Cass. 3e civ., 7 septembre 2017, n° 16-17.174
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Gaschignard
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles L. 145-10 et L. 145-60 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 mars 2016), que, la société Jesta Fontainebleau (la société Jesta), adjudicataire d'un ensemble immobilier saisi au préjudice de la société Noga hôtels Cannes (la société Noga) qui avait, par acte authentique du 27 juin 1997, consenti un bail commercial à la société Claubon, a donné congé à la locataire à effet du 30 septembre 2010, avec offre de renouvellement à compter du 1er octobre 2010 moyennant un loyer annuel déplafonné ; que le 9 novembre 2010, la société Jesta a assigné la société locataire en nullité tant du bail que de la demande de renouvellement adressée le 19 octobre 2005 à l'ancien bailleur et subsidiairement, en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2006 ; que la société Claubon a soulevé la prescription de l'action en fixation du loyer ;
Attendu que, pour rejeter le moyen tiré de la prescription biennale, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la demande de renouvellement du bail formée par la société Claubon ait été portée à la connaissance de la société Jesta, laquelle n'était pas tenue, en qualité de nouveau propriétaire, de s'informer sur l'état du bail en cours de sorte que le délai biennal de prescription n'a pas couru à compter du 1er avril 2006 ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la société Claubon avait, le 19 octobre 2005, demandé le renouvellement du bail au 1er avril 2006 et qu'à défaut d'avoir répondu à cette demande dans le délai de trois mois, la société Noga était réputée l'avoir acceptée tacitement de sorte que le bail s'était renouvelé le 1er avril 2006, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :
Attendu que la société Jesta fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité de la demande de renouvellement du bail du 19 octobre 2005, alors, selon le moyen :
1°/ que les baux qui n'ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement doivent l'être si, dans l'un ou l'autre des cas, les créanciers ou l'adjudicataire le demande ; que le bail commercial renouvelé est un nouveau bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le bail commercial liant la société Claubon à la société Noga avait fait l'objet, de la part du preneur, d'une demande de renouvellement le 19 octobre 2005 pour un effet à compter du 1er avril 2006, et qu'un commandement aux fins de saisie-vente avait été délivré à la société Noga le 8 avril 2002 ; qu'il résulte de ces constatations que le nouveau bail renouvelé s'est formé postérieurement au commandement, de sorte que la société Jesta, adjudicataire, était fondée à en solliciter la nullité ; que la cour d'appel a néanmoins jugé que le bail ayant acquis date certaine, sa nullité ne pouvait pas être demandée ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le bail renouvelé, tout comme la demande de renouvellement, avait été formé après le commandement, de sorte qu'il était entaché de nullité, peu important qu'il ait acquis ou non date certaine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 684 de l'ancien code de procédure civile ;
2°/ que les baux qui n'ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement doivent l'être si, dans l'un ou l'autre cas, les créanciers ou l'adjudicataire le demandent ; que cette nullité s'applique notamment au bail renouvelé dans les conditions de l'article L. 145-10 du code de commerce ; qu'en jugeant, par motifs réputés adoptés, que la demande de renouvellement était un droit pour le locataire résultant de dispositions d'ordre public, ce qui privait la société Jesta du droit de solliciter la nullité du bail renouvelé à la suite de cette demande, bien que ce renouvellement fût postérieur au commandement de saisie-vente, la cour d'appel a violé l'article 684 de l'ancien code de procédure civile ;
3°/ qu'à défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail commercial se prolonge tacitement au-delà de son terme ; qu'en ce cas, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l'expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Jesta n'était pas fondée à solliciter la nullité du bail renouvelé au 1er avril 2006, ce renouvellement étant intervenu après le commandement de saisie-vente délivré à la société Noga, la cour d'appel a considéré, par motifs adoptés, que la demande de renouvellement était un droit pour le locataire résultant de dispositions d'ordre public, et ne pouvait être annulée au prétexte qu'elle avait été formée postérieurement au commandement « alors même que le locataire devait nécessairement la présenter dans les 6 mois qui précèdent la date d'échéance du bail » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la société Claubon n'était pas tenue de présenter une demande de renouvellement dans les 6 mois précédant la date d'échéance du bail, lequel aurait été tacitement prolongé en l'absence de congé délivré par le bailleur, ce qui autorisait le preneur à en solliciter le renouvellement à tout moment, la cour d'appel a violé l'article 684 de l'ancien code de procédure civile et les articles L. 145-9 et L. 145-10 du code de commerce ;
4°/ que les baux qui n'ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement doivent l'être si, dans l'un ou l'autre des cas, les créanciers ou l'adjudicataire le demande ; qu'un acte n'acquiert date certaine qu'à la condition d'être établi sous la forme authentique, d'être enregistré, ou à la mort de l'une des parties à cet acte ; que l'acceptation de principe du renouvellement d'un bail commercial résultant de l'absence de réponse du bailleur à une demande de renouvellement formée par son locataire ne présente qu'un caractère provisoire ; que le nouveau bail issu de cette acceptation présumée n'acquiert pas date certaine par le seul effet de cette présomption légale ; que la cour d'appel, qui a constaté que le bail issu de l'acceptation présumée du principe du renouvellement du bail conclu en 1997 était un nouveau bail, a néanmoins jugé que ce nouveau bail avait acquis date certaine par le seul effet de la loi ; qu'en se prononçant ainsi, sans caractériser en quoi le bail renouvelé, qui n'avait été ni constaté dans un acte authentique, ni enregistré, et aucune de ses parties n'ayant disparu, avait acquis date certaine, la cour d'appel a violé l'article 684 de l'ancien code de procédure civile et l'article 1328 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit, par motifs adoptés, que la demande de renouvellement du bail commercial n'entrait pas dans les prévisions de l'article 684 de l'ancien code de procédure civile et relevé que la société locataire avait sollicité le renouvellement de son bail dans les formes et délais requis, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de la société Jesta devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Claubon de son moyen tiré de la prescription de l'action de la société bailleresse en fixation du nouveau loyer annuel de renouvellement et dit qu'il appartiendra au juge des loyers de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er avril 2006, l'arrêt rendu le 8 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel Lyon.