Cass. 1re civ., 4 novembre 2015, n° 14-22.630
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2014), que les consorts X..., héritiers de l'artiste peintre et plasticien du même nom (dit Vasarely), ayant pour conseil Mme Z..., ont conclu en juin 1995 un compromis d'arbitrage avec la Fondation Vasarely, ayant pour conseil M. A..., qui soumettait le litige portant sur les donations consenties par l'artiste et son épouse à la Fondation, à un tribunal arbitral composé de MM. B..., C... et D... ; que celui-ci, statuant en amiable composition, a rendu une sentence le 11 décembre 1995 et une sentence rectificative le 7 février 1996 ; que M. E..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la Fondation, a introduit un recours en annulation contre ces sentences ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme F... fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir qu'elle a soulevées ;
Attendu que l'arrêt rappelle, à bon droit, qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 914, alinéa 2, et 916, alinéa 2, du code de procédure civile, applicables au recours en annulation, que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant, dans le cadre de la compétence exclusive qui lui est dévolue, sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité du recours, ont autorité de chose jugée au principal et, en ce cas, peuvent être déférées par simple requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur un moyen qui était dans le débat, a exactement décidé que l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 décembre 2013 était revêtue de l'autorité de la chose jugée et devenue irrévocable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme F... fait grief à l'arrêt d'annuler les sentences arbitrales des 11 décembre 1995 et 7 février 1996, alors, selon le moyen :
1°/ que la simulation suppose l'existence d'une convention secrète destinée à modifier ou annihiler les effets d'un acte ostensible ; qu'ayant admis que les consorts Vasarely étaient recevables et fondés à agir contre la fondation Vasarely en réduction des libéralités, ce dont il résultait que le différend était réel, la cour d'appel, qui s'est bornée à relever, pour affirmer que l'arbitrage était un simulacre, que Mme Vasarely et M. C... se trouvaient en situation de conflit d'intérêts, qu'aucune mesure d'expertise n'avait été organisée pour évaluer les oeuvres de Victor Vasarely et le bâtiment de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence, que la référence au prix obtenu lors d'une vente publique à Londres en 1990 n'était pas pertinente ou encore que le seul sachant entendu lors de la procédure était un avocat qui avait déjà défendu les intérêts des héritiers Vasarely, sans constater pour autant l'existence d'un accord secret entre les intervenants à l'arbitrage, destiné à en modifier ou à en annihiler les effets, a statué par des motifs impropres à caractériser la simulation retenue, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil et de l'article 1484-6° du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°/ qu'en outre, la simulation n'est pas en soi une cause de nullité ; qu'elle n'est illicite que si elle est l'instrument d'une fraude à la loi ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer, pour retenir l'existence d'un concert frauduleux entre les intervenants à l'arbitrage, qu'ils avaient cherché à échapper à l'avis impartial d'experts du marché de l'art dans le dessein de favoriser les consorts Vasarely au détriment de la fondation Vasarely, sans constater que les oeuvres de Victor Vasarely ou le bâtiment de la fondation Vasarely à Aix-en-Provence avaient été surévalués par les sentences arbitrales, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la fraude retenue, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil, de l'article 1484-6°du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en la cause, et du principe fraus omnia corrumpit ;
3°/ que la sentence arbitrale du 11 décembre 1995, énonce, dans ses motifs, qu'elle se fonde, pour évaluer les oeuvres en bon état, sur la cote officielle établie par Victor Vasarely entre 1971 et 1990, corroborée par les prix de vente réels résultant des ventes publiques de la même période, selon une valeur au point inversement proportionnelle à la taille des oeuvres (motifs p. 5 ; dispositif, p 15) et, pour les oeuvres en mauvais état, sur les valeurs résultant de l'expertise de M. G..., qui a précisément porté sur des oeuvres en mauvais état (motifs, p. 5 ; dispositif, p. 16) ; qu'en affirmant, pour corroborer l'hypothèse de la fraude et faire droit au recours en annulation, que le tribunal arbitral aurait retenu, pour évaluer les oeuvres de Victor Vasarely, un point de valeur dégagé par extrapolation à partir de la ventes de tableaux de Victor Vasarely effectuées en 1990 à Londres et appliqué à la totalité des oeuvres, et n'aurait tenu compte ni de leur état, ni de leur format, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la sentence précitée, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, qu'ayant retenu que les conditions dans lesquelles l'arbitrage avait été décidé, organisé et conduit en faisaient un simulacre de procédure mise en place par les héritiers de l'artiste pour favoriser leurs intérêts au détriment de ceux de la Fondation, la cour d'appel a pu, hors toute dénaturation, en déduire l'existence d'une fraude à l'arbitrage contraire à l'ordre public ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme F... à payer les sommes de 1 500 euros à M. A... et de 3 000 euros à M. E..., ès qualités, et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quinze.