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Décisions

Cass. 3e civ., 12 décembre 2001, n° 00-18.528

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Gerland routes Bourgogne- Franche-Comté (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

Mme Fossaert-Sabatier

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

Me Luc-Thaler, Me Balat

Besançon, 1re ch. civ., du 30 mai 2000

30 mai 2000

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 mai 2000), que M. Robert X..., aujourd'hui décédé, aux droits duquel se trouve Philippe X..., s'est adressé à M. Maire pour la réfection du tennis de sa propriété ; que ce dernier a consulté la société Gerland routes Bourgogne- Franche-Comté (Gerland) qui a établi un devis pour le démontage et remontage de la clôture et fourniture et mise en oeuvre d'enrobés et que M. Maire a de son côté établi un devis pour l'application d'une couche d'accrochage et 2 couches de peinture ; que ces travaux ont été exécutés et payés ; que se plaignant de désordres, le maître de l'ouvrage a assigné en réparation M. Maire et la société Gerland ;

Attendu que la société Gerland fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des articles 1792 et suivants du Code civil que la garantie décennale des constructeurs n'est pas applicable au sous-traitant vis-à-vis du maître de l'ouvrage et que les dispositions de l'article 1165 du Code civil, font obstacle à ce que soit reconnue à ce dernier une action contractuelle à l'encontre dudit sous-traitant avec lequel il n'a pas directement contracté, même si, conformément aux dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage est réputé avoir manifesté son acceptation quant au choix de ce même sous-traitant par l'entrepreneur principal et son agrément quant à ses conditions de paiement, en signant notamment le devis établi par ce sous-traitant et en étant directement facturé par lui ; qu'en l'espèce, la seule circonstance que le devis de la société Gerland ait été signé par le maître de l'ouvrage, M. X... et que la société Gerland ait adressé directement à ce dernier sa facture ayant fait l'objet d'une relance ne permettait pas d'écarter sa qualité de sous-traitant, laquelle, au demeurant, avait été reconnue par M. X... dans son assignation au fond et dans deux courriers des 11 mai et 25 août 1995 cités et produits par la société Gerland en appel ; qu'ainsi, la cour d'appel, en affirmant le contraire sur la base d'éléments qui permettaient seulement de déduire l'acceptation du sous-traitant par le maître de l'ouvrage et l'agrément quant à ses conditions de paiement, a violé ensemble les articles 1165, 1792 et suivants du Code civil ;

2 / qu'en affirmant qu'il n'est établi par aucune pièce, que la société Gerland est intervenue en qualité de sous-traitant de M. Maire (entrepreneur principal), la cour d'appel a dénaturé -fût-ce par omission- les courriers sus-mentionnés des 11 mai et 25 août 1995 émanant de M. X..., violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

3 / qu'il résulte des dispositions de l'article 1315 du Code civil que la charge de la preuve de l'existence d'un contrat incombe à celui qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, l'arrêt, sans caractériser clairement l'existence d'un lien contractuel direct entre M. X... et la société Gerland et en se bornant à constater l'existence d'éléments qui permettaient seulement de déduire l'acceptation du sous-traitant et l'agrément quant à ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage au sens des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, a néanmoins refusé de reconnaître cette qualité de sous-traitant à la société Gerland, défendeur à l'action, en ce qu'elle n'en rapporterait pas la preuve ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé, par conséquent, l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le devis de la société Gerland avait été signé par M. X..., que la facture de cette société lui avait été adressée directement ainsi qu'une relance et avait été réglée, et qu'aucune pièce n'établissait que la société Gerland était intervenue comme sous-traitante de M. Maire, la cour d'appel qui a caractérisé l'existence d'un contrat entre le maître de l'ouvrage et cette société, a, sans dénaturation ni inversion de la charge de la preuve, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu que la société Gerland et M. Maire font grief à l'arrêt de les condamner sur le fondement de la garantie décennale, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 1792 du Code civil seuls les désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectent dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement peuvent donner lieu à l'engagement de la responsabilité décennale du constructeur sur ce fondement et que ne répondent pas à ces conditions, des dommages qui, comme en l'espèce, n'affectent que les revêtements de surface de sols sportifs, en l'absence, précisément, de travaux ayant porté sur l'assise, les fondations ou le terrassement desdits ouvrages ;

qu'ainsi, la cour d'appel, en retenant néanmoins la responsabilité décennale de la société Gerland a violé l'article 1792 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les travaux de pose de l'enrobé sur la dalle de béton existante et de revêtement de peinture sur l'enrobé, par leur importance et leur apport de matériaux affectaient un élément constitutif essentiel du court de tennis et relevé que ces travaux inadaptés étaient à l'origine de désordres de fissuration de nature à rendre ce terrain de tennis impropre à sa destination, la cour d'appel a pu en déduire qu'ils relevaient de la garantie décennale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que M. Maire fait grief à l'arrêt de le condamner à indemniser le maître de l'ouvrage, alors, selon le moyen :

1 ) que le maître d'oeuvre est celui qui est en charge de la conception de l'ouvrage, ainsi que de la direction et de Ia surveillance des travaux ; qu'en se bornant, pour estimer que M. Maire était intervenu en qualité de maître d'oeuvre (fmt, à relever que ce dernier connaissait le maître de l'ouvrage, à qui il avait proposé le nom de la société Gerland routes pour procéder à la réfection du court de tennis, et que cette société lui avait adressé, "en réponse à sa consultation", son bordereau de prix et devis estimatif, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. Maire avait conçu le projet de réfection du court de tennis ou qu'il aurait dirigé ou surveillé les travaux, et qui ce faisant n'a pas caractérisé la qualité de maître d'oeuvre (fmt de M. Maire, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792, 1792-1 et 2270 du Code civil ;

2 ) que, dans ses conclusions d'appel, M. Maire faisait valoir que le devis rédigé par la société Gerland, spécialiste de la réfection des courts de tennis, n'avait été signé que par le maître de l'ouvrage, qui avait directement réglé à la société Gerland le montant de sa facture, que les plans établis par celle-ci n'avaient jamais été discutés avec lui, et qu'il n'avait facturé aucune autre prestation que celle liée aux travaux de peinture ; qu'en estimant que M. Maire était intervenu en qualité de maître d'oeuvre (fmt, sans répondre aux conclusions de ce dernier desquelles il s'évinçait que cette qualification ne pouvait être retenue, la cour d'appel a violé i'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés de ce chef, que M. Maire qui, à l'origine avait été consulté par M. X..., lui avait proposé l'intervention de la société Gerland dans son projet de réfection du tennis, que celle-ci avait adressé son devis estimatif "en réponse à sa consultation" à M. Maire et que ce dernier soutenait dans ses écritures qu'il avait indiqué à M. X... que le fait de remettre un revêtement sur des plaques de béton engendrerait des fissurations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que M. Maire avait pris la responsabilité de concevoir la réfection du tennis ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Maire ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille un.