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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 7 mai 2014, n° 12/11877

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Immojet (SAS)

Défendeur :

Marie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Blum, M. Byk

Avocats :

Me Egloff-Cahen, Me Domenach, Me Lesenechal, Me Hyest

TGI Bobigny, du 13 déc. 2011, n° 10/0486…

13 décembre 2011

Par acte notarié des 21 et 22 juin 1995, la SCI Marie Claire a donné à bail commercial à la société Immojet, pour une durée de neuf années, un emplacement au [...] à destination notamment de lavage de véhicules.

Par acte extrajudiciaire du 27 août 2004, la société Marie, venant aux droits de la bailleresse initiale, a donné congé à la société Immojet pour le 28 février 2005 avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction.

Le 10 mars 2005, la société Marie a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 22 avril suivant, a ordonné une mesure d'expertise sur l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation due à compter du 1er avril 2005. L'expert a déposé son rapport le 20 décembre 2007.

Le 1er mars 2010, la société Marie a assigné la société Immojet pour la voir déclarer forclose à réclamer toute indemnité d'éviction et voir fixer l'indemnité d'occupation.

Par jugement rendu le 13 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- déclare valable le congé délivré le 27 août 2004,

- constaté que le congé a mis fin à compter du 31 mars 2005 au bail conclu les 21 et 22 juin 1995 à effet du 19 septembre 1995,

- déclaré irrecevables comme prescrites les autres demandes formées par les parties,

- laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,

- fait masse des dépens qui seront supportés à parts égales par la SCI Marie d'une part, par la société Immojet d'autre part,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La SAS Immojet a relevé appel de cette décision le 27 juin 2012. Par ses dernières conclusions du 19 septembre 2012, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- dire qu'elle n'est ni prescrite ni forclose pour contester le congé délivré le 27 août 2004 à la requête de la société Marie,

- dire que le contrat de bail s'est renouvelé le 19 septembre 2004 pour une durée déterminée de neuf années entières et consécutives,

- à titre subsidiaire, dire qu'elle n'est ni prescrite, ni forclose pour agir en paiement de l'indemnité d'éviction ; en conséquence condamner la société Marie à lui payer :

*650.000 € au titre de l'indemnité d'éviction

*200.000 € au titre des frais normaux de réinstallation

*5.310 € au titre des droits de mutations

*6.000 € au titre des frais

*25.000 € au titre de l'indemnité de cessation d'exploitation

*121.888,948 € TTC au titre du trop payé d'indemnité d'occupation,

- condamner la société Marie à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SARL Marie, par ses dernières conclusions du 18 septembre 2012, demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Immojet irrecevable,

- vu l'article 906 du code de procédure civile, constater que les pièces visées dans les conclusions de l'appelante n'ont pas été communiquées, constater le départ et la libération des locaux par la société Immojet depuis le 19 mars 2012, déclarer la société Immojet infondée en ses demandes et l'en débouter,

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Immojet à payer une indemnité de 5.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction.

Par ordonnance du 11 décembre 2012, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de la société Immojet recevable, a dit n'y avoir lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a joint les dépens de l'incident au fond.

SUR CE,

Considérant que la question de la recevabilité de l'appel a déjà été tranchée par le conseiller de la mise en état ; que la demande soumise également à la cour et tendant à voir déclarer la société Immojet irrecevable en son appel, ne peut qu'être rejetée ;

Considérant que la société Immojet justifie de la signification de ses pièces à l'avocat adverse, le 19 septembre 2012, par huissier audiencier simultanément à ses conclusions du même jour ; que les développements de la société Marie sur une déclaration d'appel du 30 janvier 2012 qui aurait été déclarée caduque le 4 juillet 2012, sont sans portée ;

Considérant qu'au soutien de son appel, la société Immojet expose que le contrat de bail stipule le renouvellement automatique du bail initial pour la même durée de neuf années à défaut de congé valablement et régulièrement donné six mois avant l'échéance, que le bail étant à effet au 19 septembre 1995, il arrivait à son terme le 18 septembre 2004, que le congé donné le 27 août 2004, soit trois semaines seulement avant le terme contractuel, n'a pu mettre fin au bail et celui-ci s'est renouvelé le 19 septembre 2004 pour une nouvelle durée contractuelle de neuf années soit jusqu'au 18 septembre 2013 ; qu'elle fait valoir que la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer car son action repose sur les stipulations du bail lui-même et l'article 1134 du code civil et non sur le statut des baux commerciaux ;

Qu'elle fait valoir ensuite, à titre subsidiaire, qu'elle n'est ni forclose ni prescrite en sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction puisque le paiement de cette indemnité lui a été offert dans le congé, que la reconnaissance par le bailleur de son droit à indemnité d'éviction a interrompu la prescription, que ce n'est qu'à compter du 4 août 2008, date de la loi dite Lme qui a supprimé le délai de forclusion, que la prescription a commencé à courir de sorte que l'assignation du 1er mars 2010 en a interrompu le cours avant l'expiration du délai de deux ans ;

Mais considérant que la société Immojet se prévaut de fait, à titre principal, du défaut de validité du congé qui lui a été délivré par son bailleur le 27 août 2004 au visa de l'article L 145-9 du code de commerce ; que son action qui tend à voir dire ce congé irrégulier et le bail commercial renouvelé pour neuf années à compter du 19 septembre 2004, relève bien du statut des baux commerciaux et se trouve soumise à la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce ; qu'ayant attendu d'être assignée le 1er mars 2010 par son bailleur pour développer son argumentation sur le renouvellement de son bail au 19 septembre 2004 en dépit du congé refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction qui lui a été délivré, la société Immojet est prescrite en ses demandes à titre principal ;

Que par ailleurs, les développements de la société Immojet sur le régime de la forclusion dont n'a jamais relevé son action en paiement de l'indemnité d'éviction qui lui a été offerte par le congé, sont sans portée ;

Qu'il suffit à la cour de relever que la société Immojet n'a pas agi en paiement de l'indemnité d'éviction avant l'expiration du délai de deux ans à compter de l'ordonnance de référé du 22 avril 2005, rendue sur assignation interruptive de la prescription du 10 mars précédent, sachant que le rapport d'expertise a été déposé le 20 décembre 2007, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ;

Que pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société Immojet qui succombe sera condamnée aux dépens, le jugement étant confirmé sur les dépens de première instance ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000 € sera allouée à la société Marie pour ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement,

Condamne la société Immojet à payer à la société Marie la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Immojet aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.