Cass. 2e civ., 19 novembre 1986, n° 85-12.301
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Aubouin
Rapporteur :
M. Deroure
Avocat général :
M. Ortolland
Avocats :
Me Le Prado, SCP Vier et Barthélémy, Me Ancel
Sur la recevabilité du pourvoi incident :
Attendu que, pour s'opposer à la recevabilité du pourvoi incident formé par l'agent judiciaire du Trésor public, les consorts Z... soutiennent que l'auteur de ce pourvoi, ayant les mêmes intérêts que les demandeurs au pourvoi principal, ne pouvait l'exercer ;
Mais attendu qu'en application des articles 549 et 614 du nouveau Code de procédure civile, le pourvoi incident peut émaner de toute partie à l'instance, ayant intérêt à la cassation d'une des dispositions de la décision attaquée ;
D'où il suit que le pourvoi incident est recevable ;
Sur le pourvoi incident pris en son moyen unique et sur le pourvoi principal pris en ses deux moyens réunis en ce qui concerne les dommages subis par M. Z... :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que, sur une route, une collision se produisit entre le camion conduit par Mlle Y... et appartenant à M. X... et l'automobile de M. Z... qui le dépassait ; que M. Z... et sa fille Françoise furent mortellement blessés ; que Mme Z... et son fils Jean-Marie Z... ont demandé la réparation de leur préjudice à Mlle Y... et à M. X... et à la Compagnie Parisienne de Garantie, que M. X... a assigné Mme Z... et la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France (MAIF) en réparation de son préjudice matériel, que Mlle Y... a formé une demande reconventionnelle, que l'agent judiciaire du Trésor est intervenu à l'instance ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré M. Z... entièrement responsable alors que, d'une part, en exonérant M. X..., gardien du camion sur le seul fondement de la force majeure, la cour d'appel aurait violé l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 et alors que, d'autre part, en ne recherchant pas si le comportement de M. Z... avait été imprévisible et irrésistible pour M. X..., la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil et alors qu'enfin, en ne précisant pas si elle statuait sur le fondement de l'article 1382 ou de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la cour d'appel aurait laissé incertaine la base juridique de la condamnation prononcée ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 rendu applicable par l'article 47 du même texte aux affaires pendantes devant la Cour de Cassation, la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ;
Et attendu que pour débouter les consorts Z..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. Z... franchissant la ligne continue pour dépasser le camion de M. X... l'a accroché en se rabattant soudainement sur sa droite ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations d'où il résulte que la faute de M. Z... a été la cause exclusive de l'accident, l'arrêt, qui n'a pas retenu à l'encontre de la victime la force majeure extérieure aux parties au sens de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985, seule prévue ainsi que le fait du tiers à l'article 2 précité, se trouve légalement justifié à l'égard de l'article 4 susvisé, seul applicable en cas de collision de véhicules terrestres à moteur ;
Mais sur le moyen tiré de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 en ce qui concerne la réparation des dommages des consorts Z... résultant du décès de Mlle Z... :
Vu les articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu qu'en vertu de ces textes, les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur sont, hormis les conducteurs, indemnisés des dommages causés à leur personne sauf si leur faute inexcusable a été la cause exclusive de l'accident ;
Et attendu que pour exclure l'indemnisation du dommage subi par les consorts Z... du fait du décès de Mlle Z..., passagère à bord du véhicule l'arrêt retient la faute du conducteur ;
Que, par application des textes susvisés, l'arrêt doit être annulé ;
PAR CES MOTIFS :
ANNULE l'arrêt rendu le 10 décembre 1984 entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée.