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Décisions

Cass. com., 17 mai 2017, n° 15-28.987

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Douai, du 15 oct. 2015

15 octobre 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que le 22 octobre 2007, M. Z..., propriétaire du navire de pêche "[...]" a conclu avec M. A..., gérant de la société Azcaban, une promesse de vente portant sur ce navire sous condition suspensive du transfert des antériorités de quotas de soles au profit de l'acquéreur et de l'organisme de producteurs des Sables-d'Olonnes auquel il adhérera ; que l'acte de vente a été signé le 17 décembre 2007 ; qu'après avoir vainement mis en demeure, le 14 mars 2014, la Coopérative maritime étaploise organisation de producteurs (la Coopérative) de lui transférer lesdites antériorités, la société Azcaban l'a assignée, le 20 mai 2014, aux fins d'obtenir sa condamnation sous astreinte à procéder à ce transfert ; que la Coopérative a opposé la prescription de l'action sur le fondement de l'article L. 110-4 I du code de commerce ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Coopérative fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de déclarer recevable et bien fondée la demande de la société Azcaban alors, selon le moyen :

1°/ qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de la mise en demeure adressée à la Coopérative, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que selon l'article L. 110-4 I du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que le point de départ de ce délai est, faute de dispositions particulières, fixé par l'article 2224 du code civil au « jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que le droit au transfert des antériorités de pêche dont se prévaut la société Azcaban est attaché à la cession du navire "[...]", intervenue le 17 décembre 2007 ; qu'il lui était donc loisible de faire valoir ce droit à compter de cette date ; que la cour d'appel a pourtant retenu, pour dire non prescrite l'action de la société Azcaban, la date de la mise en demeure adressée par son conseil à la Coopérative, soit le 14 mars 2014 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 I du code de commerce, ensemble l'article 2224 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel a relevé que les antériorités de pêche étaient incessibles, ce dont il résultait que la Coopérative ne pouvait pas procéder à leur transfert ; qu'elle a néanmoins fixé le point de départ de la prescription invoquée par la Coopérative à la date de la mise en demeure, adressée par le conseil de la société Azcaban, de procéder au transfert des antériorités de quotas de soles ; qu'elle a par ailleurs considéré que l'obligation qui incombait à la Coopérative consistait en réalité à transmettre les demandes de transfert de droits de pêche à l'autorité administrative compétente ; qu'ainsi, la cour d'appel a admis la recevabilité de l'action de la société Azcaban en se fondant sur la non-prescription d'une obligation dont elle a par ailleurs jugé qu'elle était illicite et qu'elle n'était pas celle dont la violation pouvait être reprochée à la Coopérative ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 872 du code de procédure civile ;

4/° que la cour d'appel a relevé que les antériorités de pêche étaient incessibles, ce dont il résultait que la Coopérative ne pouvait pas procéder à leur transfert ; qu'elle a néanmoins fixé le point de départ de la prescription invoquée par la Coopérative à la date de la mise en demeure, adressée par le conseil de la société Azcaban, de procéder au transfert des antériorités de quotas de pêche de soles ; qu'elle a, par ailleurs, estimé que l'obligation qui incombait à la Coopérative consistait en réalité à transmettre les demandes de transfert de droits de pêche à l'autorité administrative compétente ; qu'en ne déterminant pas si cette dernière obligation était prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-4 I du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que saisie d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée, c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel, qui s'est bornée à examiner, sans introduire de nouveaux éléments de fait dans le débat, si les conditions d'application du délai de prescription étaient réunies, en a déterminé le point de départ ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt énonce que, si les antériorités de pêche sont incessibles et que la Coopérative ne peut donc les transférer, il résulte des articles 1 et 10.4 de l'arrêté du 26 décembre 2006 établissant les modalités de répartition et de gestion collective des possibilités de pêche à l'occasion de la cession d'un navire, qu'elle est chargée de gérer les droits de pêche comprenant la transmission des demandes de transfert de droit de pêche à l'autorité administrative compétente, et qu'ensuite, le ministre chargé des pêches maritimes peut, après avis de la commission de suivi des quotas, transférer ces antériorités à un ou plusieurs producteurs désignés dans le cadre d'un protocole de transfert proposé par les producteurs et les organisations de producteurs concernés, ce dont il résulte que la demande de la société Azcaban portait sur l'accomplissement de ces démarches administratives, préalables nécessaires au transfert éventuel des droits de pêche par le ministre compétent ; que l'arrêt retient également que la société Azcaban n'a eu connaissance de la non-réalisation du transfert des antériorités convenu avec M. Z... qu'en 2014, après avoir interrogé l'organisation de producteurs Vendée dont il dépend ; qu'en déduisant de ces énonciations et appréciations que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de la mise en demeure délivrée à la Coopérative d'avoir à effectuer ces démarches, ce dont il résultait que le contrat du 17 décembre 2007, auquel la Coopérative n'était pas partie, ne pouvait constituer ce point de départ, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 872 du code de procédure civile ;

Attendu que pour ordonner à la Coopérative de transmettre son avis à l'autorité administrative sur le transfert des antériorités de pêche du navire "[...]" sous astreinte de 500 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, l'arrêt retient qu'il résulte à l'évidence des dispositions des articles 1 et 10.4 de l'arrêté du 26 décembre 2006, que la Coopérative est chargée de gérer les droits de pêche comprenant la transmission des demandes de transfert de droit de pêche à l'autorité administrative compétente ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la Coopérative contestait cette attribution et faisait valoir que l'article 10.4 de l'arrêté du 26 décembre 2006 disposait que, lors de la cession d'un navire de pêche, c'était le ministre chargé des pêches maritimes qui pouvait, après avis de la commission de suivi des quotas, transférer les antériorités du producteur à un ou plusieurs producteurs désignés dans le cadre d'un protocole de transfert proposé par les producteurs et les organisations de producteurs, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Coopérative maritime étaploise organisation de producteurs et déclare recevable la demande de la société Azcaban, l'arrêt rendu le 15 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.