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Décisions

CA Aix-en-Provence, 3e ch. B, 26 mars 2009, n° 08/00132

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société Bleu Méditerranée (SAS)

Défendeur :

Allais

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Besson

Conseillers :

M. Elleouet, M. Cabaret

Avoués :

SCP Bottai-Gereux-Boulan, SCP de Saint Ferreol - Touboul

Avocats :

Selarl Donsimoni - Vaquier - Coulet, Me Ayoun, Me Ruggirello-Fabre

CA Aix-en-Provence n° 08/00132

25 mars 2009

Selon devis du 27 avril 2001, Monsieur ALLAIS a chargé la société BLEU MEDITERRANEE de la construction d’une villa à Saint Cyr sur Mer.

Reprochant à la société BLEU MEDITERRANEE d’avoir, sans son accord sous-traité une partie des travaux et alléguant l’existence de malfaçons, Monsieur ALLAIS a engagé, par acte du 14 décembre 2001, une procédure en indemnisation de ses préjudices devant le tribunal de commerce de Toulon.

Par jugement avant dire droit du 21 janvier 2002, ce tribunal a désigné en qualité d’expert Monsieur PLUMET, lequel a déposé son rapport le 22 janvier 2003.

Par jugement du 6 mai 2004 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de TOULON a prononcé la résolution du marché aux torts de la société BLEU MEDITERRANEE et l’a condamnée à payer à Monsieur ALLAIS les sommes suivantes :

- 971,80 euros au titre du trop-perçu

- 28.000 euros au titre du manque à gagner concernant la location de la villa

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

- 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société BLEU MEDITERRANEE a relevé appel de ce jugement le 11 juin 2004. Par arrêt du 5 janvier 2006 la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE a :

- constaté que la Société BLEU MEDITERRANEE n'a pas abandonné le chantier

- dit n'y avoir lieu à résolution du contrat de marché

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. ALLAIS de sa demande de reprise des désordres

- infirmé pour le surplus

- débouté Monsieur ALLAIS de ses demandes au titre du trop perçu, du manque à gagner concernant la location de la villa, de l'allocation de sommes résultant des variations de l’indice BT 01 et de dommages et intérêts.

- condamné reconventionnellement M. ALLAIS à verser à la société BLEU MEDITERRANEE la somme de 4352,94 €en exécution du marché de travaux ainsi que 1500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur pourvoi de Monsieur ALLAIS, la Cour de cassation a, par arrêt du 26 septembre 2007, cassé cet arrêt, au visa de l’article 455 du nouveau code de procédure civile, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir répondu aux conclusions de Monsieur ALLAIS qui soutenaient que le préambule du marché comportant l’autorisation de sous-traiter les travaux ne lui était pas opposable comme étant dépourvu de toute signature ou de tout paraphe de l’une ou l’autre des parties.

Par déclaration du 2 janvier 2008, la SAS BLEU MEDITERRANEE a saisi la cour d’appel d’Aix en Provence désignée comme cour de renvoi, autrement composée.

Vu les conclusions du 14 mai 2008 de la SAS BLEU MEDITERRANEE

Vu les conclusions de Monsieur ALLAIS du 22 septembre 2008

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 fevrier 2009.

SUR QUOI

SUR LES DEMANDES DE MONSIEUR ALLAIS

Sur la résolution du marché

La société BLEU MEDITERRANEE conteste l’abandon de chantier soutenant que c’est le maître de l’ouvrage qui en a interdit l’accès.

Monsieur ALLAIS soutient que la société BLEU MEDITERRANEE avisée par divers courriers de l’existence de malfaçons affectant les travaux réalisés par son sous-traitant, a abandonné le chantier à partir du 1er juin 2001. 

Le procès-verbal de constat du 4 juillet 2001 dresse à la demande du gérant de la société BLEU MEDITERRANEE confirme l’existence de dommages consistant en des fissures affectant les fondations de la terrasse côté Est et du garage côté Nord ainsi que l’inclinaison du plancher vers l’Est.

L’huissier a également relaté les propos de Monsieur STALIN gérant de la société BLEU MEDITERRANEE déclarant que le plancher va être déposé, la ceinture périphérique enlevée et puis reposée après mise en place de résine.

Ces constatations confirment donc la réalité des griefs dénoncés par nombreux courriers du maitre de l’ouvrage à la société BLEU MEDITERRANEE.

La société BLEU MEDITERRANEE n’a pas remédié à ces malfaçons et poursuivi le chantier.

Elle ne justifie d’aucune diligence en ce sens et elle ne verse que l’attestation d’un ancien salarié Monsieur ROUX relatant, sans indication de date, l’opposition du maitre de l’ouvrage à la poursuite des travaux par le sous-traitant du fait des malfaçons.

Cette seule attestation n’est pas suffisante pour contredire les éléments versés aux débats qui établissent l’abandon du chantier injustifié par la société BLEU MEDITERRANEE.

Cet abandon constitue bien une cause de résolution du marché aux torts de la SAS BLEU MEDITERRANEE.

La société BLEU MEDITERRANEE soutient que le préambule du contrat prévoyait expressément la possibilité de recourir à un sous-traitant.

Monsieur ALLAIS réplique que ce préambule non signé non paraphé par les parties ne lui est pas opposable.

L’examen du marché liant les parties confirme l’absence de signature ou paraphe des parties sur la deuxième page intitulée “préambules”.

Des lots, la société BLEU MEDITERRANEE ne peut soutenir que le maitre de l’ouvrage l’a autorisée à sous-traiter les travaux qui lui avaient été confies.

La société BLEU MEDITERRANEE soutient que Monsieur ALLAIS a agréé tacitement son sous-traitant.

Le marché liant les parties ne comporte aucune référence à l’application de la norme AFNOR P 03.001, dont les premiers juges ne pouvaient faire application au présent litige.

Les courriers adressés par Monsieur ALLAIS à la société SAS BLEU MEDITERRANEE confirment que celui-ci contestait la présence sur le chantier d’un sous-traitant “sans son accord”.

La société BLEU MEDITERRANEE n’a donc pas obtenu l’agrément du maitre de l’ouvrage. S’agissant du choix du sous-traitant à savoir Madame Malika SERROUKH, la société BLEU MEDITERRANEE a été particulièrement négligente.

En effet, Mme SERROUKH, uniquement détentrice de cartes de visite professionnelles d'une SARL SERROUKH inexistante et non d’une carte professionnelle véritable, était inscrite en qualité de travailleur indépendant à la Chambre des Métiers des Bouches du Rhône.

Le certificat de radiation du 9 novembre 2001 délivré par cet organisme indique que Mme SERROUKH a commencé son exploitation le 21 mai 2001 et l'a cessée trois mois plus tard, le 28 août 2001.

Le contrat de sous-traitance ne comporte pas la date de son établissement mais il est indiqué à la première page que “ le démarrage du chantier étant prévu le 19 avril 2001, la prestation de la SARL SERROUKH ne pourra excéder la date du 31 mai 2001". 

Ainsi que l’ont justement relevé les premiers juges, la date de démarrage des travaux au 25 mai 2001 avancée par la SAS BLEU MEDITERRANEE, n’est pas conciliable avec l’état des travaux au 31 mai 2001 date à laquelle Monsieur ALLAIS invoque des dommages relatifs à la pose des poutrelles du plancher et confirme l’intervention de Madame SERROUKH sur le chantier antérieurement à son immatriculation à la Chambre des Métiers.

Dès lors la société BLEU MEDITERRANEE a fait intervenir comme sous-traitant une personne qui n’était pas en situation administrative régulière et n'avait pas d’existence professionnelle légale.

La SAS BLEU MEDITERRANEE a conclu avec Madame SERROUKH un contrat de sous-traitance en l'absence de tout document justifiant de son existence et de ses capacités professionnelles.

Le recours à un sous-traitant dans de telles conditions constitue une faute contractuelle envers le maitre de l’ouvrage justifiant également la résolution du contrat au torts de la société BLEU MEDITERRANEE.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

Sur les conséquences de la rupture du marché liant les parties.

Monsieur ALLAIS conteste les conclusions du rapport d’expertise judiciaire soutenant que celui-ci a mal apprécié la gravité des dommages et sous-estimé les travaux de reprise.

Au terme de ses investigations complètes et minutieuses, l’expert PLUMET a déposé un rapport précis concluant à l’existence de malfaçons dans l’exécution du plancher sur vide sanitaire à savoir :

- un défaut de mise en oeuvre du ferraillage

- un défaut d’horizontalité du dessus des planelles de coffrage qui définit le niveau fini du plancher sur vide sanitaire

L’expert indique que le plancher n’étant pas coulé, les réparations sont faciles à réaliser et consisteront à déplacer et compléter le ferraillage, à déposer un coffrage complémentaire à la périphérie du plancher pour rendre la fin du plancher horizontale pour un coût de 1 590,68 € TTC.

Monsieur ALLAIS ne verse aucun document technique contredisant ces constatations et évaluations de l’expert et justifiant de la gravité alléguée des dommages.

Monsieur ALLAIS n’a pas demandé l’extension de la mission de l’expert à l’examen des fondations dont il prétend à ce jour, qu’elles ont été mal réalisées.

C’est à juste titre que les premiers juges ont fixé le montant des travaux de reprises à la charge de la société BLEU MEDITERRANEE à la somme de 1 590,68 € TTC et compte tenu du règlement de la somme de 14.101,53 € au titre des travaux effectivement exécutés pour un montant de 14.720,41 €, ont après compensation condamné cette société a rembourser à Monsieur ALLAIS la somme de 971,80 € au titre du trop perçu avec les intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2001.

La confirmation s’impose de ce chef.

Monsieur ALLAIS soutient avoir subi du fait du retard dans l’exécution du contrat un préjudice exclusivement imputable à la SAS BLEU MEDITERRANEE.

Monsieur ALLAIS réclame à la SAS BLEU MEDITERRANEE la somme résultant de la variation de l’indice du bâtiment entre le mois d’avril 2001 et le jour de la vente, sur la somme de 85.279,59 € au titre du surcout des travaux à réaliser pour achever la construction.

Monsieur ALLAIS ne justifie pas de l’achèvement de la construction avant la vente de son terrain en novembre 2007. 

N'étant plus propriétaire, Monsieur ALLAIS ne peut donc obtenir une indemnisation au titre de la réactualisation de travaux qu'il ne fera jamais exécuter.

Monsieur ALLAIS demande réparation au titre du préjudice locatif entre le 1er janvier 2002 date à laquelle les travaux devaient être achevés et la date de la vente du bien, ainsi qu’au titre du préjudice économique du fait de la vente.

En exécution du marché, la société BLEU MEDITERRANEE ne devait réaliser que le gros-oeuvre de la construction.

Du fait des conditions d’exécution de ce marché et du contentieux qu’elle a entretenu pendant plusieurs années pour s’opposer à sa résiliation à la demande de Monsieur ALLAIS, elle a incontestablement occasionné à ce dernier un préjudice résultant de l’impossibilité de terminer la villa et de la mettre en location.

Cependant, dans l’évaluation de ce préjudice, il doit être tenu compte du fait que Monsieur ALLAIS n’a pas engagé les frais de second-oeuvre et qu’il a pris seul la décision de ne pas attendre la fin de la procédure pour terminer l’opération de construction et vendre son terrain. Il lui sera donc alloué, toutes causes de préjudices confondus, une somme de 40.000 € en réparation de son préjudice.

Le jugement déféré sera en conséquence reformé de ce chef et Monsieur ALLAIS débouté du surplus de ces demandes.

Monsieur ALLAIS demande le remboursement des sommes de 6.254,52 € et de 1.484,52 € réglées à la société BLEU MEDITERRANEE en vertu de l’arrêt du 5 janvier 2006.

L’arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2007 a cassé l’arrêt du 5 janvier 2006 en toutes ses dispositions et condamne la société BLEU MEDITERRANEE aux dépens.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes de Monsieur ALLAIS au titre des consequences et de l’exécution de l’arrêt cassé et qui seront incluses dans la charge définitive des dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant sur renvoi de la Cour de Cassation,

Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société BLEU MEDITERRANEE à payer à Monsieur ALLAIS les sommes suivantes :

- 28.000 euros au titre du manque à gagner concernant la location de la villa

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

et statuant à nouveau de ces chefs réformés

Condamne la société BLEU MEDITERRANEE à payer à Monsieur ALLAIS la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues

Déboute Monsieur ALLAIS du surplus de ses demandes

Confirme pour le surplus le jugement déféré

Vu l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société BLEU MEDITERRANEE à payer à Monsieur ALLAIS une indemnité de 1.500 €. 

Condamne la société BLEU MEDITERRANEE aux entiers dépens du présent arrêt et de l’arrêt cassé recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.