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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 11 septembre 2012, n° 11/05122

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Pinto's Nettoyage (SARL)

Défendeur :

SCI 11 Jean Jaures

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Brylinski, Mme Poinseaux

Avocats :

Me Ricard, Me Sportes, Me Hongre-Boyeldieu

TGI Nanterre, ch. 7, sect. B, du 16 juin…

16 juin 2011

Vu l'appel interjeté par la société Pinto's Nettoyage d'un jugement rendu le 16 juin 2011 par défaut par le tribunal de grande instance de Nanterre, lequel, :

* l'a déboutée de sa demande principale et de sa demande subsidiaire en limitation des causes du commandement à la somme de 2 684,25 euros,

* lui a accordé un délai de vingt-quatre mois pour s'acquitter de sa dette par fractions mensuelles égales, en sus du loyer courant,

* a suspendu les effets de la clause résolutoire pendant les délais accordés,

* l'a condamnée aux dépens  ;

Vu les écritures en date du 30 janvier 2012, par lesquelles la société Pinto's Nettoyage demande à la cour d'infirmer totalement cette décision et, statuant à nouveau, :

* principalement, de déclarer mal fondé le commandement délivré le 2 octobre 2009 et de dire qu'il ne peut donner lieu à acquisition de la clause résolutoire,

* de condamner la société SCI 11 Jean Jaurès à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction,

* subsidiairement, de limiter les causes du commandement à la somme de 2 684,25 euros et de confirmer les délais de paiement accordés ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire,

* de lui donner acte de son engagement, dans cette seule hypothèse, à supporter la charge des dépens avec distraction  ;

* de déclarer irrecevables les demandes de la société SCI 11 Jean Jaurès, comme nouvelles en cause d'appel,

* à défaut de déclarer prescrite son action,

* de la débouter de ses demandes, comme mal fondées  ;

Vu les dernières écritures en date du 23 mai 2012, aux termes desquelles la société SCI 11 Jean Jaurès prie la cour de recevoir son appel incident et, outre divers Dire et juger, :

* de confirmer le rejet de la demande subsidiaire de limitation des causes du commandement,

* de condamner la société Pinto's Nettoyage au paiement de la somme de 4 417,36 euros et du loyer courant, dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir, avec acquisition de la clause résolutoire à défaut de paiement d'une seule échéance, expulsion et ses conséquences d'usage, et paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à libération effective par remise des clés,

* de condamner la société Pinto's Nettoyage à lui régler la somme de 1 500 euros pour attitude abusive,

* de la condamner aux entiers dépens avec distraction et au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile  ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties  ; qu'il convient de rappeler que :

* Le 17 février 2004, la société SCI 11 Jean Jaurès a donné à bail des locaux commerciaux sis à [...], à la société Pinto's Net, laquelle a cédé le droit au bail avec son fonds de commerce à la société Pinto's Nettoyage le 4 juillet 2005  ;

* le 2 octobre 2009, la société SCI 11 Jean Jaurès a fait délivrer un commandement de payer la somme de 8 675,55 euros, au titre des loyers et charges impayés, visant la clause résolutoire  ;

* par acte d'huissier de justice en date du 30 octobre 2009, la société Pinto's Nettoyage a assigné en opposition à commandement la société SCI 11 Jean Jaurès, laquelle n'a pas constitué avocat  ;

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de la société SCI 11 Jean

Jaurès :

Considérant que la société Pinto's Nettoyage soulève, en application de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité comme nouvelle devant la cour de cette demande, la société SCI 11 Jean Jaurès ayant été défaillante devant les premiers juges  ;

qu'elle oppose l'acquisition de la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce à la demande d'acquisition de la clause résolutoire  ;

considérant que la société SCI 11 Jean Jaurès conclut au rejet des demandes  ;

considérant qu'aux termes de l'article 567 du code de procédure civile, Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel  ;

qu'en l'espèce, la demande de la société SCI 11 Jean Jaurès, aux fins de paiement des causes du commandement dans le délai d'un mois et, à défaut, de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, se rattache par un lien suffisant, au sens de l'article 70 du même code, à l'opposition à commandement de la société Pinto's Nettoyage ; que l'article 564 du code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer  ;

que l'action en paiement des loyers et en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire est exercée par la société SCI 11 Jean Jaurès en application de la clause résolutoire contenue au bail, et non en vertu des dispositions du statut des baux commerciaux ; qu'elle ne relève donc pas de la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, mais de la prescription de droit commun, laquelle n'est pas acquise en l'espèce  ;

que les exceptions d'irrecevabilité seront en conséquence rejetées  ;

Sur la validité du commandement :

Considérant que la société Pinto's Nettoyage, à titre principal, s'oppose au commandement, lequel ne peut selon elle fonder l'acquisition de la clause résolutoire  ;

qu'elle soutient qu'à la date du commandement, le 2 octobre 2009, le loyer du mois d'octobre 2009 et ses accessoires, soit la somme de 1 733,11 euros, n'était pas exigible, en application de l'article 9 du contrat de bail, lui accordant un délai de dix jours à compter de la réception de l'avis de quittancement  ;

qu'elle réclame la compensation légale, en application de l'article 1290 du code civil, des loyers avec les sommes de 3 204,20 et 1 383,16 euros dont la société SCI 11 Jean Jaurès lui est redevable, au titre des loyers des parkings appréhendés par sa gérante du 1er juillet 2005 au 30 novembre 2007, et les frais d'avocat engagés dans le cadre de ce litige  ;

qu'elle fait valoir son règlement, non contesté par la partie adverse, de la somme de

4 258,19 euros le 5 octobre 2009, à l'administrateur de biens de la société SCI 11 Jean Jaurès, ayant établi le décompte, le cabinet Sweet Home  ;

considérant que la société SCI 11 Jean Jaurès rappelle que le commandement en date du 2 octobre 2009 a été délivré pour avoir paiement des loyers et accessoires courus du mois de juin au mois d'octobre 2009, soit la somme de 8 675,55 euros  ;

qu'elle oppose au délai prévu à l'article 9 le paiement du loyer à terme à échoir, le loyer du mois d'octobre étant ainsi exigible le 1er octobre 2009, et la clause résolutoire prévue à l'article 13 du bail  ;

qu'elle conteste la compensation réclamée avec les sommes de 3 204,20 et 1 383,16 euros, alors qu'aucun parking ne figure au bail commercial, que madame Da Silva n'est pas dans la procédure, et en l'absence de créances réciproques certaines, liquides et exigibles ;

considérant qu'aux termes de l'article 9 du contrat de bail, le loyer est payable mensuellement et à terme à échoir, et stipulé payable dans les dix jours qui suivront la réception de l'avis de quittancement qui sera adressé mensuellement et en début de chaque mois par le Bailleur ou son représentant ;

qu'il est acquis aux débats que le commandement porte sur une somme en principal de 8 675,55 euros, incluant le loyer et les charges du mois d'octobre 2009 ; que la preuve de l'exigibilité à la date du 2 octobre 2009 du loyer du mois d'octobre pèse sur la société SCI 11 Jean Jaurès ; que celle-ci ne produit pas l'avis de quittancement, antérieur de dix jours à la date de délivrance du commandement ;

qu'à la date du 2 octobre 2009, la créance de loyers de la société SCI 11 Jean Jaurès se montait à la somme de 6 942,44 euros, sur laquelle la société Pinto's Nettoyage a réglé la somme de 4 258,19 euros le 5 octobre 2009 ;

que la société Pinto's Nettoyage ne produit que des courriers de réclamation et la lettre d'acceptation d'un locataire à l'appui de l'existence de la créance qu'elle allègue, éléments insuffisants à en démontrer le caractère certain, liquide et exigible, et faute de créances réciproques ;

qu'il résulte de ce qui précède que le commandement, délivré pour avoir paiement d'une somme de 8 675,55 euros, supérieure à celle réellement due, est valide pour la somme de 6 942,44 euros ; qu'en ne réglant que la somme de 4 258,19 euros le 5 octobre 2009, la société Pinto's Nettoyage n'en a pas totalement acquitté les causes dans le délai d'un mois et reste devoir la somme de 2 684,25 euros ;

Sur la demande reconventionnelle de la société SCI 11 Jean Jaurès et la demande subsidiaire de la société Pinto's Nettoyage :

Considérant que la société SCI 11 Jean Jaurès demande la condamnation de la société Pinto's Nettoyage au paiement dans le délai d'un mois de la somme de 4 417,36 euros dont la société Pinto's Nettoyage reste redevable à la date du 23 novembre 2011, au titre des causes du commandement et l'exigibilité de l'intégralité des sommes à défaut de paiement dans ce délai, avec acquisition de la clause résolutoire ;

qu'elle conteste l'existence de difficultés financières, que l'attestation d'un expert-comptable ne peut suffire à établir et demande l'infirmation de la décision sur les délais de paiement accordés ;

qu'elle sollicite en outre le paiement d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, en raison de la résistance abusive de la société Pinto's Nettoyage ;

considérant que la société Pinto's Nettoyage demande subsidiairement la confirmation du jugement, soit la suspension des effets de la clause résolutoire et vingt-quatre mois de délais de paiement, au motif de sa situation économique et de ses difficultés financières, attestées par son expert-comptable, à la suite du détournement de clientèle opéré par un ancien salarié avec l'aide de son ancienne comptable, offrant, dans cette seule hypothèse, de supporter les dépens ;

qu'elle oppose, à la demande au titre de sa résistance abusive, l'absence de justification du préjudice allégué par la société SCI 11 Jean Jaurès et la réparation déjà constituée par les intérêts de retard ;

considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Pinto's Nettoyage reste devoir la somme de 2 684,25 euros, au paiement de laquelle elle sera condamnée, en sus du

loyer courant, dans les termes de la demande, soit dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir ; que la demande de délais sera rejetée, la société Pinto's Nettoyage ne justifiant pas d'une situation financière l'empêchant de régler cette somme ;

qu'à défaut de paiement de cette échéance unique, la clause résolutoire sera acquise et produira ses effets, soit l'expulsion de la société Pinto's Nettoyage avec ses conséquences d'usage, et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à libération effective par remise des clés,

que la société Pinto's Nettoyage, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, ne peut se voir reprocher une résistance abusive ; que la demande à ce tire de la société SCI 11 Jean Jaurès sera rejetée ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles  ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

- REFORME la décision déférée, sauf sur le rejet de la demande principale de la société Pinto's Nettoyage et sa condamnation aux dépens,

STATUANT à nouveau, condamne la société Pinto's Nettoyage à payer à la société SCI 11 Jean Jaurès la somme de 2 684,25 euros, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,

- DIT qu'à défaut de paiement dans ce délai, la clause résolutoire produira ses effets et, en ce cas, ORDONNE l'expulsion de la société Pinto's Nettoyage ainsi que de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, et CONDAMNE la société Pinto's Nettoyage au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer courant et des charges jusqu'à libération effective par remise des clés,

- REJETTE le surplus des demandes,

- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la société Pinto's Nettoyage aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.