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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 2 novembre 2016, n° 16/00023

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Delmotte

Conseillers :

M. Pellarin, M. Sonneville

Avocat :

Me Michelet

T. com. Toulouse, du 26 nov. 2015, n° 20…

26 novembre 2015

EXPOSE du LITIGE

Par jugement du 23 juin 2011, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert, sur la demande de l'Urssaf Midi Pyrénées, la liquidation judiciaire du groupement d'intérêt économique 'les Demeures de tradition lauragaise et ariégeoise' (le GIE), dont X… était le dirigeant, qui avait pour activité la coordination de travaux à réaliser dans les métiers du bâtiment, a reporté la date de cessation des paiements au 23 décembre 2009 et a désigné A… en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 26 novembre 2015, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal, statuant sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée le 2 juin 2014 par le liquidateur, a condamné X… à payer à A…, ès qualités, la somme de 25 000€ outre celle de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 4 janvier 2016, X… a relevé appel de cette décision.

Par avis du 27 mai 2016, le Ministère public a estimé que les conditions d'application de l'article L. 651-2 du code de commerce ne sont pas réunies à l'encontre de X… et a sollicité l'infirmation du jugement

Vu les conclusions de X… du 10 juin 2016 demandant au conseiller de mise en état et à la cour :

- de constater le dépôt de conclusions d'intimé par la Selarl A… et associés et non par A… en sa qualité de liquidateur désigné,

- de constater l'absence de production d'une décision de justice désignant la Selarl A… et associés en qualité de liquidateur du GIE,

- de déclarer irrecevable la demande formée par cette Selarl à l'encontre de X…,

- de condamner A…, ès qualités, à lui payer la somme de 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, si le conseiller de la mise en état n'accueillait pas la fin de non-recevoir :

- d'infirmer le jugement,

- de rejeter les demandes de la Selarl A… et associés, ès qualités,

- de constater que l'intimée ne caractérise pas l'existence d'une faute de gestion, ni l'existence d'un préjudice, ni le lien de causalité entre une éventuelle faute de gestion et ce préjudice,

- de dire qu'il n'est pas responsable de l'aggravation du passif,

- A titre encore plus subsidiaire

- de limiter le montant de la réparation à de justes proportions, en considération de sa situation patrimoniale personnelle,

- de condamner la Selarl A… et associés 'in personam' à lui payer la somme de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la Selarl A… et associés, ès qualités, du 7 juin 2016 demandant à la cour,

- de révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 30 mai 2016 et de la différer au jour des plaidoiries,

- de rejeter les demandes adverses,

- de confirmer le jugement,

- de condamner en outre X… au paiement des intérêts au taux légal majoré à compter du jugement ainsi que la somme de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Avant l'ouverture des débats, l'une et l'autre parties ont manifesté leur accord pour la révocation de l'ordonnance de clôture et la recevabilité des pièces et conclusions déposées après le 30 mai 2016, l'ordonnance de clôture étant différée sur décision de la cour au jour de l'audience, soit le 13 juin

2016.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'intervention de la Selarl A… et associés, ès qualités ;

Attendu que la présente instance a été conduite dans le cadre de la procédure d'urgence, sous l'empire des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, de sorte qu'aucun conseiller de la mise en état n'a été désigné ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir soulevée auprès du conseiller de la mise en état ne peut prospérer.

Attendu qu'au demeurant, la Selarl A… et associés justifie par la production d'un extrait Kbis de sa création le 1er avril 2015 et de ce qu'elle vient aux droits et actions de A…, mandataire judiciaire ; que X… ne pouvait d'ailleurs ignorer cette situation puisque dans un courrier officiel transmis le 16 décembre 2015 par le conseil de A… au conseil de X…, le premier avisait le second de la nouvelle dénomination juridique du mandataire judiciaire de X….

Attendu qu'il s'ensuit que l'intervention de la Selarl A… et associés (le liquidateur), venant aux droits de A…, ès qualités, sera déclarée recevable.

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif de X…

Attendu que le fait que les membres du GIE soit solidairement et indéfiniment responsables du passif social n'empêche pas le liquidateur judiciaire d'engager une action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre du dirigeant du GIE ; que, spécialement, l'article L. 651-2 du code de commerce ne subordonne pas l'engagement d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif contre le dirigeant d'un GIE à la discussion préalable de chacun des membres de cette personne morale.

Attendu, par ailleurs que si, en application de l'article L. 251-3 du code de commerce, le GIE peut être constitué sans capital, ce qui est le cas en l'espèce (au vu du contrat constitutif du GIE signé le 6 mai 2004), ce n'est pas cette situation qui est reprochée à X… mais le fait d'avoir poursuivi une exploitation déficitaire, sans prendre de mesures de restructuration ou de redressement.

Attendu qu'il résulte à cet égard des bilans comptables transmis aux débats que la situation du GIE était structurellement déficitaire ; qu'au 31 décembre 2008, le GIE dégageait un résultat net négatif de 4 531€ et au 31 décembre 2009, un résultat net négatif de 8 727€ tandis que, sur la même période, les capitaux propres négatifs passaient de 48707€ à 57 434€.

Attendu que le jugement d'ouverture, qui a acquis force de chose jugée, a reporté au 23 décembre 2009, la date de cessation des paiements sans que le dirigeant social puisse contester dans le cadre de la présente instance l'existence et la date de cette cessation des paiements ; que la procédure collective n'a pas été ouverte sur la demande de X… mais sur l'initiative de l'Urssaf Midi Pyrénées dont les cotisations sociales étaient impayées depuis le 2ème trimestre 2009 ; qu'en outre, le GIE ne pouvait faire face au paiement d'indemnités de licenciement de l'ordre de 7 000€, auxquelles il avait été condamné par arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 13 mars 2009.

Attendu que si X… justifie par la production d'un procès-verbal d'assemblée générale du 21 septembre 2006 du refus des membres du GIE de toute augmentation des cotisations sociales, il s'est abstenu de solliciter auprès des membres du GIE en 2008, 2009 et 2010 des appels de fonds comme le lui permettait pourtant l'article 15 du règlement intérieur du GIE; qu'il n'a pris aucune mesure particulière ni n'a effectué de déclaration de cessation des paiements alors que le passif social s'aggravait.

Attendu que le rapport du liquidateur daté du 6 septembre 2011 révèle à cet égard qu'à la date du jugement d'ouverture, le GIE n'avait plus d'activités mais toujours un salarié et que l'actif était inexistant ; que le passif, constitué essentiellement de cotisations sociales et de dettes de l'Unedic s'élève (pièce nº5 du liquidateur) à la somme de 58 795€.

Attendu que le liquidateur affirme, sans être utilement contredit, que le débiteur a été invité aux opérations de vérification du passif ; que X…, pris en sa qualité de dirigeant du GIE n'a émis aucune contestation contre l'état des créances ni n'a saisi le juge-commissaire du moindre recours de sorte qu'il n'est pas fondé à critiquer le montant du passif ; que, spécialement, il n'a formé aucun recours contre les contraintes délivrées par l'Urssaf, le passif de cet organisme s'élevant à la date du jugement d'ouverture à la somme de 7 591, 24€.

Attendu qu'il ressort de ces éléments, que par son inertie et la poursuite d'une exploitation déficitaire, spécialement pendant l'année 2010 et le premier semestre 2011, X…, qui n'a pris aucune mesure pour corriger cette situation a contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif.

Attendu que c'est par des motifs que la cour adopte que le tribunal, qui a pris en considération la situation de X… et a modéré la peine eu égard au principe de proportionnalité, a condamné celui-ci au paiement de la somme de 25 000€ ; que le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions, sans qu'il y ait lieu de majorer les intérêts moratoires au taux légal.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention de la Selarl A… et associés, prise en sa qualité de liquidateur du GIE Les demeures de tradition Lauragaise et Ariégeoise, venant aux droits de A…, ès qualités ;

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant, déboute la Selarl A… et associés, ès qualités, de sa demande relative aux intérêts au taux légal majoré ;

Condamne X… aux entiers dépens de l'instance ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de X…, le condamne à payer à la Selarl A… et associés, ès qualités, la somme de 1 500€.