CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 19 novembre 2020, n° 18/24130
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lebée
Conseillers :
M. Malfre, M. Gouarin
Avocats :
Me Drai, Me Goutail
Par jugement du 7 avril 2010, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné solidairement M. X et Y (les époux X) à payer à la société Sygma Banque la somme de 69 281,61 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 7,48% sur la somme de 64 424,15 euros à compter du 15 septembre 2009 ainsi qu'une indemnité de procédure de 500 euros.
Par arrêt du 3 mai 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement et condamné les époux X aux dépens d'appel.
Les époux X se sont vus accorder des délais de paiement de leur dette à deux reprises, par jugements du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny des 21 novembre 2012 et 29 janvier 2015.
En exécution du jugement du 7 avril 2010 et de l'arrêt confirmatif du 3 mai 2012, la BNP Paribas Personal Finance (la banque) a fait pratiquer, le 13 avril 2018, une saisie par immobilisation du véhicule Renault Clio immatriculé CV-508-YF appartenant à Y et leur a fait délivrer, le 16 avril 2018, un commandement de payer en recouvrement de la somme de 69 052,33 euros en principal, frais et intérêts.
Par acte d'huissier du 15 mai 2018, les époux X ont fait assigner la banque devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins, notamment, de voir annuler le commandement et le procès-verbal d'immobilisation et de leur accorder des délais de paiement de 23 deux ans.
Par jugement du 30 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté la demande d'annulation du procès-verbal d'immobilisation et du commandement de payer et de mainlevée de l'immobilisation, retenu la créance de la banque à la somme de 65 150,26 euros au 6 juin 2018, rejeté la demande de délais de paiements formée par les époux X et condamné solidairement ceux-ci à payer à la banque la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration du 14 novembre 2018, les époux X ont interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 24 janvier 2020, les époux X demandent à la cour de réformer le jugement attaqué, statuant à nouveau, d'annuler le commandement de payer et le procès-verbal d'immobilisation de leur véhicule, d'ordonner la mainlevée de cette immobilisation, de dire que le créancier ne peut obtenir le règlement des intérêts échus sur les sommes dues en vertu du jugement depuis plus de cinq ans à la date de sa demande, d'enjoindre à la banque de produire un décompte expurgé de ces intérêts, de les autoriser à se libérer de leur dette éventuelle en 23 versements de 700 euros et un 24ème correspondant au solde, de dire que les versements ne produiront pas d'intérêts pendant le délai de grâce sauf intérêts au taux légal et de condamner l'intimée à leur payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 4 mars 2020, la banque, outre des demandes de «'donner acte'» ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de débouter les époux X de toutes leurs demandes, de dire et juger que les époux X lui restent devoir la somme de 65 150,26 euros arrêtée au 6 juin 2018, de dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée à réclamer le paiement des intérêts assortissant la décision exécutoire du 3 mai 2012 et de condamner solidairement ceux-ci à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.
Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.
SUR CE
Sur la qualité à agir de la banque
Comme l'a exactement retenu le premier juge, la BNP Paribas Personal Finance justifie, par la production des extraits K-bis des sociétés Sygma Banque, Laser Cofinoga et Laser, qu'elle vient valablement aux droits de la société Sygma Banque par l'effet d'opérations de fusion-absorption en date du 1er septembre 2015.
Sur la validité du procès-verbal d'immobilisation
Aux termes de l'article L. 223-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'huissier de justice chargé de l'exécution muni d'un titre exécutoire peut saisir le véhicule du débiteur en l'immobilisant, en quelconque lieu qu'il se trouve, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule. Le débiteur peut demander au juge la levée de l'immobilisation du véhicule.
Les époux X soutiennent que le procès-verbal d'immobilisation établi en leur absence est nul au motif que l'huissier instrumentaire ne leur a pas adressé la lettre prévue à l'article R. 223-9 du code des procédures d'exécution destinée à les informer de cette mesure d'immobilisation, la lettre produite n'étant adressée qu'à Y.
Cependant, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, il ressort du procès-verbal d'immobilisation établi le 13 avril 2018, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, qu'il a été procédé à l'immobilisation avec enlèvement du véhicule Renault Clio immatriculé CV-508-YF appartenant à la seule Y et qu'en l'absence de cette dernière lui a été adressée ce même jour une lettre simple conforme aux dispositions de l'article R. 223-9 du code des procédures civiles d'exécution, cette lettre étant produite par la banque.
En outre, la cour relève que l'envoi de cette lettre n'est pas prévu à peine de nullité par l'article R. 223-9 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur la validité du commandement de payer
Aux termes de l'article R. 223-10 du code des procédures civiles d'exécution, si le véhicule a été immobilisé pour obtenir le paiement d'une somme d'argent, l'huissier de justice signifie au débiteur, huit jours au plus tard après l'immobilisation, un commandement de payer qui contient à peine de nullité :
1º la copie du procès-verbal d'immobilisation ;
2º un décompte distinct des sommes réclamées, en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
3º l'avertissement qu'à défaut de paiement et passé le délai d'un mois pour vendre le véhicule à l'amiable conformément aux dispositions des articles R. 221-30 à R. 221-32, celui-ci est vendu aux enchères publiques ;
4º l'indication que les contestations sont portées, au choix du débiteur, devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure ou du lieu d'immobilisation du véhicule ;
5) la reproduction des articles R. 221-30 à R. 221-32.
En premier lieu, les appelants font valoir que la copie du procès-verbal d'immobilisation n'était pas jointe au commandement de payer du 16 avril 2018, que celui-ci mentionnait comporter «'deux feuilles'» et que cette omission leur a causé un grief en les empêchant de contester la mesure d'immobilisation.
Le premier juge a estimé qu'il ressortait du commandement litigieux que le commandement n'avait pu être remis au domicile de son destinataire le 16 avril 2018 et qu'il devait être retiré à l'étude de l'huissier instrumentaire, l'acte en deux feuillets ne constituant pas le commandement en lui-même mais l'avis de passage prévu à l'article 656 du code de procédure civile.
À supposer établie l'irrégularité de forme alléguée par les appelants, ceux-ci ne rapportent pas la preuve du grief qu'il en serait résulté au sens de l'article 114 du code de procédure civile, les époux X ayant été en mesure de contester la mesure d'immobilisation litigieuse.
En second lieu, les époux X soutiennent que le décompte ne mentionne aucun calcul précis des intérêts, se bornant à viser la somme de 33 532,85 euros pour la période du 15 septembre 2009 au 16 avril 2018, et que la banque ne saurait réclamer le règlement des intérêts échus sur les sommes dues en vertu du jugement plus de cinq ans à la date de sa demande.
La banque fait valoir que les intérêts réclamés ne sont pas prescrits car nés d'une décision judiciaire dont l'exécution peut être poursuivie pendant un délai de dix ans en vertu de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution et que ce délai de prescription a été valablement interrompu par les actes d'exécution forcée et les paiements effectués en vertu des délais de paiement accordés aux débiteurs.
Relevant à juste titre que l'erreur sur le montant des sommes réclamées n'entraînait pas la nullité de l'acte mais seulement l'éventuelle limitation de ses effets, le premier juge a considéré que le commandement de payer contenait un décompte distinguant les sommes réclamées au titre du principal, des frais et des intérêts ainsi que l'indication de ce que les intérêts avaient été calculés sur la base de 64 424,15 euros au taux de 7,48% pour la période du 15 septembre 2009 au 16 avril 2018 conformément au dispositif des décisions de justice dont il était poursuivie l'exécution.
Si, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article L. 218-2 du code de la consommation, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de deux ans avant la date de sa demande et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement avait été obtenu.
En l'espèce, la créance de la banque résulte d'un prêt personnel consenti à des particuliers et ayant pour objet le regroupement de plusieurs crédits, de sorte que la prescription biennale s'applique.
La banque justifie d'actes interruptifs de prescription au sens de l'article 2244 du code civil, à savoir la saisie-attribution pratiquée le 14 octobre 2012, celle pratiquée le 28 octobre 2013, le procès-verbal d'indisponibilité de véhicule du 8 mars 2018, le procès-verbal d'immobilisation de véhicule du 13 avril 2018 et le commandement de payer aux fins de vente du véhicule immobilisé du 16 avril 2018.
En outre, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a, par jugements rendus les 21 novembre 2012 et 29 janvier 2015, accordé aux époux X des délais de paiement d'une durée de 24 mois chacun, portant sur la créance de la banque en principal et en intérêts, lesquels délais de paiement ont donné lieu à des paiements valant reconnaissance par les débiteurs des droits de la banque sur ces sommes au sens de l'article 2240 du code civil, la dernière mensualité ayant été versée en février 2017.
Ainsi, la banque justifie que les intérêts qu'elle réclame ne sont pas prescrits.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la banque tendant à voir dire et juger que les époux X lui restent devoir la somme de 65 150,26 euros arrêtée au 6 juin 2018, la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution n'ayant pas le pouvoir de délivrer de titre.
Sur la demande de délais de paiement
C'est par une exacte appréciation de la situation respective des parties et des circonstances de la cause que le premier juge a rejeté la demande de délais de paiement formée par les époux X au regard des délais de grâce déjà obtenus à deux reprises, de l'ancienneté et de l'importance de la dette.
Succombant, les époux X seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, le principe d'une condamnation in solidum n'étant pas discuté.
Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne in solidum les époux X aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.