Cass. com., 11 février 2003, n° 00-11.085
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 novembre 1999), que la société Aditec, société de découpage, emboutissage, fabrication d'outillage et de découpe, montage d'ensemble, était liée à la société Diringer, spécialisée dans la fabrication et la production d'équipements en plastique destinés à l'industrie automobile, par une convention du 1er février 1997 ; que la société Aditec a saisi le juge des référés pour obtenir de la société Diringer le paiement d'une somme représentant le solde restant dû, selon décompte du 19 mars 1999, sur factures de marchandises livrées ; que la société Diringer s'y est opposée en invoquant l'existence d'une contre-créance ;
Sur le premier moyen, pris en ses sept branches :
Attendu que la société Diringer fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme à titre provisionnel à la société Aditec, alors, selon le moyen :
1 ) que l'exception "non adempleti contractus" permet à une partie de ne pas exécuter ses obligations tant que l'autre n'a pas exécuté les siennes ; qu'en réduisant la portée de cette exception à permettre à une partie de contraindre l'autre à exécuter ses propres obligations ou de prévenir un dommage imminent, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil, ensemble l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le préjudice de la société Diringer était garanti par une assurance que la société Aditec avait l'obligation contractuelle de souscrire, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) que le fait que la société Aditec fût assurée ne pouvait la dégager de ses obligations à l'égard de la société Diringer ; que, dès lors, en se fondant sur l'existence de l'obligation contractuelle de la première de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité, pour dire la seconde non fondée à lui opposer l'exception "non adimpleti contractus", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
4 ) que la cour d'appel était d'autant plus tenue de vérifier si la société Aditec avait satisfait à son obligation contractuelle de souscrire une assurance, que l'inexécution de cette obligation non seulement aurait rendu sans fondement le postulat retenu par l'arrêt, selon lequel le paiement de la créance de la société Diringer était garanti, mais encore aurait justifié de plus fort l'exception "non adimpleti contractus" opposée par cette dernière ; qu'en refusant de procéder à cette vérification, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
5 ) que la circonstance qu'une partie à un contrat synallagmatique ait pris l'engagement envers son cocontractant de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité, ne confère aucune apparence à l'exécution même de cet engagement ; que, dès lors, en considérant que, du fait qu'elle statuait comme juge des référés, juge de l'apparence, elle n'avait pas à vérifier si la société Aditec avait effectivement souscrit l'assurance qu'elle avait l'obligation contractuelle de souscrire, la cour d'appel a violé l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
6 ) que, si la cour d'appel a considéré que la société Aditec avait effectivement satisfait à son obligation de souscrire un contrat d'assurance, fait que rien ne permettait de tenir pour établi, elle s'est déterminée par un motif hypothétique, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
7 ) qu'enfin, en déduisant du seul fait que la société Aditec avait l'obligation de souscrire une assurance "garantissant les risques matériels et immatériels des produits fabriqués et livrés" la conséquence qui ne s'en évince nullement que la créance de la société Diringer, fondée sur les vices et défauts des produits livrés, était garantie, la cour d'appel s'est déterminée par des considérations inopérantes qui privent sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant que les fournitures livrées dans le cadre des factures incluses dans le relevé, produit au soutien de la demande de provision, n'étaient pas contestées par la société Diringer et que celle-ci ne pouvait tirer argument d'une créance dont le recouvrement était garanti pour se soustraire à l'exécution de ses propres obligations, la cour d'appel qui n'a pas réduit la portée de l'exception invoquée par la société Diringer, mais a admis que cette société ne prouvait pas que la société Aditec n'avait pas exécuté ses obligations, a pu décider, sans violer les dispositions visées à la première branche du moyen, que la créance n'était pas sérieusement contestable ;
Attendu, en deuxième lieu, que la société Diringer ayant fait valoir, devant la cour d'appel, que la convention du 1er février 1997 qui définissait les obligations de la société Aditec, comportait une clause de garantie prévoyant notamment que, pour parfaire son obligation de garantie, cette société s'engageait à souscrire un contrat d'assurance garantissant les risques matériels et immatériels des produits fabriqués et livrés pendant toute la durée de leur utilisation, la cour d'appel n'a pas relevé d'office le moyen tiré de ce que le préjudice de la société Diringer était garanti par une assurance que la société Aditec avait l'obligation contractuelle de souscrire ;
Et attendu, en dernier lieu, que la société Diringer ayant elle-même fait valoir que la société Aditec avait souscrit une obligation de garantie incluant une clause d'assurance, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur un motif hypothétique, a pu décider, sans rechercher si la société Aditec avait effectivement souscrit l'assurance qu'elle avait l'obligation de souscrire, que cette société avait respecté ses obligations à l'égard de la société Diringer ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses sept branches ;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Diringer fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a été dit, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en opposant à la demande de provision de la société Aditec la violation par cette dernière de ses obligations contractuelles, la société Diringer n'avait pas opposé une exception de compensation, mais une exception d'inexécution ; que, dès lors, en se déterminant au regard d'une contre-créance, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation des articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ;
2 ) que, du même coup, en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1289 du Code civil, ensemble l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) qu'en se référant dans ses motifs à la fois et indifféremment à une exception de compensation avec une contre-créance et à une exception d'inexécution, la cour d'appel a laissé incertain le fondement légal de sa décision qu'elle a ainsi privée de base légale au regard tant des articles 1134, 1147 et 1289 du Code civil, que de l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
4 ) qu'en ne recherchant pas si la provision sollicitée par la société Aditec pour des marchandises livrées, n'entrait pas dans le cadre de la convention dont la résiliation était par ailleurs poursuivie par la société Diringer, en raison du non-respect par sa cocontractante de ses obligations, auquel cas ce second litige avait nécessairement une incidence sur la demande de provision, de nature à la rendre sérieusement contestable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant des articles 1134 et 1147 du Code civil, que de l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que le moyen de la société Diringer a trait à l'existence d'une "contre-créance" qui l'autoriserait à suspendre l'exécution de son obligation de paiement et que l'exception d'inexécution a pour objet de contraindre l'un des cocontractants à exécuter ses propres obligations ou de prévenir un dommage imminent, tel qu'un risque caractérisé d'inexécution ; qu'ainsi, sans méconnaître les termes du litige, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une exception d'inexécution, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que la société Diringer n'a pas soutenu, devant la cour d'appel, que la provision sollicitée par la société Aditec entrait dans le cadre de la convention dont la résiliation était par ailleurs poursuivie par la société Diringer ; que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.