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Décisions

CA Angers, ch. soc., 29 mai 2020, n° 18/00395

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Howmet Ciral (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Genet

Conseillers :

M. Brisquet, Mme Delaubier

Cons. prud’h. Le Mans, du 31 mai 2018, n…

31 mai 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La SNC Howmet-Ciral est une fonderie spécialisée dans la production de pièces en alliage destinées au marché de l'aéronautique.

Elle emploie plus de 11 salariés et est régie par la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la Mayenne.

Mme Martine M. a été embauchée par Howmet Ciral à compter du 9 mai 1997 en qualité d'assistante administrative, statut ETAM, niveau II échelon 3 coefficient 190, sous contrat de travail à durée déterminée.

Après le renouvellement de son contrat à durée déterminée, Mme M. s'est vue proposer une embauche sous contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 5 octobre 1998.

La société lui a ensuite proposé le poste d'assistante approvisionnement, statut ETAM, niveau IV échelon 2 coefficient 270 à compter du 9 juin 2008, qu'elle a accepté.

A compter du 1er septembre 2010, Mme M., à sa demande, a bénéficié d'un passage à temps partiel, avec une durée de travail hebdomadaire de 29 heures correspondant à une durée de travail mensuelle de 120,12 heures. Ces modalités ont été prolongées chaque année, par avenant conclu entre les parties.

En dernier lieu, Mme M. occupait les fonctions d'assistante achats, statut ETAM, niveau IV échelon 3 coefficient 285, moyennant une rémunération mensuelle moyenne de 1 700,26 euros brut.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 5 novembre 2015, la société Howmet Ciral a convoqué Mme M. à un entretien préalable fixé au 13 novembre 2015 en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à un licenciement.

La salariée s'est ensuite vue notifier un licenciement pour faute grave, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 décembre 2015, ainsi libellée :

«[...] Pour rappel, vous occupez les fonctions d'Assistante Achats au sein de la Société.

Or, nous avons constaté l'existence de manquements graves commis dans l'exercice de vos fonctions au cours des dernières semaines.

Nous vous reprochons d'avoir accepté et commandé des cadeaux de l'un de nos fournisseurs, la société ObjetRama, ainsi que d'avoir expressément demandé à ce que lesdits cadeaux vous soient livrés à votre domicile personnel, en violation des règles internes applicables au sein de la Société et du Groupe.

Nous avons en effet appris le 4 novembre 2015, lors d'une conversation téléphonique que Monsieur Cyril T.-M., Contrôleur Financier, a eue avec Monsieur Peter Z., salarié de la société ObjetRama, en vue d'une commande d'un

nouveau GPS, que vous aviez accepté et commandé des cadeaux de cette société, constitués de deux Ipad Mini Apple 16 Go, et demandé à ce qu'ils vous soient livrés à votre domicile personnel.

Comme nous étions très surpris que vous ayez pu accepter des cadeaux d'un fournisseur et demander à ce qu'ils vous soient livrés à votre domicile personnel, en dépit de la politique d'éthique de la Société et du Groupe, nous avons mené des investigations auprès de la société ObjetRama, aux termes desquelles Madame Francine H., Directrice, nous a expressément confirmé les faits suivants.

Le 29 octobre 2015, lors d'une conversation téléphonique avec Madame Danielle W., Commerciale d'ObjetRama, au sujet d'une demande de devis (n° 71186), vous avez indiqué à cette dernière que vous n'aviez pas encore choisi les cadeaux liés à la commande que vous aviez passée pour le compte de la Société le 10 juillet 2015 (n° 143119). Vous lui avez alors indiqué que vous souhaitiez bénéficier de deux Ipad Mini Apple 16 Go et lui avez transmis l'adresse de votre domicile personnel comme adresse de livraison.

La confirmation de commande des deux cadeaux (n° 152528) en date du 29 octobre fait d'ailleurs état de l'adresse de votre domicile personnel comme adresse de livraison, contrairement aux autres confirmations de commande qui mentionnent l'adresse de la Société.

Ce n'est que parce que Monsieur T.-M. a demandé à ObjetRama de ne pas procéder à l'expédition de ces cadeaux à votre domicile personnel que vous ne les avez pas reçus.

De tels manquements sont totalement inacceptables en ce qu'ils contreviennent aux règles internes en vigueur au sein de la Société et du Groupe (Code de Conduite Professionnelle, Politique de Conduite en Affaires, Politique en matière de Cadeaux et Marques de Courtoisie, Politique relative aux Lois Anti-Corruption), ce dont vous aviez parfaitement conscience.

Ainsi, la Politique de Conduite des Affaires prévoit que « Toute marque de courtoisie (notamment, repas, boissons, loisirs, divertissements, transports et hébergements) et tout cadeau (y compris les honoraires) peuvent être offerts ou donnés aux frais de la société, ou acceptés par les administrateurs, dirigeants et employés dans le cadre des activités de la société, mais uniquement s'ils répondent aux critères suivants:

a. Ils sont en accord avec les pratiques commerciales entendues, n'enfreignent aucune législation et ne contredisent aucune norme déontologique en vigueur,

b. Ils sont en accord avec la politique relative aux lois anticorruption de la société et ont été autorisés conformément aux procédures applicables dans la société,

c. Ils sont de valeur raisonnable,

d. Ils n'ont pas pour objet de servir, ni peuvent être considérés, comme pot-de-vin, compensation ou incitation indue,

e. Une divulgation publique ne mettrait pas la société dans l'embarras, ni l'administrateur, le dirigeant ou l'employé concerné par de tels cadeaux et marques de courtoisie. ».

Ces critères n'étaient pas remplis dans le cas présent dans la mesure où notamment les cadeaux en question n'étaient pas de valeur raisonnable et où leur acceptation et le principe de la livraison à votre domicile personnel n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation préalable, ni même d'une quelconque information auprès de votre hiérarchie.

Bien au contraire, vous avez délibérément dissimulé les faits à votre hiérarchie, en demandant expressément à la société ObjetRama de vous livrer les commandes à votre domicile personnel, et non à l'adresse de la Société comme cela est en principe le cas, et en précisant n'avoir jamais reçu aucun cadeau à titre personnel lors de l'enquête annuelle sur la conduite en affaires réalisée le 10 février 2015.

De même, lors de l'entretien préalable du 13 novembre, vous avez dans un premier temps fait preuve d'une mauvaise foi manifeste en niant purement et simplement les faits, prétextant n'avoir jamais reçu aucun cadeau d'un fournisseur, et ce pendant près de deux heures, alors même que nous vous avions montré les confirmations de commande litigieuses.

Ce n'est qu'après la suspension de l'entretien sollicitée par Madame A., au cours de laquelle cette dernière a appelé Madame W., Commerciale de la société ObjetRama, qui lui a confirmé les faits, que vous avez changé de position, en reconnaissant les faits et en indiquant avoir déjà reçu en 2014 une tablette Samsung Galaxie en cadeau de ce même fournisseur, ce qui nous a par la suite été confirmé par Madame H. (n° 111523).

Nous ne pouvons tolérer de tels manquements dans la mesure où la fiabilité et l'honnêteté des collaborateurs sont des qualités indispensables au bon fonctionnement et à l'image de la Société.

Votre conduite est d'autant plus inexcusable qu'il ne s'agit pas de faits isolés puisque nous avons appris lors de l'entretien préalable que vous aviez déjà commandé et reçu à votre domicile personnel un cadeau (tablette Samsung Galaxie) de ce même fournisseur en mai 2014, sans en informer votre hiérarchie.

Le caractère répété de vos manquements démontre leur caractère délibéré et ne peut en conséquence que nous conduire à mettre en cause votre fiabilité et votre honnêteté.

Ces manquements sont incompatibles avec l'exercice de vos fonctions et constituent une faute grave qui rend impossible le maintien de votre contrat de travail, y compris pendant la durée de votre préavis.

Nous vous notifions par conséquent votre licenciement pour faute grave qui prend effet immédiatement, à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile, sans préavis ni indemnité de licenciement. ».

Le contrat de travail de Mme M. a pris fin le 9 décembre 2015.

Le 7 juin 2016, Mme M. a saisi le conseil de prud'hommes de Laval, de demandes tendant à faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir les indemnités de rupture subséquentes.

Ce dossier a été dépaysé au profit du conseil de prud'hommes du Mans.

Par jugement en date du 31 mai 2018, le conseil a :

- dit que le licenciement de Mme Martine M. ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SNC Howmet Ciral à verser à Mme Martine M. les sommes suivantes:

- 3400,52 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 340,05 euros au titre des conges payés y afférents ;

- 7792,85 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 14 552 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 450 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme Martine M. de sa demande au titre du non respect des articles L. 1232-2, L.l232-3 et L. 1232-4 relatifs aux modalités de l'entretien préalable ;

- débouté la SNC Howmet Ciral de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la SNC Howmet Ciral aux entiers dépens.

Le 22 juin 2018, par voie électronique, la société a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 11 février 2020 et l'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2020.

Le délibéré initialement prévu à la date du 26 mars 2020, a été prorogé au 1er septembre 2020 en raison de la période de confinement en vigueur à compter du 16 mars 2020. Les parties ont été informées de la prorogation du délibéré par avis publié par la cour d'appel d'Angers le 17 mars 2020, puis par avis adressés par RPVA à la date du 27 mai 2020, les parties ont été informées que le délibéré sera finalement rendu le 29 mai 2020.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SNC Howmet Ciral, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, adressées au greffe le 8 mars 2019, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement pour faute grave de Mme M. dépourvu de cause réelle et sérieuse, et l'a condamnée à lui verser les indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

statuant à nouveau, de :

à titre principal :

- de dire et juger que le licenciement de Mme M. est fondé sur une faute grave ;

en conséquence :

- de débouter Mme M. en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation :

- de limiter le montant de la condamnation au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la juste réparation du préjudice prétendument subi par Mme M. ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme M. de sa demande d'indemnisation formulée au titre du licenciement prétendument irrégulier, et de :

à titre principal :

- dire et juger qu'aucune faute ne peut lui être reprochée s'agissant de la procédure de licenciement menée à l'encontre de Mme M. ;

en conséquence :

- débouter Mme M. en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause :

- condamner Mme M. à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme M. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société fait valoir que :

- les faits sont graves et non isolés ;

- la salariée n'a pas sollicité l'accord de sa hiérarchie et a essayé de cacher les faits en demandant à se faire livrer les cadeaux chez elles ;

- ses actes contreviennent aux règles internes ;

- Mme P. a été embauchée pour remplacer Mme M. ;

- un doute sérieux existe quant au dernier compte rendu d'entretien préalable de Mme A. versé au débat par Mme M..

Mme Martine M., dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, adressées au greffe le 12 décembre 2018, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de:

- confirmer le jugement de 1ère instance et de déclarer que la moyenne de ses salaires calculée sur les douze derniers mois est de 1700,26 euros ;

- subsidiairement, si la cour retient le principe d'une faute, requalifier cette faute en faute simple et lui allouer l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dans les montants fixés par le conseil de prud'hommes ;

- en tout état de cause, condamner la société à lui verser la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens et aux frais d'exécution, et ordonner l'exécution provisoire.

Mme M. fait valoir que :

- elle a toujours développé une démarche responsable et constructive ;

- elle a accepté un cadeau de la société Objetrama dans le cadre des pratiques commerciales mais elle n'a jamais commandé ce cadeau qui lui a été proposé par ladite société ;

- c'est une pratique courante dans les entreprises en France ;

- aucune réglementation ne prévoit que les salariés doivent refuser un cadeau ;

- il n'y a eu aucune corruption, ni soudoiement ;

- l'employeur a refusé les négociations avec elle car elle était représentée par une organisation syndicale ;

- l'entretien préalable a été mené à charge contre elle ;

- les attestations du conseiller l'assistant lors de cet entretien préalable, ainsi que celle de M. K. sont valables ;

- elle travaille aujourd'hui chez Seb et perçoit un revenu de 100 euros inférieur à celui chez Howmet-Ciral.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la régularité de la procédure de licenciement

Mme M. a renoncé à contester en appel la régularité de la procédure de licenciement, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette question et les dispositions du jugement de première instance sont définitives sur ce point.

Sur la faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Ainsi, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Enfin, selon l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce et aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à Mme M. d'avoir accepté à deux reprises des cadeaux de la part d'un fournisseur, en les faisant livrer à son domicile.

En juillet 2015, Mme M. a passé commande à hauteur de 10 693,56 euros pour la société Howmet Ciral auprès du fournisseur Objetrama, selon la confirmation de commande produite en pièce n°24 par l'employeur.

Il est également justifié par l'employeur par un mail de la société Objetrama, que le 29 octobre 2015, Mme M. 'a rappelé à Mme W. qu'elle n'avait pas encore fait part de son choix de cadeaux et c'est donc à ce moment-là qu'elle a indiqué son choix et une adresse de livraison.'

La confirmation de commande en pièce n°26 de l'employeur mentionne ainsi deux 'Ipad Mini Apple 16 Go' à livrer à l'adresse personnelle de Mme M..

M. T.-M., contrôleur financier et supérieur hiérarchique de Mme M., atteste que :

'Le 4 novembre 2015, j'appelle la société Objetrama pour connaître les modalités d'obtention d'un GPS, car nous avions cassé le notre et une personne de l'usine en avait besoin pour un déplacement professionnel. A la suite de cet appel, la société Objetrama me confirme que je ne pourrai pas bénéficier d'un cadeau car mon employée Martine M. avait déjà commandé les lots qui correspondaient à notre commande d'objets pour la porte ouverte de septembre 2015, et que j'en avais plus le droit. [...] J'essaye de récupérer les premiers éléments de preuve et informe mon service du personnel après avoir bloqué l'envoi des deux Ipads à son domicile.'

Il résulte de ces éléments qu'à l'occasion de la commande passée en juillet 2015 auprès de la société Objetrama, il a été proposé à Mme M. de bénéficier de cadeaux et que le choix de cette dernière s'est porté sur deux Ipad mini de la marque Apple.

Lors de l'entretien préalable, Mme M. a dans un premier temps nié les faits, ainsi que cela ressort du compte-rendu d'entretien de la société (pièce n°15 employeur), et du compte rendu de Mme A. qui l'assistait (pièce n°15 salariée).

Suite à la suspension de l'entretien pour appeler la société Objetrama afin d'avoir sa version des faits, Mme M. décidait de 'reconnaître ces faits, pour lesquels elle n'y est pour rien', selon le compte rendu de Mme A., avant de reconnaître entièrement les faits reprochés en ajoutant avoir déjà reçu de la même société une tablette de marque Samsung, à son domicile.

La livraison de cette tablette d'une valeur de 159 euros au domicile de Mme M. le 16 mai 2014 est justifiée par la société par la confirmation de commande (pièce n°27 employeur).

En ce qui concerne la réglementation interne en matière de cadeaux d'affaire, le code de conduite professionnelle de l'entreprise (pièce n°21 salariée) prévoit que :

'Toute marque de courtoisie (notamment, repas, boissons, loisirs, divertissements, transports et hébergements) et tout cadeau (y compris les honoraires) peuvent être offerts ou donnés aux frais de la société, ou acceptés par les administrateurs, dirigeants et employés dans le cadre des activités de la société, mais uniquement s'ils répondent aux critères suivants :

a. Ils sont en accord avec les pratiques commerciales entendues, n'enfreignent aucune législation et ne contredisent aucune norme déontologique en vigueur,

b. Ils sont en accord avec la politique relative aux lois anticorruption de la société et ont été autorisés conformément aux procédures applicables dans la société,

c. Ils sont de valeur raisonnable,

d. Ils n'ont pas pour objet de servir, ni peuvent être considérés, comme pot-de-vin, compensation ou incitation indue,

e. Une divulgation publique ne mettrait pas la société dans l'embarras, ni l'administrateur, le dirigeant ou l'employé concerné par de tels cadeaux et marques de courtoisie.'

L'employeur justifie de la valeur, non contestée, des deux Ipads à hauteur de 798 euros.

Il appartient alors à tout salarié, s'interrogeant sur la 'valeur raisonnable' d'un cadeau, de questionner en premier lieu son responsable hiérarchique, comme le prévoit le code de conduite professionnelle en page 9.

En tout état de cause, Mme F. atteste ' en qualité de Responsable Juridique en charge aussi de dispenser les formations légales et conformité/éthique. J'ai à ce titre dispensé de nombreuses formations aux collaborateurs du groupe, notamment concernant la politique d'éthique du groupe Alcoa/Arconic et les règles en vigueur en matière de cadeaux.

Madame Martine M. a participé aux formations que j'assurais à de nombreuses reprises.

Concernant plus particulièrement les formations relatives à la politique Cadeaux du groupe, je rappelais systématiquement les principes suivants :

' il est interdit d'offrir ou d'accepter des cadeaux.

' les cadeaux personnels sont à proscrire, sauf situations exceptionnelles telles qu'une naissance, auquel cas les cadeaux doivent être échangés dans le cadre de rendez-vous de travail.

' seuls les cadeaux à valeur raisonnable peuvent être acceptés, et par valeur raisonnable, il faut entendre un cadeau dont la valeur se situe aux alentours de 20€.

[...]

' si vous avez un doute, demandez conseil à votre responsable hiérarchique, au service RH ou au département éthique et compliance, ou encore à moi-même.'

Le montant de 798 euros pour les deux Ipads apparaît dépasser la 'valeur raisonnable' requise pour un cadeau.

Enfin le code de conduite professionnelle précise également que l'acceptation de cadeaux ne doit pas 'constituer une habitude'. Or, il n'est pas contesté qu'à deux reprises, Mme M. n'a pas respecté la règle applicable en matière de cadeaux.

Il importe peu que Mme M. n'ait finalement pas reçu les deux Ipads puisque cette situation est indépendante de sa volonté en raison soit du blocage de la commande par M. T.-M. comme il l'atteste ou de l'absence de disponibilité des produits, suivant le mail de la société Objetrama (pièce n°28 employeur).

Par ailleurs, le fait que Mme M. ait demandé à ce que les produits soient livrés à son domicile personnel démontre une volonté de dissimulation, alors que la société justifie de la participation de Mme M. à de nombreuses formations sur l'éthique, la déontologie ou la lutte anti-corruption au sein de l'entreprise. C'est donc en parfaite connaissance des exigences d'intégrité en vigueur au sein de la société qu'elle a accepté ces cadeaux, exigences largement rappelées dans plusieurs documents internes diffusés aux salariés et exploités dans le cadre de formations (code de conduite professionnelle, politique de conduite en affaires, politique en matière de cadeaux et marques de courtoisie, politique relative aux lois anti-corruption).

L'évaluation professionnelle globalement positive de la salariée et son ancienneté ne peuvent justifier la gravité de la faute commise.

En acceptant personnellement des cadeaux d'un montant important d'un fournisseur, à deux reprises et en totale discrétion, Mme M., qui occupait le poste d'assistante achat a :

- potentiellement perturbé les règles encadrant le choix du fournisseur et ce, nécessairement au préjudice de son employeur dont l'image est en outre ternie ;

- privé la société de gratification qu'elle entendait utiliser pour son compte ;

- fait peser sur la société un risque de redressement eu égard à l'avantage en nature indûment octroyé, qui demeure soumis à cotisations sociales suivant l'article L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale ;

- manqué à son obligation de loyauté vis à vis de l'employeur, en méconnaissance des règles déontologiques en vigueur au sein de la société.

La gravité de la faute commise était de nature à justifier qu'il soit mis fin immédiatement au contrat de travail de Mme M..

Le licenciement pour faute grave est donc parfaitement justifié.

En conséquence, Mme M. sera déboutée de sa demande de requalification de son licenciement et de ses demandes indemnitaires par voie d'infirmation du jugement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement de première instance sont infirmées s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme M. est condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Elle est également condamnée à verser à la société appelante la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

La demande présentée par Mme M. sur ce même fondement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes du Mans en date du 31 mai 2018 en ses dispositions discutées en appel ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

- DIT que le licenciement de Martine M. pour faute grave est justifié ;

- DÉBOUTE Martine M., de sa demande de requalification du licenciement pour faute grave et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

- CONDAMNE Martine M. à payer à la SNC Howmet Ciral la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DÉBOUTE Martine M. de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Martine M. aux entiers dépens de première instance et d'appel.