Cass. 2e civ., 24 septembre 2020, n° 19-17.948
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Renault-Malignac
Avocat général :
Mme Ceccaldi
Avocat :
SCP Ohl et Vexliard
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance d'Annecy, 28 mars 2019), rendu en dernier ressort, et les productions, M. W..., qui a exercé une activité salariée non agricole et était affilié à la caisse de mutualité sociale agricole des Alpes du Nord (la caisse) en raison de son activité de chef d'exploitation agricole à titre secondaire, a cessé toute activité salariée non agricole à compter du 23 novembre 2009 et a été inscrit comme demandeur d'emploi.
2. La caisse ayant appelé des cotisations sociales en considérant que son activité de chef d'exploitation était devenue principale, M. W... a formé opposition, le 14 février 2018, auprès d'une juridiction de sécurité sociale, à la contrainte émise par celle-ci à son encontre le 12 janvier 2018, notifiée le 26 janvier 2018, pour un montant de 2 393,35 euros au titre des cotisations et majorations de retard portant sur l'année 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief au jugement de dire bien fondée l'opposition et d'annuler la contrainte, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat et si, parmi les éléments du débat, il peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions et relever d'office un moyen de droit, c'est à la condition de respecter le principe de la contradiction ; que le tribunal, pour dire que M. W... n'avait pas le statut d'exploitant agricole à titre exclusif en 2016, relève que les obligations incombant aux demandeurs d'emploi rendraient impossible l'attribution d'un tel statut, que les périodes de chômage involontaire non indemnisées pouvant être assimilées à des trimestres d'assurance retraite, il ne serait pas possible d'affirmer que M. R... W... exerçait à titre exclusif une activité agricole en 2016, enfin qu'il résultait de la mise en demeure que les cotisations appelées concernaient pour la quasi-totalité des sommes réclamées l'assurance vieillesse et la retraite complémentaire et qu'il aurait alors nécessairement existé des cotisations gémellaires appelées au titre de la retraite ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il énonçait que les parties avaient soutenu oralement à l'audience leurs conclusions écrites et que celles-ci ne comportaient aucun moyen tiré ces éléments, ce dont il résulte qu'il a soulevé ces moyens d'office, et ce sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction. Si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que la décision constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens.
6. Pour dire bien fondée l'opposition et annuler la contrainte litigieuse, le jugement énonce qu'il incombe au demandeur d'emploi de remplir certaines obligations, référencées par le code du travail, aux fins de ne pas être radié, que non seulement, l'intéressé est tenu de participer à la mise en place de son projet personnalité mais surtout, il doit accomplir des actes de recherche d'emploi et accepter des offres jugées raisonnables qui pourraient lui être faites, de sorte qu'il était impossible pour M. W... de se voir attribuer, entre le 31 mars 2010 et le 31 mars 2017, le statut d'exploitant agricole à titre exclusif. Il retient que conformément aux articles L. 351-3 et R. 351-12 du code de la sécurité sociale, les périodes de chômage involontaire non indemnisées peuvent être assimilées à des trimestres d'assurance retraite, que dès lors, toute période de chômage involontaire non indemnisée qui suit directement une période de chômage indemnisée est prise en compte dans la limite d'un an et peut être élevée à cinq ans, sous certaines conditions et qu'il n'est donc pas possible d'affirmer que M. W... exerçait à titre exclusif une activité agricole en 2016. Il ajoute qu'il résulte du détail de la mise en demeure du 27 octobre 2017, préalable à la contrainte litigieuse, que les cotisations appelées concernent l'assurance vieillesse et la retraite complémentaire pour la quasi-totalité des sommes réclamées et qu'il existe alors nécessairement « des cotisations gémellaires appelées au titre de la retraite », alors même qu'il n'est pas démontré une activité agricole à titre exclusif.
7. En statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ces moyens, alors qu'il résulte des productions que les écritures des parties, dont le jugement constate qu'elles ont été soutenues oralement, n'en faisaient pas état, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par le tribunal de grande instance d'Annecy ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Chambéry.