Cass. 2e civ., 6 mai 1999, n° 95-21.430
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laplace
Rapporteur :
M. Buffet
Avocat général :
M. Kessous
Avocats :
Me Guinard, SCP Coutard et Mayer
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un litige concernant le paiement des loyers dus par Mme Y... à M. X... qui lui avait consenti un bail portant sur un local à usage professionnel, a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Paris qui a déclaré la location soumise aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 et a ordonné une mesure d'expertise ; que postérieurement le fils de M. X..., aux droits de qui est venue sa veuve, Mme Z..., a obtenu d'un juge de tribunal d'instance une ordonnance sur requête désignant un huissier de justice pour vérifier la réalité de l'occupation du local ; qu'après l'exécution des opérations de constat, Mme Y... a saisi le juge du tribunal d'instance d'une demande de rétractation, en invoquant notamment l'incompétence de ce juge au profit du premier président de la cour d'appel et a fait appel de l'ordonnance qui a rejeté l'exception d'incompétence et a dit n'y avoir lieu à rétractation ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du président du tribunal d'instance alors, selon le moyen, qu'au cours d'une instance d'appel, le premier président de la cour d'appel a seul compétence à l'exclusion de tout autre magistrat pour ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits d'une partie ; que pour écarter la compétence du premier président de la cour d'appel de Paris au profit de celle du président du tribunal d'instance, la cour d'appel a énoncé que les contentieux étaient différents, la cour d'appel étant saisie d'un litige portant sur le non-paiement de loyers et la requête visant à obtenir un constat de non-occupation des locaux ; qu'en se bornant à ces seules énonciations, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si les demandes du bailleur, quoi qu'ayant un fondement juridique différent, n'avaient pas qu'un seul but, la résiliation du bail et ne ressortaient donc pas de la compétence exclusive du premier président saisi de l'entier litige en résiliation du contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 565, 851 et 958 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la compétence reconnue au premier président de la cour d'appel par l'article 958 du nouveau Code de procédure civile implique que la mesure sollicitée ait trait au litige dont la cour d'appel est saisie et ne peut s'étendre à la prescription d'une mesure d'instruction propre à justifier éventuellement une prétention qui n'a pas encore été portée devant la cour d'appel ;
Et attendu qu'en énonçant, par motifs propres et adoptés, que la preuve recherchée par M. X..., relative aux seules conditions d'occupation des locaux, était distincte du litige soumis à la cour d'appel qui ne portait que sur le paiement des loyers, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande en rétractation de Mme Y..., qui exposait que l'ordonnance qui lui avait été signifiée ne comportait pas la liste des pièces invoquées à l'appui de la requête et dont elle n'avait eu connaissance que lors de l'audience des référés pour laquelle elle avait dû assigner dans l'ignorance de leur contenu, de telle sorte que le principe de la contradiction avait été violé, l'arrêt retient que les pièces ne sont annexées à la requête que pour permettre au juge d'apprécier, au vu des justifications produites, l'opportunité de rendre la décision sollicitée, et que si la requête ne comportait pas d'une manière explicite la liste des pièces qui lui étaient annexées, Mme Y... ne justifie pas d'un grief que lui aurait causé cette absence ;
Qu'en statuant ainsi, en écartant une nullité pour vice de forme alors qu'était en cause le respect du principe de la contradiction, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et, partant, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.