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Décisions

Cass. soc., 31 mai 2012, n° 10-16.810

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

Mme Sommé

Avocat général :

M. Lalande

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini

Rennes, du 2 mars 2010

2 mars 2010

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... exerçait en dernier lieu, depuis le 1er décembre 1983, les fonctions de directeur général au sein de deux associations dont l'Association d'Armor pour la formation et l'insertion des demandeurs d'emploi (l'ASFIDA) ; que le 2 février 1997, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'ASFIDA, devenue son unique employeur à compter du 27 mai 1999 ; que les premiers juges ont sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours ; qu'à la suite de la dissolution de l'ASFIDA, Mme Y... a été désignée en qualité de liquidateur amiable de celle-ci le 23 novembre 2001 ; que par arrêt rendu le 24 mars 2009, la cour d'appel de Rennes a prononcé la résiliation du contrat de travail de M. X... aux torts de l'ASFIDA, condamné celle-ci au paiement de diverses sommes et ordonné la réouverture des débats sur la demande de rappel de salaire à titre de complément de ressources ; que le pourvoi formé par le salarié à l'encontre de cette décision a été rejeté par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2010 (n° de pourvoi 09-42. 272) ; que par arrêt rendu le 2 mars 2010, la cour d'appel de Rennes a alloué au salarié diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité spéciale prévue par la convention spécifique intra-entreprise et de rappel de salaires ;

Sur le pourvoi principal de l'employeur :

Sur le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 24 mars 2009 :

Sur l'irrecevabilité soulevée par la défense :

Vu l'article 621, alinéa 3, du code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, le défendeur qui n'a pas formé de pourvoi incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais impartis par l'article 1010 du code de procédure civile n'est plus recevable à se pourvoir à titre principal contre ce jugement ;

Attendu que l'ASFIDA, Mme Y... en qualité de liquidateur amiable de l'ASFIDA et M. Z... en qualité de liquidateur amiable de l'ASFIDA du 26 septembre au 23 novembre 2001, ont formé un pourvoi en cassation contre deux arrêts rendus par la cour d'appel de Rennes les 24 mars 2009 et 2 mars 2010 par déclaration du 29 avril 2010 auquel s'est joint M. A... en qualité de liquidateur judiciaire de l'ASFIDA ;

Attendu cependant qu'il résulte des pièces de la procédure que l'arrêt du 24 mars 2009 avait été précédemment frappé de pourvoi par M. X..., que, sur ce pourvoi, l'ASFIDA et Mme Y... ès qualités, s'étaient bornées à déposer un mémoire en défense sans former de pourvoi incident et que, par décision en date du 28 septembre 2010, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. X... ; qu'il s'ensuit que le pourvoi en ce qu'il est dirigé, en ses deux premiers moyens, contre l'arrêt du 24 mars 2009, est irrecevable ;

Sur le troisième moyen et sur les deux premières branches du quatrième moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié qui est préalable au cinquième moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'un complément contractuel et conventionnel de ressources dû au salarié malade à compter du 12 décembre 1996 et de dommages-intérêts en réparation des préjudices causés par le comportement fautif de l'ASFIDA pendant la période de maladie, alors, selon le moyen :

1°/ que le placement sous contrôle judiciaire ne prive pas le salarié malade de ses droits contractuels et conventionnels à indemnisation de sa maladie ; qu'en considérant que, pendant la période de contrôle judiciaire écoulée entre le 12 décembre 1996 et le 5 juillet 2001, l'employeur était fondé à refuser à M. X..., alors en arrêt de travail pour maladie, l'indemnisation contractuelle et conventionnelle prévue à son profit, la cour d'appel a violé les articles 7 du contrat de travail, 16-2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

2°/ qu'en se déterminant de la sorte la cour d'appel, qui a privé le salarié de toute garantie de ressources pendant sa maladie pour le motif qu'il était placé sous contrôle judiciaire, a méconnu ses droits à la protection de sa santé et à la sécurité matérielle tels qu'énoncés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en son alinéa 11 ;

3°/ qu'en ne répondant pas aux écritures de M. X... faisant valoir que l'employeur, non content de lui refuser le bénéfice de la garantie de ressources prévue par le contrat de travail et les dispositions conventionnelles applicables, avait résilié d'office, dès le 12 décembre 1996, le contrat de prévoyance collective Médéric le concernant, le contraignant ainsi à souscrire une adhésion personnelle et à en supporter intégralement le coût la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant retenu que le salarié avait été placé sous contrôle judiciaire, le 12 décembre 1996, pour une cause non imputable à l'employeur, avec interdiction de toute relation avec son employeur et le personnel de l'entreprise, ce dont il résultait que le contrat de travail avait été suspendu, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de suivre le demandeur dans le détail de son argumentation, que l'intéressé, qui n'aurait pu percevoir une rémunération s'il avait été valide, ne pouvait prétendre au bénéfice de la garantie de salaire en cas de maladie prévu par le contrat de travail et les dispositions conventionnelles ;

Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des écritures de la procédure que M. X... ait invoqué devant les juges du fond les dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau, mélangé de fait et de droit en sa deuxième branche, n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié, à compter du 5 juillet 2001, un complément contractuel et conventionnel au titre de la garantie de ressources pour cause de maladie, alors, selon le moyen, que lorsqu'un arrêt de travail pour cause de maladie survient pendant une période de suspension du contrat de travail imputable à une faute du salarié, le point de départ de la garantie de salaire, offerte en cas d'arrêt maladie par le contrat de travail ou la convention collective, ne saurait être reporté au terme de la première suspension ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la garantie de salaire offerte à M. X... en cas de maladie ne durait pas plus de douze mois ; qu'elle a encore relevé que lorsque M. X... a été placé en arrêt de travail pour maladie son contrat de travail était déjà suspendu par son fait en raison de son placement sous contrôle judiciaire qui n'a pris fin que le 5 juillet 2001 ; qu'il était en outre constant que la responsabilité pénale et civile de M. X... avait été reconnue au terme de la procédure pénale par décision correctionnelle du 9 décembre 2004 ; qu'il s'en induisait, dès lors qu'il était constant que l'arrêt maladie avait débuté en décembre 1996, que lorsque le contrôle judiciaire a pris fin le 5 juillet 2001, le droit du salarié au maintien de son salaire au cours de son congé maladie était éteint depuis décembre 1997, ce droit ne pouvant être reporté à la fin de la période de contrôle judiciaire consécutif à la faute du salarié ; qu'en retenant néanmoins que Mme Y..., ès qualités, était débitrice du versement pendant une année de la garantie de salaire dont bénéficiait M. X... en cas de maladie, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1222-1 du code du travail et l'article 16-2 de la convention collective nationale métallurgie ingénieurs et cadres ;

Mais attendu que le contrôle judiciaire auquel a été soumis le salarié n'ayant eu pour effet que de suspendre ses droits à indemnisation au titre de la garantie de salaire pour cause de maladie, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'intéressé était bien fondé à prétendre au bénéfice de cette garantie à compter du 5 juillet 2001, date de la mainlevée du contrôle judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche qui, né de l'arrêt, est recevable :

Vu la convention spécifique intra-entreprise de l'ASFIDA du 26 juin 1995 ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer une certaine somme à titre d'indemnité spéciale en application de la convention spécifique intra-entreprise du 26 juin 1995, l'arrêt retient que M. X... demande le paiement de l'indemnité spécialement prévue par cette convention en faveur des cadres position III présents dans l'effectif le jour du départ en retraite ou ayant atteint l'âge de 60 ans lors de la rupture imputable à l'employeur ; que mise en place expressément pour assurer aux salariés de l'entreprise un montant d'indemnité de fin de carrière suffisant, cette prestation complémentaire se cumule avec les autres ;

Attendu cependant que la convention intra-entreprise conclue au profit des cadres de l'ASFIDA, classés position III de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, portant sur les conditions de versement d'une indemnité de fin de carrière, dont bénéficient les cadres partant à la retraite ou licenciés alors qu'ils ont atteint l'âge de 60 ans, dispose en son article 2 que le versement de cette indemnité a pour objet de fournir au personnel concerné un complément aux prestations obligatoires prévues par la convention collective, la convention intra-entreprise, ou le contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'accord d'entreprise ne prévoit pas expressément le cumul de l'indemnité de fin de carrière qu'il institue avec l'indemnité conventionnelle de licenciement prévue par l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi principal en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 24 mars 2009 ;

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. X... une indemnité de fin de carrière au titre de la convention spécifique intra-entreprise du 26 juin 1995, l'arrêt rendu le 2 mars 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.