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Décisions

Cass. 3e civ., 11 janvier 2012, n° 10-15.387

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

SCP Boulloche, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Vincent et Ohl

Besançon, du 2 déc. 2009

2 décembre 2009

Donne acte à la société Italiana Lastre SPA du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé M. X... et la société GAN assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 2 décembre 2009), qu'en 1997, le GAEC Bonnet, pour faire construire un bâtiment d'élevage, s'est adressé à la chambre d'agriculture du Doubs, à M. Y..., architecte assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF), et, pour le lot charpente, couverture et zinguerie, à M. Z..., assuré auprès de la société Axa France IARD, qui s'est lui-même approvisionné en plaques de couverture auprès de la société Italiana Lastre SPA ; qu'à la suite d'infiltrations dans ce bâtiment, l'EARL Bonnet (l'EARL), venant aux droits du GAEC Bonnet, estimant insuffisante l'indemnité proposée par la société Groupama, assureur dommage ouvrages, a obtenu en référé l'organisation d'une expertise ; qu'au vu du rapport d'expertise, dont les opérations avaient été étendues à M. Z..., à la société Axa France IARD, à la chambre d'agriculture du Doubs, à M. Y..., à la MAF, et à la société Italiana Lastre SPA, l'EARL les a assignés pour obtenir réparation de ses préjudices, procédure à laquelle la société Groupama grand Est, assureur décennal de la chambre d'agriculture du Doubs, est intervenue volontairement ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant, par motifs adoptés, retenu que le changement de l'intégralité des plaques de couverture n'était pas nécessaire, la cour d'appel, qui en a déduit que le préjudice matériel de l'EARL au titre des travaux de reprise de la toiture s'élevait à la somme de 15 440, 04 euros, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, retenu que l'EARL n'avait fourni aucun élément pour appuyer l'estimation de sa perte de lait détaillée dans le décompte produit et qu'aucune mesure d'instruction ne pourrait déterminer d'une manière certaine une telle perte de lait, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche de l'incidence des pertes de bétail et des soins vétérinaires sur une diminution de la production de lait qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que la demande de l'EARL au titre de la perte de lait n'était pas fondée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 4 du code civil ;

Attendu que pour limiter la demande de l'EARL au titre des frais vétérinaires et de médicaments, l'arrêt retient par motifs adoptés qu'elle a porté sa demande à 2 035, 28 euros en tenant compte de la période postérieure à l'expertise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, l'EARL demandait les sommes de 2 227, 74 euros et de 1 592, 29 euros au titre de soins vétérinaires et de 442, 99 euros au titre des frais de médicaments, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions, a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 1792-4 du code civil ;

Attendu que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ;

Attendu que pour condamner la société Italiana Lastre SPA in solidum avec d'autres entreprises et leurs assureurs à indemniser le maître d'ouvrage et l'assureur dommages-ouvrage, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les plaques de couverture en fibro-ciment fabriquées par cette société présentaient une porosité supérieure à celle annoncée, vice qui rendait ce matériau inapte à sa destination, sans qu'un délai de prescription biennale puisse être opposé à l'EARL, et qu'au regard de la nature des plaques de couverture fournies par la société Italiana Lastre SPA et mises en oeuvre par le locateur d'ouvrage, de leur usage et du vice rendant le matériau inapte à sa destination, la responsabilité de celle-ci est fondée sur les règles de la responsabilité décennale ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que les éléments de couverture litigieux avaient fait l'objet d'une fabrication spécifique pour répondre aux besoins précis du bâtiment d'exploitation de l'EARL, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Italiana Lastre SPA à payer à la société Bonnet la somme de 9 200 euros in solidum avec d'autres entreprises et leurs assureurs et à payer à la société Groupama la somme de 1 496, 40 euros, et en ce qu'il a limité à la somme de 1 200 euros l'indemnisation de la société Bonnet au titre de ses frais vétérinaires et de médicaments, l'arrêt rendu le 2 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.