Cass. 3e civ., 26 février 1975, n° 74-70.004
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Costa
Rapporteur :
M. Senselme
Avocat général :
M. Tunc
Avocat :
Me Bore
SUR LE RECEVABILITE DU POURVOI, CONTESTEE PAR LA DEFENSE : ATTENDU QUE L'ETAT FRANCAIS SOULEVE L'IRRECEVABILITE DU POURVOI FORME LE 29 NOVEMBRE 1973 PAR LES CONSORTS DE X... CONTRE L'ARRET QUI STATUE SUR L'INDEMNITE DUE A LA SUITE DE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE DE PARTIE D'UN DOMAINE LEUR APPARTENANT, AUX MOTIFS QUE LA DECLARATION DE POURVOI NE CONTIENT L'ENONCE, MEME SOMMAIRE, D'AUCUN MOYEN DE CASSATION ET QUE LE MEMOIRE AMPLIATIF CONTENANT CET ENONCE NE LUI A ETE NOTIFIE QUE LE 21 MAI 1974 ;
MAIS ATTENDU QUE LES CONSORTS DE X... ONT DEPOSE LEUR MEMOIRE AMPLIATIF AU GREFFE DE LA COUR DE CASSATION LE 29 MARS 1974, DANS LE DELAI DE QUATRE MOIS PREVU A L'ARTICLE 26 DU DECRET DU 22 DECEMBRE 1967 ;
QUE LA DENONCIATION DU MEMOIRE AU DEFENDEUR INCOMBE AU GREFFIER DE CETTE COUR ET QUE L'INOBSERVATION DU DELAI DE QUINZE JOURS IMPARTI POUR CE FAIRE PAR L'ARTICLE 27 DUDIT DECRET EST SANS INFLUENCE SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI ;
D'OU IL SUIT QUE L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITE DOIT ETRE ECARTEE ;
DIT LE POURVOI RECEVABLE ;
SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR EVALUE L'ENSEMBLE DU TERRAIN EXPROPRIE SUR LA BASE DE 3371 FRANCS L'HECTARE, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, DANS DES CONCLUSIONS LAISSEES SANS REPONSE, LES CONSORTS DE X... AVAIENT FAIT VALOIR QUE LEDIT TERRAIN COMPORTAIT TRENTE HECTARES DE PINS MAGNIFIQUES ET VINGT-CINQ HECTARES PLANTABLES EN VIGNE AYANT VOCATION A APPELLATION CONTROLEE ;
QUE L'ABSENCE D'EXPLOITATION EFFECTIVE NE SAURAIT EXCLURE L'EXISTENCE ET, PAR CONSEQUENT, LA REPARATION DE CE DOUBLE CHEF DE PREJUDICE RESULTANT DE LA PERTE DE CES VALEURS PATRIMONIALES, QUE LE PROCES-VERBAL DESCRIPTIF N'AVAIT AUCUNE AUTORITE SUSCEPTIBLE DE PRIVER LES CONSORTS DE X... DE LEUR DROIT D'ETABLIR LA CONSISTANCE EXACTE DES BIENS EXPROPRIES ET QU'EN SE REFERANT PUREMENT ET SIMPLEMENT A UN TEL DOCUMENT SANS S'EXPLIQUER SUR LA NATURE DES MOTIFS DE DROIT OU DE FAIT QUI JUSTIFIERAIENT LE REJET DE LA RECLAMATION DES EXPROPRIES, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;
MAIS ATTENDU QUE LA CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS, QUI RAPPELLE QUE L'INDEMNISATION DOIT INTERVENIR EN FONCTION DE LA CONSISTANCE DES BIENS A LA DATE DE L'ORDONNANCE PORTANT TRANSFERT DE PROPRIETE ET DE LEUR USAGE EFFECTIF A LA DATE DE REFERENCE, RELEVE QUE LORS DE LA VISITE DES LIEUX, LE PREMIER JUGE A CONSTATE QUE LES PARCELLES EXPROPRIEES CONSTITUAIENT DES LANDES ET GARRIGUES RELATIVEMENT BOISEES PAR ENDROITS DE BOUQUETS DE CHENES VERTS ET QU'ELLES ETAIENT INCULTES ;
QUE L'ARRET AJOUTE QU'EN CE QUI CONCERNE L'AFFECTATION CULTURALE DE PARTIE DU TERRAIN, IL N'EN SUBSISTE QUE LE SOUVENIR ;
QU'AINSI, LES JUGES DU SECOND DEGRE, QUI N'ONT PAS REFUSE AUX CONSORTS DE X... LE DROIT D'ETABLIR LA CONSISTANCE EXACTE DU TERRAIN, ONT REPONDU AUX CONCLUSIONS PRETENDUMENT DELAISSEES ET LEGALEMENT JUSTIFIE LEUR DECISION ;
QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR FIXE LA VALEUR DU TERRAIN EXPROPRIE SUR LA BASE DE PRIX DETERMINES A L'AMIABLE A UNE EPOQUE ANTERIEURE A LA DECLARATION D'UTILITE PUBLIQUE, INTERVENUE LE 4 JUIN 1971 ;
MAIS ATTENDU QUE LA CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS N'A NULLEMENT FAIT APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 21, III, ALINEA 1ER, DE L'ORDONNANCE DU 23 OCTOBRE 1958 ;
QU'ELLE S'EST BORNEE A EXAMINER LES DIVERS ELEMENTS DE COMPARAISON QUI LUI ETAIENT SOUMIS ET DONT IL LUI APPARTENAIT D'APPRECIER SOUVERAINEMENT LA PORTEE ;
QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QUE L'ARRET EST ENCORE CRITIQUE EN CE QU'IL A FIXE A 32500 FRANCS L'INDEMNITE ALLOUEE POUR LE BATIMENT A USAGE DE BERGERIE, IMPLANTE SUR LE TERRAIN EXPROPRIE, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LES JUGES DU FOND DEVAIENT INDIQUER LA LOI APPLIQUEE PAR LES DECISIONS AUXQUELLES ILS SE REFERAIENT, AINSI QUE LA DATE A LAQUELLE ELLES S'ETAIENT PLACEES POUR PROCEDER A L'EVALUATION ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, QUI PRECISE QU'EN APPLICATION DE L'ARTICLE 21 DE L'ORDONNANCE DU 23 OCTOBRE 1958, DANS SA REDACTION RESULTANT DE LA LOI DU 10 JUILLET 1965 APPLICABLE EN L'ESPECE, LES BIENS SONT ESTIMES A LA DATE DE LA DECISION DE PREMIERE INSTANCE, N'A FAIT QU'USER DE SON POUVOIR SOUVERAIN EN FIXANT A 32500 FRANCS LE MONTANT DE L'INDEMNITE DUE AU TITRE DU BATIMENT SUSVISE ;
QU'AINSI LE MOYEN NE PEUT PAS ETRE ACCUEILLI ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A LA CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS D'AVOIR DETERMINE EX AEQUO ET BONO LA VALEUR DU CAPITAL CHASSE, DONT ELLE A TENU COMPTE POUR MAJORER L'INDEMNITE AFFERENTE AU TERRAIN EXPROPRIE, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE LE MONTANT DE L'INDEMNITE D'EXPROPRIATION NE SAURAIT ETRE VALABLEMENT FIXE PAR REFERENCE A LA NOTION D'EQUITE ;
MAIS ATTENDU QU'AVANT D'EVALUER SOUVERAINEMENT A 571 FRANCS L'HECTARE LA VALEUR DU CAPITAL REPRESENTATIF DE LA CHASSE, LA COUR D'APPEL RETIENT QUE LE DOMAINE EXPROPRIE PRESENTE UNE VALEUR CYNEGETIQUE SUPERIEURE AU COMMUN, QUE LE CARACTERE GIBOYEUX DE L'EMPRISE RESSORT DES CONSTATATIONS FAITES SUR LES LIEUX PAR LE PREMIER JUGE ;
QU'ELLE TIENT COMPTE DE LA PRESENCE D'UN ETANG ;
QU'ENFIN, ELLE SE REFERE A UN ELEMENT DE COMPARAISON CONCERNANT UN TERRAIN EN NATURE DE MARAIS, TOUT EN SOULIGNANT QU'UNE CHASSE EN TERRAIN DE GARRIGUES NE PRESENTE PAS LES MEMES AVANTAGES QU'UNE CHASSE EN MARAIS ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
REJETTE LES PREMIER, DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS ;
MAIS SUR LE CINQUIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 ;
ATTENDU QUE, BIEN QU'ILS AIENT CONSTATE QUE LA DIMINUTION DE L'ETENDUE DU DOMAINE, DU FAIT DE L'EXPROPRIATION, RESTREIGNAIT LA VALEUR, AU POINT DE VUE CYNEGETIQUE, DE LA PARTIE NON EXPROPRIEE, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT REFUSE D'ACCORDER L'INDEMNITE DE DEPRECIATION ALLOUEE, DE CE CHEF, PAR LE PREMIER JUGE, AU MOTIF QUE L'INDEMNISATION DU CAPITAL CHASSE DU TERRAIN EXPROPRIE SUPERIEURE A LA NORME HABITUELLE, COUVRE TOUTES LES INCIDENCES DE LA DEPOSSESSION ;
ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QU'ELLE A, PAR AILLEURS, ENONCE QUE, POUR L'EVALUATION DUDIT CAPITAL CHASSE, IL CONVENAIT DE RETENIR LA VALEUR FIXEE PAR LE PREMIER JUGE, LA COUR D'APPEL S'EST CONTREDITE ;
ET SUR LE SIXIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 11, ALINEA 2, DE L'ORDONNANCE DU 23 OCTOBRE 1958, ENSEMBLE L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 ;
ATTENDU QUE, POUR REFUSER DE TENIR COMPTE, DANS LE MONTANT DE L'INDEMNITE, DE LA VOCATION DE CARRIERE DE PARTIE DU TERRAIN EXPROPRIE, LA CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS RETIENT, D'UNE PART, QUE LES DISPOSITIONS DU PLAN D'URBANISME REGIONAL DU LITTORAL LANGUEDOC-ROUSSILLON, QUI PREVOIENT LE REBOISEMENT DES PARCELLES EN CAUSE, S'OPPOSERAIENT APPAREMMENT A LA DELIVRANCE DE L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE NECESSAIRE A L'EXPLOITATION DU TREFONDS ET, D'AUTRE PART, QU'IL NE PARAIT PAS QU'UNE TELLE EXPLOITATION PRESENTE UNE VALEUR ECONOMIQUE CERTAINE ET QU'IL NE PEUT ETRE TENU COMPTE, DANS UNE REGION OU CES STRUCTURES GEOLOGIQUES NE CONSTITUENT PAS UNE EXCEPTION, DE LA VIRTUALITE D'EXPLOITATION QUE LES PARTIES N'ONT JAMAIS FAIT PASSER DANS LES FAITS ET N'ALLEGUENT PAS QU'ELLES L'AURAIENT FAIT ;
ATTENDU QU'EN STATUANT DE LA SORTE, PAR DES MOTIFS D'AILLEURS HYPOTHETIQUES, ALORS QUE LES RESTRICTIONS DE CARACTERE ADMINISTRATIF SONT SANS INFLUENCE SUR LA FIXATION DE L'INDEMNITE D'EXPROPRIATION, ET SANS RECHERCHER SI LE SOUS-SOL DU TERRAIN RECELAIT DES MATERIAUX EXPLOITABLES, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS LA LIMITE DES CINQUIEME ET SIXIEME MOYENS, L'ARRET RENDU LE 18 MAI 1973, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR D'APPEL DE MONTPELLIER (CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS) ;
REMET, EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE NIMES (CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS).