CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 13 octobre 2020, n° 18/06910
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brue
Conseillers :
Mme Dampfhoffer, Mme Demont
EXPOSE :
Par jugement, contradictoire, du 27 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Draguignan a statué ainsi qu'il suit :
- rejette la demande de Mme Sylvie G. en irrecevabilité de l'action de Mme Jeanne G. sur le fondement de l'article 56 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à la désignation d'un conciliateur,
- rejette la demande de Mme Sylvie G. sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme G.,
- déclare recevable l'action de Mme Jeanne G.,
- écarte des débats les pièces 12, 13 à 18 de Mme Sylvie G. ,
- ordonne à Mme Sylvie G. de quitter la propriété située à La Croix Valmer et la condamne au paiement d'une somme de 850€ au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 1er août 2015 jusqu'à libération des lieux,
- rejette toute autre demande de Mme JeanneG.,
- condamne Mme Sylvie G. aux dépens et à payer à Mme G. la somme de 1000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette la demande d'exécution provisoire.
Mme Sylvie G. a relevé appel de cette décision le 20 avril 2018.
Elle a conclu au soutien de son recours le 25 juillet 2018 en demandant de :
- déclarer l'action de Mme Jeanne G. irrecevable pour défaut de capacité (ou qualité) à agir,
- en conséquence, réformer le jugement et en tout cas, réputer le jugement non avenu,
- dire que la signification du jugement est nulle,
- subsidiairement, vu la perte de capacité d'agir en justice de Mme Jeanne G., dire que l'instance se trouve interrompue dans l'attente d'une mesure de protection et surseoir à statuer,
- vu la convention d'occupation gratuite du 3 mars 1998 et les articles 31 et 32 du code de procédure civile,
- déclarer l'action de Mme Jeanne G. irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,
- très subsidiairement, vu l'article 127 et les articles 131-1 à 131- 15 du code de procédure civile, désigner tout conciliateur/ médiateur qu'il plaira pour résoudre le litige et surseoir à statuer dans l'attente,
- plus subsidiairement sur le fond, dire que seule la gratuité de l'occupation est en litige et non le principe de l'occupation et rejeter toutes les demandes de Mme Jeanne G.,
- fixer le loyer à compter du 31 juillet 2015 à 650 € par mois maximum,
- dire que le rez-de-jardin n'a jamais été occupé par elle,
- condamner Mme Jeanne G. aux dépens et au paiement de la somme de 10'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme veuve Jeanne G. a fait l'objet d'une assignation le 7 août 2018, l'assignation étant délivrée à l'étude.
Une décision de tutelle a été prise à son égard le 22 novembre 2018.
Mme G. a fait signifier le 1er février 2019 la déclaration d'appel et ses conclusions à Jérôme G., en sa qualité de tuteur à la personne de Mme Jeanne G., l'acte étant remis à l'étude et le 4 février 2019 à Mme F., en sa qualité de mandataire judiciaire tutrice aux biens de Mme veuve Jeanne G., l'acte étant également remis à l'étude.
Les intimés ainsi assignés n'ont pas comparu.
L'arrêt sera rendu par défaut.
L'ordonnance de clôture a été prise le 7 janvier 2020 .
MOTIFS
Attendu que par acte du 15 décembre 1997, Monsieur et Madame G.- B. ont acquis, en usufruit pendant leur vie durant et jusqu'au décès du survivant, un bien immobilier situé à La Croix Valmer, leur fille, Mme Sylvie G., en acquérant la nue-propriété.
Attendu que par acte sous seing privé du 3 mars 1998, Monsieur et Madame G. et leur fille ont signé un accord aux termes duquel la partie basse de l'habitation sur rez-de-jardin reste à la disposition des usufruitiers et la partie haute au rez-de-chaussée est occupée par la fille à compter du 11 janvier 1998 à titre gratuit, celle-ci s'engageant à 'faire usage des lieux en bon chef de famille', et à 'maintenir l'ensemble des locaux et du jardin en bon état d'entretien'.
Attendu que M. Marc G. est décédé en mars 2009 et que sa veuve lui survivant s'est plainte de ce que sa fille occupait avec sa famille l'intégralité de la propriété en l'empêchant de jouir de son usufruit.
Attendu que par lettre recommandée des 7 et 23 juillet 2015, postérieurement à l'assignation introductive du présent litige, en date du 6 janvier 2015, Mme G. a dénoncé la convention d'occupation conclue le 3 mars 1998.
Attendu que le jugement déféré a retenu, sur le moyen tiré de l'article 56 du code de procédure civile motif pris qu'il n'y avait pas eu de diligence mentionnée à l'assignation en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, qu'il n'y avait pas de sanctions à cette omission, sauf la proposition facultative du juge aux parties de procéder à une conciliation ou à une médiation et qu'en outre, l'assignation datant du 6 janvier 2015, elle était antérieure à la rédaction de l'article 56 tel qu'invoqué.
Attendu que par ailleurs, le tribunal a estimé qu'une conciliation sur le fondement de l'article 127 du code de procédure civile n'était pas opportune au regard de la mise en état déjà longue et de la nature des relations des parties.
Attendu enfin, que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme G. en considérant que celle-ci avait un intérêt légitime en sa qualité d'usufruitière à exercer une action relative à l'utilisation du rez-de-jardin dont elle est usufruitière, conforme à la convention.
Attendu sur le fond, que le tribunal a considéré que l'accord d'occupation gratuite ne pouvait être dénoncé que par lettre recommandée avec accusé de réception ; que l'assignation ne valait pas dénonciation par lettre recommandée et que cette dénonciation n'avait été faite que le 23 juillet 2015 avec une lettre réceptionnée le 29 juillet 2015 ; que la dénonciation de cette convention emportait révocation, non seulement du caractère gratuit de l'occupation, mais également du droit à l'occupation; que rien ne démontrait l'occupation du rez de jardin par Mme S. G. et que toute demande de ce chef devait donc être rejetée ; que l'appartement occupé en rez-de-chaussée pouvait être évalué, en ce qui concerne l'indemnité l'occupation due postérieurememnt à la dénonciation de l'accord à la somme de 850 € par mois.
Au soutien de son appel Mme S. G. expose :
1/ - que l'état de Mme G. ne lui permettait pas d'introduire l'action et de la poursuivre devant le tribunal, que son action est irrecevable pour défaut de capacité (ou qualité) à agir.
Mais attendu que si Mme G. a été effectivement placée sous tutelle le 22 novembre 2018, l'assignation introductive de la présente instance a été délivrée le 6 janvier 2015 et qu'à cette date, son incapacité n'est démontrée par aucune pièce circonstanciée du dossier ; qu'en effet, l'attestation du maire, invoquée à ce sujet, évoque la rencontre qu'il a pu avoir avec elle en 2015 au sujet d'un projet de donation à la commune sans pour autant démontrer cette incapacite; que le bilan fait par l'epahd en 2017 est des plus sommaires pour l'évaluation de ses capacités cognitives et que l'ordonnance de radiation prise en 2018 dans le cadre d'une procédure distincte visant la nécessité de protéger Mme G. ne caractérise pas plus cette incapacité au jour de l'introduction de cette action.
Attendu que le défaut de qualité, invoqué de façon alternative au défaut de capacité, sans être précisément caractérisé, n'est pas plus démontré.
Attendu par suite que la demande d'irrecevabilité de l'action de Mme G. sera rejetée ainsi que les demandes consécutives tendant à voir dire le jugement non avenu et sa signification nulle, étant en outre, relevé que celle-ci n'est de toute façon pas produite.
Attendu qu'il est tout aussi vain de faire état de ce que l'instance serait interrompue et de ce que Mme G. n'aurait pas la possibilité de la poursuivre, seule, à raison de son incapacité dès lors que le jugement attaqué est en date du 27 octobre 2017, que l'appel a été interjeté par Mme Sylvie G. et que devant la cour, les représentants légaux désignés pour Mme G. dans le cadre de la mesure de protection ont été régulièrement assignés.
Attendu que la demande de sursis à statuer sera, en conséquence, également rejetée.
2/- qu'elle est dépourvue d'intérêt à agir, et que son action doit donc être déclarée irrecevable; qu'elle fait observer à cet égard que l'appréciation du défaut d'intérêt doit se faire au jour de l'introduction de la demande en justice; qu'elle occupe la partie haute de la maison de façon tout à fait régulière en vertu d'un titre, qu'elle n'a jamais occupé la partie basse de la maison et que Mme G. savait qu'elle avait renoncé à tout droit d'occupation du bien litigieux.
Mais attendu que le jugement sera confirmé comme ayant exactement apprécié qu'en sa qualité d'usufruitière de l'intégralité du bien, Mme G. avait un intérêt légitime à exercer une action en justice pour s'assurer de son utilisation régulière au regard des droits des parties, le bien-fondé ou mal fondé des prétentions développées de ce chef relevant de l'appréciation du fond du litige.
3/- Que sur l'exception de conciliation et de médiation, la nature du litige et sa particularité justifient que la mesure soit proposée.
Mais attendu que si le recours à une mesure de médiation ou de conciliation peut intervenir en tout état de cause et que les dispositions des articles du Code de Procédure Civile y relatives sont applicables au litige, il y a lieu de rappeler qu'il y est prévu que la médiation ne peut être ordonnée qu'avec l'accord des parties, ce qui n'est en l'espèce pas possible en l'état du défaut de comparution des intimés et que par ailleurs, s'il ne s'agit pas d'une condition de la conciliation, il demeure que le défaut de comparution rend inopportune l'organisation d'une telle mesure qui nécessite une coopération volontaire de toutes les parties et que par ailleurs l'ancienneté du litige ne rend pas cette mesure qui doit être tentée au moment où le juge l'estime 'favorable'( article 129 du cpc), opportune.
4/- Qu'elle n'occupe pas le rez-de-jardin et que Mme G. ne rapporte pas la preuve de ce chef;
Attendu qu'en l'absence de comparution de Mme G., aucune preuve de ce grief n'est effectivement rapportée et que le jugement, en ce qu'il a rejeté la demande de Mme G. et qui n'est donc contesté sur ce point, sera confirmé.
5/- que la révocation de la convention de 1998, faite au mois de juillet 2015, 'ne peut porter tout au plus que sur la gratuité de l'occupation, non sur le principe',; que cela ressort de la lettre du 23 juillet indiquant que 'le maintien dans les lieux a pour effet qu'un loyer est dû'; que la seule question qui reste est donc celle du montant du loyer, la somme de 650 € mensuelle étant plus proche de la réalité que celle arbitrée par le tribunal, la valeur de l'immeuble entier étant de l'ordre de 1200 €.
Attendu que pour apprécier cette demande, la cour ne dispose que des éléments du courrier cité par Mme Sylvie G. dans ses conclusions; qu'il sera en conséquence retenu que le courrier, vu les termes tels qu'y reproduits, ne remet en cause que le principe de gratuité de l'occupation; que le jugement sera donc réformé en ce qu'il a ordonné à l'appelante de quittter le rez de chaussée du bien; qu'en revanche, les évaluations produites par Mme G. justifient sa confirmation en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation.
Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement, sauf en ses dispositions ayant ordonné à Madame G. de quitter la maison sise à La Croix Valmer, 5 Corniche de la Pinède, cadastrée section BA n°53, et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de Procédure Civile et statuant à nouveau de ces chefs :
Rejette la demande tendant à voir ordonner à Madame G. de quitter la maison sise La Croix Valmer, 5 Corniche de la Pinède,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Madame G., représentée par son tuteur d'une part, et Madame G., d'autre part, à supporter par moitié chacune les dépens,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile devant la cour,
Condamne Mme G., représentée par son tuteur d'une part, et Mme G., d'autre part, à supporter, par moitié chacune, les dépens d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.