Cass. 2e civ., 19 mars 2020, n° 18-17.376
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 mars 2018), M. P... a, le 14 janvier 2013, fait établir un procès-verbal de constat portant sur la publication, le 8 janvier 2013 sur le site internet de France 3 Corse Via Stella, d'un article intitulé « loi littoral, un ancien préfet de Corse en passe d'être poursuivi », suivi du sous-titre « l'association de protection de l'environnement U Levante entend poursuivre par l'intermédiaire de son avocat, l'ancien préfet de Corse, X... A...».
2. M. P... a, par actes du 4 avril 2013, assigné M. E... K..., avocat de l'association U Levante, M. F... Y..., Mme R... H..., la SAS Oxalide, hébergeur du site internet et W... V..., en sa qualité de directeur de publication de France télévisions et France 3 Corse Via Stella, devant un tribunal de grande instance sur le fondement des articles 23, 29, 32, 53 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 pour constater l'existence de faits de diffamation et obtenir réparation de son préjudice.
3. Par jugement du 24 août 2016, le tribunal de grande instance, après avoir constaté, au vu de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, la prescription de l'action engagée par M. P... et, au vu de l'article 6 de la loi n° 2004-575 pour la confiance en l'économie numérique, l'absence de notification préalable des contenus en litige à la société Oxalide, hébergeur, a débouté M. P... de ses demandes.
4. M. P... a interjeté appel le 16 septembre 2016 (procédure 16/473). M. K... a formé, le 10 octobre 2016, deux appels, le premier contre l'ordonnance du juge de la mise en état et le second contre le jugement (procédures 16/804 et 16/808). M. Y..., Mme H..., la société France télévisions et W... V... ont, quant à eux, interjeté appel le 12 octobre 2016 (procédure 16/814). La jonction des procédures a été ordonnée le 29 novembre 2016.
5. Par ordonnance du 13 juin 2017, le conseiller de la mise en état, saisi d'une demande de caducité de l'appel par la société Hipstech anciennement dénommée Oxalide, reprise par les autres intimés, a constaté la caducité de l'appel de M. P..., débouté celui-ci de ses prétentions contraires et renvoyé à une autre audience pour qu'il soit statué sur la disjonction après avoir recueilli les observations des parties.
6. M. P... a déposé une requête en déféré.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexés
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en ses deux dernières branches
Enoncé du moyen
8. M. P... fait grief à l'arrêt de le débouter de son déféré alors :
« 1°/ qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification de cette déclaration doit être adressée dans le mois de l'avis adressé par le greffe ; que, sauf en cas d'indivisibilité entre les parties, l'irrecevabilité, lorsqu'elle est encourue, doit être prononcée à l'égard du seul intimé concerné par le défaut de signification ; qu'en énonçant, au cas d'espèce, que l'acte d'appel étant unique et indivisible, sa caducité valait nécessairement à l'égard de toutes les parties qu'il visait, la cour d'appel a violé l'article 902 du code de procédure civile ;
2°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait retenu que M. P..., M. K..., M. Y..., Mme H..., W... V... et la société France télévisions étaient unis par un lien d'indivisibilité, cependant qu'un tel lien n'existe pas entre les défendeurs à une action en responsabilité civile fondée sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la cour d'appel a violé l'article 902 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 902 du code de procédure civile :
9. Il résulte de ce texte qu'en cas de pluralité d'intimés, le non-respect à l'égard de l'un d'entre eux de ses prescriptions ne pourra être invoqué par les autres intimés et la caducité de la déclaration d'appel n'aura pas d'effet à l'égard de ces derniers. Il n'en va autrement qu'en cas d'indivisibilité du litige, la caducité de l'appel à l'égard de l'un des intimés entraînant l'irrecevabilité de l'appel dans son ensemble.
10. Pour débouter M. P... de son déféré, l'arrêt retient que l'avis de non-constitution a été communiqué à celui-ci le 27 octobre 2016 et que ce dernier n'a pas signifié sa déclaration d‘appel à la société Oxalide dans les délais fixés alors qu'il présentait des demandes à son encontre. Il ajoute que l'article 908 du code de procédure civile n'envisage pas de caducité partielle de la déclaration d'appel lorsque celle-ci concerne plusieurs intimés et que l'appelant n'a pas notifié ou signifié ses conclusions à l'égard de l'un d'eux seulement et que, dès lors, l'acte d'appel unique et indivisible doit être déclaré caduc à l'égard de toutes les parties qu'il vise.
11. En statuant ainsi, sans relever que le litige était indivisible entre les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. K..., M. Y..., Mme H..., la société France télévisions, la société Hipstech anciennement dénommée Oxalide, MM. M..., I..., N... V... et Mme O... V... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. Y..., Mme H..., la société France télévisions, la société Hipstech anciennement dénommée Oxalide, MM. M..., I..., N... V... et Mme O... V... et les condamne avec M. K... à payer à M. P... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.