Cass. com., 27 juin 1984, n° 81-14.188
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Delmas-Goyon
Avocat général :
M. Cochard
Avocat :
SCP Lyon-Caen Fabiani Liard
Sur la déchéance du pourvoi, soulevée par la défense :
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Alpes-Maritimes (la CRCAM) s'est pourvue en cassation le 24 juillet 1981 contre l'arrêt rendu le 21 avril 1981 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; que le pourvoi était dirigé contre MM. Jack X..., Michel X..., François X..., René Z..., et contre les sociétés Vaphor, Maraval et la Société des plantes ornementales et fleurs ; que le mémoire ampliatif a été signifié le 9 décembre 1981 à M. François X..., mais n'a été signifié aux autres défendeurs que le 5 janvier 1982 ; que dans leur mémoire en défense, M. Jack X... et les trois sociétés soulèvent la déchéance du pourvoi, se fondant sur les articles 978 et 981 du nouveau Code de procédure civile qui disposent que le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de cinq mois à compter du pourvoi, signifier au défendeur un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée ;
Attendu que ces prescriptions n'ayant pas été observées, la déchéance est encourue, mais que l'action de la CRCAM contre les susnommés tend au paiement de diverses sommes d'argent, et que, l'obligation au paiement de sommes d'argent n'étant pas par elle-même indivisible, le pourvoi à l'encontre de M. François X... demeure valable de même qu'à l'encontre de MM. Michel X... et Guerrier, qui n'ont pas déposé de mémoire en défense ;
En conséquence, dit la CRCAM, en application des articles 978 et 981 du nouveau Code de procédure civile, déchue de son pourvoi, à l'égard de M. Jack X..., des sociétés Vaphor et Maraval, et de la Société des plantes ornementales et fleurs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 21 avril 1981), le nommé Y... avait organisé avec d'autres horticulteurs un important circuit d'effets de complaisance lui permettant d'obtenir, en escomptant ces effets auprès de diverses banques, et notamment auprès de la CRCAM des Alpes-Maritimes, des liquidités immédiates, qu'après le décès de M. Y..., les personnes qui avaient accepté à celui-ci des effets sans cause, soit personnellement, soit comme mandataires de diverses sociétés, n'ont pu à l'échéance les régler à la CRCAM, qui leur en a réclamé le paiement en sa qualité de tiers porteur ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la CRCAM, au motif qu'elle avait connaissance, lorsqu'elle a reçu les effets, du "vice de complaisance" qui les affectait, alors, selon le pourvoi, que l'arrêt pénal rendu le 2 octobre 1975 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, ayant jugé que l'émission des effets de commerce litigieux procédait d'une escroquerie perpétrée au préjudice du porteur, celui-ci avait été victime d'un concert frauduleux, ayant été persuadé de l'existence d'un crédit imaginaire, ce qui impliquait certainement et nécessairement que le porteur ne pouvait avoir eu connaissance du vice de complaisance affectant lesdits effets de commerce, que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a méconnu ce qui a été certainement et nécessairement jugé par le juge pénal, et a ainsi violé le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal, et l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la chose jugée au pénal s'imposait quant à la nature de l'infraction et à ses éléments constitutifs, la Cour d'appel, qui a constaté que la CRCAM, bien que désignée comme l'une des nombreuses victimes de l'escroquerie, n'était pas partie au procès pénal, non plus que MM. François X..., Michel X... et René Z... a retenu à bon droit que ces derniers pouvaient se libérer sur le plan cambiaire s'ils rapportaient la preuve de la mauvaise foi de la banque lors de l'escompte des effets litigieux ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, que la bonne ou la mauvaise foi du tiers porteur qui a escompté des effets de commerce s'apprécie à la date de la remise à l'escompte desdits effets ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que l'établissement bancaire tiers porteur n'avait agi de mauvaise foi que pendant les deux dernières années au cours desquelles il avait été en relation avec le tireur des effets ; qu'en s'abstenant dès lors de préciser si les effets de commerce dont le paiement était réclamé avaient été escomptés avant ou, au contraire, au cours des deux années litigieuses, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a, par là même, privé sa décision de base légale, au regard de l'article 121 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions de M. François X... ni de l'arrêt qu'il ait été soutenu devant la Cour d'appel que la CRCAM réclamait le paiement d'effets émis et escomptés plus de deux années avant le décès du tireur ;
Que le moyen, nouveau, et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 21 avril 1981 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.