaré être habilité à recevoir la copie de l'acte », sans constater que la personne qui avait fait cette déclaration s'était effectivement déclarée habilité en tant que membre de la société anonyme Delachaux, laquelle n'avait plus aucune activité à l'adresse de la notification qui était le lieu d'établissement d'une personne morale distincte, et non en tant que membre de cette dernière personne morale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 654 et 690 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à supposer qu'il faille justifier d'un grief causé par les circonstances de la notification de l'acte introductif d'instance, en écartant l'existence d'un grief pour la société Delachaux du fait de la signification au lieu d'établissement d'une personne morale distincte, au motif qu'aucun grief ne s'en déduisait, faute d'avoir justifié que les conditions de remise de l'acte avaient été à l'origine de l'absence de débat en première instance, après avoir constaté que la première audience au terme de laquelle le jugement de condamnation avait été immédiatement rendu s'était tenu le 19 avril 2013 et que l'avocat de la société Delachaux n'avait pu se manifester auprès du président du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse que par lettre du 24 avril suivant, ce qui l'avait privé de toute possibilité de faire valoir les droits de la société Delachaux en temps utile, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 690, 693 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Mais attendu que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'acte, bien que délivré à une adresse où la société Delachaux ne possédait plus aucun établissement, l'avait été à celle de l'établissement d'une de ses filiales, où la personne qui avait reçu l'acte s'était déclarée habilitée à le recevoir, et retenu qu'il n'était pas prouvé que les conditions de remise de l'acte eussent été à l'origine de l'absence de la société Delachaux aux débats de première instance, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu à annulation de l'assignation et de la procédure subséquente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Delachaux fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes et, confirmant le jugement, de la condamner à payer à la masse en faillite de la société helvétique Swisscab la somme en principal de 400 000 francs suisses, outre les intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :
1°/ que l'aveu extrajudiciaire d'une partie ne peut porter que sur un point de fait ; qu'en jugeant qu'il résultait des conclusions de la société Delachaux, établies dans l'instance ayant opposé cette dernière à la société APST devant le tribunal de commerce de Paris, que la société Delachaux reconnaissait la société Swisscab comme destinataire du prix du contrat passé avec la société Jiangsu Hongto, du fait de la délégation à hauteur de 400 000 francs suisses, quand la consécration d'une créance par l'effet d'une délégation obligeant la société Delachaux à l'égard de la société Swisscab ne constituait pas un point de fait mais un point de droit sur lequel les énonciations de la société Delachaux ne pouvaient valoir aveu, la cour d'appel a violé l'article 1354 du code civil ;
2°/ qu'en se fondant sur la clause de la commande du 10 avril 2003 prévoyant un paiement à l'OPF, représentant la masse en faillite de la société helvétique Swisscab, pour juger que la société Delachaux était ainsi débitrice de cette société et non de la société APST, sans rechercher si le désistement réciproque devant le tribunal de commerce de Paris de la société Delachaux et de la société APST, qui affirmaient auparavant se devoir respectivement les sommes de 600 000 francs suisses et 400 000 francs suisses, ne supposait pas nécessairement que pour renoncer à sa créance de 600 000 francs suisses, en dépit de ses conclusions antérieures dans une instance n'ayant pas aboutie, la société Delachaux s'était reconnue débitrice d'une somme de 400 000 francs suisses à l'égard de la société APST, à l'exclusion de la société Swisscab, et refusait ainsi d'avoir à payer cette somme éteinte par compensation à l'OPF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1289 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Delachaux a adressé un bon de commande à la société APST, pour un prix de 400 000 francs suisses, qui faisait expressément référence à une délégation de paiement en faveur de l'OPF, agissant en sa qualité d'administrateur de la masse en faillite de la société Swisscab, sans que la société Delachaux n'ait formulé aucune réserve ni condition ; qu'il constate qu'en cette qualité, l'OPF a mis la société Delachaux en demeure de régler le prix de cette commande en se référant à la délégation qui y était mentionnée et retient que le délégataire a ainsi manifesté son acceptation ; qu'après avoir relevé que l'instance qui s'était déroulée devant le tribunal de commerce de Paris opposait la société Delachaux à la société APST, que la société Swisscab n'y avait pas été partie et que l'OPF, qui n'y était pas intervenu à titre personnel, l'avait fait en sa qualité d'administrateur de la masse en faillite de la société APST, l'arrêt en déduit qu'aucune renonciation tacite à la clause de règlement figurant sur le bon de commande ne peut résulter du jugement constatant le désistement intervenu entre ces parties et des arguments qui ont pu être développés au cours de cette procédure ; qu'il ajoute que la société Delachaux n'établit pas que la créance de la société Swisscab est éteinte par suite d'une compensation ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'a pas fondé la créance de la masse en faillite de la société Swisscab sur un aveu extrajudiciaire de la société Delachaux et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ces constatations et appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.