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Décisions

Cass. 3e civ., 19 novembre 1997, n° 95-13.656

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BEAUVOIS

Versailles, du 27 janv. 1995

27 janvier 1995

Attendu, selon l'arrêt attaqué (versailles, 27 janvier 1995), qu'en 1980, la Caisse nationale de prévoyance a acquis en l'état futur d'achèvement, un immeuble construit sous la maîtrise d'oeuvre de M. Y..., architecte, et le contrôle technique de la société Socotec, la société Bouygues ayant pris en charge le gros oeuvre et sous-traité le lot revêtement des sols et des murs à la société Reso, assurée auprès de la compagnie d'assurance Abeille;

que la société Desvres a fourni le carrelage, son support isolant et l'assistance technique;

que la réception des travaux ayant été prononcée le 15 juillet 1983, et des désordres étant apparus dans les carrelages des cuisines, des salles de bains et des sanitaires, la Caisse nationale de prévoyance, après désignation d'un expert, a assigné les constructeurs en réparation;

que la société Reso a appelé en garantie M. Y..., la Socotec, les sociétés Bouygues et Desvres ;

Attendu que la compagnie d'assurance Abeille fait grief à l'arrêt de déclarer la société Reso responsable des désordres affectant le carrelage des cuisines, alors, selon le moyen, "1°/ que dans ses rapports avec l'acquéreur de l'ouvrage, le sous-traitant n'est tenu qu'à raison de sa responsabilité délictuelle, pour faute prouvée;

qu'en condamnant la société Reso à réparer les désordres affectant le carrelage des cuisines pour avoir ignoré les prescriptions d'un avis technique qui conseillait l'utilisation, pour les revêtements de sol des cuisines, de carreaux de taille et d'épaisseur supérieures, en considérant que cette société, qui s'était bornée à poser le carrelage, ne pouvait se retrancher derrière les instructions qui lui avaient été données par d'autres participants à la construction, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil;

2°/ que, dans ses rapports avec l'acquéreur de l'ouvrage, le sous-traitant n'est tenu qu'à raison de sa responsabilité délictuelle, pour faute prouvée; 

qu'en condamnant la société Reso à réparer les désordres affectant le carrelage des cuisines, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette société, qui n'avait pas participé aux choix des carreaux litigieux et n'avait fait que suivre les instructions du fournisseur, de l'architecte et du contrôleur technique, ne pouvait se voir reprocher la moindre faute dès lors que la qualité de la pose des carrelages n'était pas discutée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil;

3°/ que l'arrêt attaqué qui constate que la société Reso n'intervenait qu'en qualité de poseur des carreaux mais ne les avait pas choisis et qui ne relève aucun défaut de mise en oeuvre ne pouvait lui imputer à faute d'avoir méconnu les prescriptions d'un avis technique relatif au choix des matériaux qui lui avaient été imposés, qu'il a donc violé l'article 138-2 du Code civil;

4°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Reso après avoir rappelé qu'elle n'intervenait qu'en qualité de poseur et n'avait participé aucunement au choix du procédé Isocol pas plus qu'au choix du carrelage avait fait valoir, qu'ainsi que le confirmait le rapport de l'expert, elle était soumise au contrôle de la société Bouygues entrepreneur principal, de M. Y..., architecte, de la société Socotec et, en ce qui concerne le procédé Isocol phonique bénéficiait de l'assistance technique de la société Desvres, fabricant dudit procédé;

qu'en omettant de rechercher si la société Reso étant étrangère au choix des matériaux sa responsabilité ne pouvait être engagée à tout le moins totalement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que la société Reso, qui avait posé le revêtement, ne pouvait se retrancher derrière les instructions qui lui avaient été données par d'autres participants à la construction, pour ignorer les prescriptions de l'avis technique concernant la dimension des carreaux des cuisines, la cour d'appel, qui a relevé que la société Reso n'avait pas rempli son devoir de conseil concernant le type des carreaux employés dans les cuisines, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de M. Y... et de la Mutuelle assurance des architectes français (MAF) :

Attendu que M. Y... et la MAF font grief à l'arrêt de retenir la responsabilité du sous-traitant, alors, selon le moyen, "que la responsabilité des constructeurs au titre de désordres soumis à la garantie biennale ne peut être recherchée postérieurement au délai de deux ans, courant à compter de la réception des travaux;

qu'il n'est pas contesté que les désordres affectant les carrelages des cuisines relèvent de la garantie biennale et qu'une action sur ce fondement serait prescrite;

qu'en admettant cependant que l'acquéreur de l'immeuble pouvait engager la responsabilité d'un sous-traitant pour les désordres affectant ces carrelages, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1792-3 et 2270 du Code civil" ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé, à bon droit, que l'action de la Caisse nationale de prévoyance à l'encontre du sous-traitant devait être fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle et retenu que ce sous-traitant avait commis une faute, cette action n'était pas soumise au délai de forclusion biennale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche et le second moyen du pourvoi provoqué de la société Reso :

Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1147 de ce Code ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de garantie contre les locateurs d'ouvrage et le fournisseur des carrelages, présentées par la société Reso, condamnée envers la Caisse nationale de prévoyance sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, in solidum avec son assureur à réparer l'ensemble des désordres des carrelages des cuisines, l'arrêt retient que des actions récursoires qui ne sont pas présentées contre des co-obligés ne sauraient être accueillies ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le sous-traitant condamné à réparation des désordres envers le maître de l'ouvrage dispose, à l'égard du maître d'oeuvre, de l'entrepreneur principal ou du fournisseur qui auraient concouru au dommage, d'actions en responsabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Reso de ses demandes en garantie à l'égard de M. Y... et des sociétés Socotec, Bouygues et Desvres, l'arrêt rendu le 27 janvier 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris,;

Condamne la Caisse nationale de prévoyance aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la Mutuelle des architectes français ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.