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Décisions

Cass. soc., 4 mai 1999, n° 96-43.775

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Waquet

Rapporteur :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocat général :

M. Kehrig

Avocat :

SCP Lesourd

Agen, ch. soc., du 5 juin 1996

5 juin 1996

Attendu que M. X... a exploité une station service de la société Dyneff du 30 mai 1985 au 30 mai 1987 en vertu d'un contrat de mandat ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de ce contrat en contrat de travail, son immatriculation au régime général de la sécurité sociale, ainsi que diverses sommes ;

Sur la fin de non-recevoir présentée par la défense :

Attendu que dans son mémoire en défense, M. X... demande à la Cour de Cassation de retirer le pourvoi du rôle tant que la société Dyneff n'aura pas justifié de l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel ;

Mais attendu que si le défendeur entendait se prévaloir de l'inexécution de l'arrêt, il lui appartenait de saisir le premier président de la Cour de Cassation conformément aux dispositions de l'article 1009-1 du nouveau Code de procédure civile, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce ;

que la fin de non recevoir ne peut être accueillie ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Dyneff fait grief à l'arrêt attaqué (Agen, 5 juin 1996) statuant sur renvoi après cassation d'avoir requalifié le contrat de mandataire salarié et de l'avoir en conséquence condamnée à justifier auprès de M. X... de son immatriculation au régime général de la sécurité sociale pour la période du 7 août 1985 au 15 juin 1987, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il ne peut être statué sur l'affiliation d'un travailleur au régime général de la sécurité sociale en l'absence des organismes sociaux susceptibles d'être concernés par le conflit d'affiliation ; qu'en se prononçant sur la qualification des relations de travail liant M. X... et la société Dyneff et en décidant de l'affiliation de celui-ci au régime général en l'absence des organismes du régime général et des régimes non salariés, la cour d'appel a violé l'article 14 du nouveau Code de procédure civile, L. 781-1 du Code du travail et L.311-1 du Code de la sécurité sociale ; alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que l'affiliation rétroactive à un régime d'assurances sociales ne peut être ordonnée qu'en cas d'absence totale d'affiliation pour l'activité concernée ; qu'en ordonnant l'affiliation de M. X... au régime général pour la période du 7 août 1985 au 15 juin 1987 sans avoir constaté l'absence d'affiliation de l'intéressé à quelque régime d'assurances sociales que ce soit au titre de cette activité, pour cette période, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.781-1 du Code du travail et de l'article L.311-2 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R.312-3 du Code de la sécurité sociale que l'immatriculation au régime général de la sécurité sociale s'effectue à la diligence de l'employeur, dans le délai de huitaine qui suit l'embauchage de toute personne non encore immatriculée à ce régime et remplissant les conditions d'immatriculation ; qu'ayant constaté que M. X... était lié, à compter du 7 août 1985, par un contrat de travail sans être immatriculé au régime général, la cour d'appel qui, en l'absence de conflit d'affiliation, n'avait pas à appeler en cause les organismes d'assurance sociale, a exactement décidé que l'employeur devait accomplir les formalités obligatoires auprès de la caisse primaire d'assurance maladie compétente ; d'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Dyneff fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le contrat de location gérance de station service du 30 juillet 1985 devait être requalifié en contrat de gérant salarié, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il appartient au gérant libre de station service sollicitant la requalification du contrat de gérance de rapporter la preuve de la réunion des conditions prévues à l'article L.781-1 du Code du travail et notamment de son état de dépendance économique à l'égard de la société pétrolière ; qu'en énonçant que les attestations versées aux débats par la société Dyneff selon lesquelles M. X... avait une activité de charcutier et de restauration rapide, n'étaient pas de nature à établir qu'il en tirait un revenu appréciable, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'état de dépendance ou d'indépendance économique s'apprécie au regard des activités annexes effectivement exercées par le gérant libre ;

qu'en énonçant, pour écarter l'activité de charcutier qu'elle ne figurait pas à l'extrait K Bis ce qui ne pouvait exclure qu'elle n'eût pas été effectivement exercée, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.781-1 du Code du travail ; alors, encore, que l'état de dépendance économique s'apprécie au regard des activités annexes exercées par le gérant libre quelles qu'elles soient ; qu'en énonçant que l'activité de charcutier n'était pas une activité accessoire à celle de gérant de station service, la cour d'appel a violé l'article L.781-1 du Code du travail ; alors, enfin, qu'en omettant de prendre en considération l'activité de lavage et celle de vente de produits spécifiques aux stations services, invoquées par la société Dyneff et visées par le rapport d'expertise, dans l'appréciation de l'état de dépendance économique de M. X... à l'égard de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.781-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté, sans inverser la charge de la preuve, que les activités annexes exercées par M. X..., tributaires de la vente de carburants et produits pétroliers et de la fréquentation peu importante de la station, en raison de sa situation géographique la rendant peu visible et difficilement accessible, n'avaient procuré à l'intéressé qu'un chiffre d'affaires très faible, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Dyneff fait enfin grief à l'arrêt d'avoir dit que le salarié était fondé à demander paiement des salaires afférents à 13 heures 30 de travail par jour et d'avoir fixé à la somme de 488 280 francs le salaire auquel M. X... pouvait prétendre pour la période considérée, alors, selon le moyen, d'une part, que l'astreinte n'est considérée comme temps de travail effectif, rémunéré comme tel que lorsque le salarié se trouve à la disposition permanente et effective de son employeur ; qu'en excluant toute notion d'astreinte en l'espèce, tout en constatant que pendant la durée d'ouverture de la station service, M. X... se livrait à des activités étrangères à la relation d'exclusivité, pour son propre compte, la cour d'appel a violé l'article L. 212-4 du Code du travail ; alors, d'autre part, qu'en énonçant qu'elle évaluait forfaitairement à deux heures par jour le temps distrait à la durée du travail du salarié, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour parvenir à une telle évaluation, la cour d'appel a statué par voie d'affirmation et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, encore, qu'en homologuant les calculs de l'expert sur l'évaluation des salaires dus à M. X..., sans répondre aux conclusions de la société Dyneff faisant valoir, d'une part, que l'expert avait fait une application erronée des règles relatives au repos compensateur et, d'autre part, que la majoration de 100 % prévue par la convention collective pour le paiement des jours fériés ne se cumulait pas avec les majorations pour heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, qu'en toute hypothèse, en se bornant à imputer sur le seul montant du salaire dû à M. X... les deux heures quotidiennes de travail non salarié, sans les imputer sur le nombre d'heures pris en compte dans la détermination du repos compensateur, la cour d'appel a violé l'article L. 212-5-1 du Code du travail ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel qui a constaté que, hors le temps qu'il consacrait à ses activités annexes qu'elle a souverainement évalué à 2 heures par jour, le salarié se tenait en permanence à la disposition de l'employeur pour participer à l'activité de l'entreprise, pendant toute la durée d'ouverture de la station service, et ce, sept jours sur sept, sur une durée journalière de 13 heures trente, sans repos hebdomadaire ni congé annuel, comme le lui imposait le contrat, a exactement décidé que le salarié n'effectuait pas des astreintes mais un travail effectif ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel qui n'avait pas à suivre l'employeur dans le détail de son argumentation, a évalué le montant du salaire devant revenir à l'intéressé pour la période considérée en tenant compte des contraintes particulières qui lui étaient imposées ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.