CA Paris, Pôle 6 ch. 10, 11 octobre 2017, n° 15/07421
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
UBS France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pams-Tatu
Conseillers :
Mme Aymes-Belladina, Mme Arnaud
Monsieur B. a été engagé le 7 janvier 2010 par la société UBS France en qualité de conseiller en investissements.
A la suite d'une procédure d'enquête ouverte par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) conduisant le département Déontologie de la société UBS à mener une enquête interne de mai à décembre 2011 sur des opérations d'acquisitions de titres par l'un des clients de la banque avec lequel Monsieur B. était en relation professionnelle, le salarié a été entendu à plusieurs reprises et la dernière fois le 15 décembre 2011 pour fournir des explications sur le contexte de ces opérations d'achats de titres et sur le contenu de ses conversations téléphoniques avec le client.
Le 9 janvier 2012, le salarié a été convoqué un entretien préalable fixé au 16 janvier suivant, et le 19 janvier 2012, un avertissement lui a été notifié pour non-respect des procédures internes.
Par lettre du 25 mai 2012, Monsieur B. a remis sa démission et exécutait son préavis de trois mois lorsque le 12 juin 2012, il a été convoqué à un entretien avec mise à pied conservatoire en raison de l'impression anormale pour son usage personnel de documents appartenant à la banque et notamment de listes de clients et prospects sans que toutefois la société UBS ne poursuive ensuite la procédure.
Contestant le bien fondé des procédures disciplinaires, Monsieur B. a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en annulation de l'avertissement du 19 janvier 2012 et en dommages et intérêts pour procédure disciplinaire abusive et préjudice moral.
Par jugement du 12 juin 2015 Monsieur B. a été débouté de ses demandes ainsi que la société UBS France de sa demande reconventionnelle.
Monsieur B. a interjeté appel le 17 juillet 2015 et demande à la cour d'infirmer la décision et de dire que l'avertissement doit être annulé et que la procédure engagée contre lui était abusive et qu'il convient de condamner la société UBS France à lui verser les sommes de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 50.000 € pour préjudice moral et de carrière et de condamner la société UBS France à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société UBS France demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de l'appelant et sa condamnation à lui payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Sur l'annulation de l'avertissement
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail «'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux'mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».
Monsieur B. prétend à l'annulation de l'avertissement au motif de la prescription des faits lors de la sanction intervenue le 19 janvier 2012, avertissement donné pour un manque de vigilance dans le traitement des informations reçues à l'occasion d'entretiens téléphoniques et absence de signalement à son management ou au département Déontologie d'une situation susceptible de présenter un risque et un comportement traduisant le non respect des procédures internes.
Mais il ressort de l'enquête interne menée par la société UBS France déclenchée en mai 2011, à la suite d'une alerte et enquête de l'AMF, que la sanction ne pouvait intervenir qu'à la fin de l'enquête menée par l'employeur aux fins de mesurer la réalité et l'ampleur des fautes commises par le salarié'; or il n'est pas contestable que le 15 décembre 2011, il a été entendu une dernière fois sur les enregistrements téléphoniques et a déclaré par mail du 22 décembre 2011 qu'il était pleinement associé à l'enquête et souhaitait être informé de son évolution et avoir accès à l'ensemble des bandes enregistrées. Il a été convoqué à l'entretien préalable le 9 janvier 2012 soit dans un délai inférieur à deux mois, sans que la durée de sept mois de la procédure interne puisse être critiquée compte tenu des enjeux et des vérifications nécessaires.
Le salarié sera débouté de cette demande.
Monsieur B. prétend aussi qu'il n'a pas reçu une formation suffisante pour être sensibilisé au délit d'initié et opérations suspectes.
Mais outre que Monsieur B. avait une ancienneté de dix ans dans le secteur bancaire et financier avant d'intégrer la société UBS, il a reçu sept formations en 2010, portant notamment sur les cadeaux et activité promotionnelles, la lutte contre la corruption, le code de conduite professionnelle et de déontologie d'UBS, la conduite et l'éthique. Il est rappelé dans son contrat de travail qu'il doit se conformer aux règles régissant le fonctionnement interne de la Banque et a reçu lors de son entrée dans la société un exemplaire du règlement intérieur et un exemplaire du code de déontologie. Enfin, le rapport d'évaluation 2011 portant sur l'année 2010 confirme la participation à tous les cours obligatoires sur «'le risque et la compliance'» et le salarié indique qu'il mène ses activités de contrôle et de gestion du risque avec diligence et précision et signale à son supérieur hiérarchique tous les problèmes mis en évidence'alors que l'employeur souligne que le salarié doit renforcer la vigilance nécessaire dans l'exercice des activités de conseil et que la détection et la communication relatives à des situations à risque doivent être accrues.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que l'avertissement était fondé et a débouté Monsieur B., sanction qui au surplus était en adéquation avec la motivation et la sanction qu'il a reçue par l'AMF le 2 juin 2015 soit un avertissement.
Sur les dommages et intérêts
Monsieur B. reproche à son employeur de l'avoir accusé injustement de détournements de documents durant le temps du préavis, de l'avoir mis à pied sans poursuivre la procédure et de l'avoir payé de cette période que bien postérieurement et soutient que le nouvel employeur chez qui il devait travailler à l'issue de son préavis a finalement décidé de ne pas l'engager entraînant une période de 7 mois au chômage sans être indemnisé'; il indique avoir reçu une promesse d'embauche de la part du Crédit Suisse le 26 avril 2012 et donné sa démission de la société UBS France'le 25 mai 2012.
La société UBS affirme avoir constaté dans les jours suivant (29 mai, 8 juin et 11 juin) la démission que Monsieur B. avait imprimé de son poste un nombre important de documents confidentiels sur des listes de clients et de prospect de la banque (804 comptes clients) sans rapport avec l'affaire ayant donné lieu à l'avertissement et alors que le Crédit Suisse était un concurrent direct d'UBS,'et qu'invité à donner des explications, le salarié n'en n'avait donné aucune de crédible et avait même indiqué qu'une partie des documents se trouvait à son domicile ce qui a donc nécessité cette procédure pour écarter Monsieur B.'; elle n'a toutefois pas poursuivi la procédure et n'a pas notifié de sanction en raison de la difficulté des preuves et a réglé à Monsieur B. les sommes dues à l'expiration du préavis, lequel a donc été payé intégralement.
Monsieur B. ne conteste pas des impressions de documents dans le compte rendu d'entretien qu'il produit auxquelles il donne plusieurs versions au cours de la procédure. Par ailleurs, il est attesté par Monsieur M. Y. et par Monsieur B. tant dans son mail du 13 juin 2012 « compte rendu d'entretien » que dans son attestation que Monsieur B. avait reconnu lors de l'entretien du 13 juin 2012 qu'il avait des documents chez lui et qu'il avait accompagné le salarié jusqu'à un café situé à côté du domicile de Monsieur B. afin que celui-ci lui remette les documents appartenant à la banque mais que Monsieur B. avait ensuite indiqué que finalement il ne retrouvait pas les documents et les avait peut être jetés ou laissés au bureau. Confrontée à l'impression de données confidentielles par un salarié démissionnaire, la société UBS a pris les mesures adéquates mais l'absence de poursuite de la procédure en raison de preuves incertaines réunies par l'employeur nécessitait qu'il règle ce qui était dû au salarié sans toutefois que ce dernier puisse lui reprocher une procédure abusive au regard des faits de l'espèce et des pièces produites.
Quant au préjudice moral et de carrière fondée sur les deux procédures disciplinaires, c'est vainement que Monsieur B. prétend à des dommages et intérêts, la demande d'annulation de l'avertissement du 19 janvier 2012 ayant été rejetée et le document d'évaluation de 2011 non contesté révèlant que la baisse du bonus discrétionnaire était justifiée par le comportement du salarié à qui il était reproché son manque de respect vis-à-vis de collaborateurs et son absence de vigilance sur les procédures internes concernant les situations à risque. Par ailleurs, la procédure suivie au cours du préavis n'a pas été jugée abusive. Enfin, il n'est pas démontré que la rupture de la promesse d'embauche avec le Crédit Suisse, qui n'est d'ailleurs pas justifiée, serait la conséquence de l'attitude de la société UBS et que UBS aurait porté atteinte à son image dans tout le secteur bancaire alors même que Monsieur B. dit avoir retrouvé du travail dans le même secteur et a créé sa propre société de conseil en investissements.
En conséquence, la demande de Monsieur B. sera rejetée.
Succombant, Monsieur B. sera condamné aux dépens ; il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.
LA COUR,
Confirme le jugement déféré.
Déboute Monsieur Alexandre B. de ses demandes et la SA UBS France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,