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Décisions

Cass. 3e civ., 14 novembre 2002, n° 00-20.188

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

M. Peyrat

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

SCP Peignot et Garreau, SCP Gatineau

Montpellier, du 7 févr. 2000

7 février 2000

Sur la recevabilité du pourvoi principal, contestée par la défense :

Vu l'article 675 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n'en dispose autrement ;

Attendu que les consorts X... soutiennent que le pourvoi formé le 21 septembre 2000 par M. Y... serait irrecevable, au motif que l'arrêt visé avait été notifié par le secrétariat greffe de la cour d'appel le 10 février 2000, conformément aux règles applicables dans les matières où la représentation n'est pas obligatoire et que la signification par huissier de justice du même arrêt, le 16 août 2000, n'avait pu avoir pour effet de faire courir un nouveau délai de deux mois ;

Mais attendu qu'aucun texte ne dispose que les arrêts rendus en matière de baux ruraux seront notifiés par le secrétariat de la juridiction par lettre recommandée avec demande d'avis de réception

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Sur la recevabilité du pourvoi incident, contestée par M. Y..., après avis de la Deuxième chambre civile, les avocats ayant été informés de cette demande d'avis :

Attendu que M. Y... soutient que, dans la mesure où les consorts X..., après avoir déposé un pourvoi principal à l'encontre de l'arrêt du 7 février 2000, s'en sont désistés par acte au greffe le 7 septembre 2000, dont il leur a été donné acte par décision du 8 septembre 2000, le pourvoi incident qu'ils entendent former à l'encontre du chef de l'arrêt qui l'a condamné à payer une somme de 88 789,25 francs, est irrecevable par application de l'article 621 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que sous réserve que soient respectés les formes et délais prévus par l'article 1010 du nouveau Code de procédure civile, le pourvoi incident formé par les consorts X... le 21 mai 2001, postérieurement à la constatation par ordonnance du premier président de leur désistement du pourvoi principal qu'ils avaient précédemment introduit, est recevable par application des articles 1025 et 403 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le pourvoi principal dirigé contre le même arrêt par une autre partie, M. Y..., le 21 septembre 2000, est lui-même recevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunies :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 février 2000), que M. Y..., reconnu titulaire d'un bail à ferme portant sur une exploitation appartenant à M. X..., a, à son départ, été assigné par son bailleur en paiement de diverses sommes ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accorder diverses sommes aux consorts X..., qui viennent aux droits de M. X..., alors, selon le moyen :

1 / que le bailleur ne peut imposer au preneur, titulaire d'un bail soumis au statut de fermage, aucune redevance ou service de quelque nature que ce soit, en sus du fermage calculé dans les conditions de l'article L. 411-1 du Code rural ; qu'en outre, toute disposition restrictive de droits accordés au preneur par le statut, est réputée non écrite ;

qu'enfin, les cotisations sociales payées par le propriétaire exploitant sur le fondement de l'article 1003-7 du Code rural ne sont pas de même nature que celles susceptibles d'être payées par le chef d'exploitation, titulaire d'un bail ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait et en mettant à la charge de M. Y... le montant des cotisations sociales et de la prime d'assurance complémentaire accidents corporels, payées par feu Ernest X... en sa qualité de propriétaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 411-1, L. 411-11 et L. 415-12 du Code rural ;

3 / que le preneur titulaire d'un bail rural soumis au statut du fermage est maître de son exploitation, de sorte qu'il est en droit de faire assurer le gardiennage de son troupeau dans des conditions qui ne justifient pas nécessairement une rémunération ; que dès lors, en mettant à la charge du preneur le remboursement des frais de gardiennage de son troupeau, prétendument supportés par le propriétaire bailleur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 411-1, L. 411-12, L. 411-69 et L. 415-12 du Code rural ;

4 / qu'en toute hypothèse, la compensation ne peut s'opérer qu' à la condition que l'une des créances litigieuses ne soit pas prescrite ;

que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, bien que la somme réclamée au titre des cotisations sociales et de l'assurance étaient des charges locatives atteintes par la prescription, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1291 et 2277 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu que les cotisations sociales sont à la charge de l'exploitant, ainsi que les cotisations d'assurances-exploitant, et que M. Y... aurait dû les régler en considération de cette qualité qui découlait de son statut de fermier ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que M. X... assurait une permanence des animaux, que M. Y... ne se rendait sur place que tous les quinze jours alors que la présence d'animaux d'élevage requiert une surveillance journalière, que le bailleur devait être indemnisé du temps passé pour le compte du preneur qui avait accepté la mission de surveillance décrite et exactement relevé que la prescription résultant de l'article 2277 du Code civil n'atteint les créances qui y sont soumises que lorsque celles-ci sont déterminées tant dans leur nature que dans leur quantum, la cour d'appel, qui a relevé que tel n'était pas le cas en l'espèce puisque la requalification du contrat ayant lié les auteurs des consorts X... à M. Y... en contrat de bail à ferme résultait de l'arrêt du 15 mars 1999 et que les sommes dont les consorts X... sollicitaient le paiement par compensation ressortissaient à la qualification juridique ainsi faite et à l'application du statut du fermage qui en était la conséquence, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés, après compensation, au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :

1 / que l'action en répétition exercée par le preneur d'un bail rural à l'encontre de son bailleur n'est recevable que pendant la durée du bail ; qu'en l'espèce, il n'était contesté par aucune des parties que leurs relations contractuelles, qualifiées de bail rural par la cour d'appel dans son arrêt du 15 mars 1999, s'étaient poursuivies jusqu'au 6 décembre 1990 ; qu'en rejetant la fin de non-recevoir soulevée par les consorts X... tirée de l'irrecevabilité de cette demande, sans rechercher si la demande de restitution avait été formée antérieurement à la résiliation du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-74 du Code rural ;

2 / qu'en tout état de cause, est soumise à la prescription quinquennale l'action en répétition de sommes périodiques versées en application d'un bail rural ; qu'en l'espèce, les sommes dont le preneur demandait la répétition étaient des loyers périodiques qui avaient été versés en application d'un bail rural ; qu'en décidant que l'action en répétition de ces sommes n'était pas soumise à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé l'article 2277 du Code civil ;

3 / que la copie d'un reçu est privée de force probante dès lors que la partie à laquelle elle est opposée en dénie la conformité à l'original ; qu'en l'espèce, les consorts X... avaient souligné qu'en dépit de leurs demandes répétées, ils n'avaient pu obtenir la production des originaux ; qu'en se fondant dès lors sur des photocopies dont la force probante était ainsi contestée, la cour d'appel a violé l'article 1334 du Code civil ;

4 / que la sous-location a nécessairement un caractère onéreux ; qu'en l'espèce, l'expert avait affirmé dans son rapport que "M. Y... (avait) reconnu avoir sous-loué une partie de la propriété (de) M. X..." et qu'il contestait seulement le nombre de sous-locations ;

qu'en affirmant que M. Y... s'était borné à reconnaître avoir mis à disposition d'un voisin la propriété de M. X... et que le caractère onéreux de cette mise à disposition ne serait pas démontré, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et violé l'article 1134 du Code civil ;

5 / que le preneur, qui, en violation des dispositions d'ordre public du bail, a illicitement tiré profit des terres en les donnant en sous-location, doit reverser une partie de ces bénéfices au bailleur ; qu'en affirmant que le bailleur ne pouvait prétendre obtenir une partie du prix de la sous-location, la cour d'appel a violé l'article L. 411-35 du Code rural ;

Mais attendu qu'ayant exactement relevé que l'action en répétition de loyers versés indûment n'était pas soumise à la prescription abrégée des actions en paiement de loyers, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui n'était pas demandée, a retenu que rien ne permettait de douter de la sincérité des reçus établis ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement relevé que le statut du fermage ne prévoit pas, sauf en ce qui concerne la sous-location autorisée pour usage de vacances ou loisirs, que le bailleur puisse recevoir partie de la sous-location et qu'une telle sous-location n'était pas établie, le caractère onéreux d'une mise à disposition n'étant pas démontré, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1376 du Code civil ;

Attendu que pour accorder aux consorts X... les sommes de 103 135 francs et 16 758 francs, l'arrêt retient que les moyens invoqués par M. Y... apparaissent inopérants dès lors que la fraude à la loi a procédé d'une volonté commune des parties de soustraire leurs rapports au statut du fermage jusqu'à ce que, pour s'opposer à une demande en paiement, M. Y... en revendique l'application et que la demande des consorts X... procède de la reconnaissance de ce statut qui ne peut avoir des conséquences distributives ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'action en répétition n'avait pas été dirigée contre celui pour le compte duquel le paiement avait été effectué, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à la décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer aux consorts X... les sommes de 103 135 francs et 16 758 francs, l'arrêt rendu le 7 février 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.