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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ., 29 novembre 2018, n° 18/01366

NÎMES

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blume

Conseillers :

Mme Hebrard, Mme Léger

Avocats :

Me Chamski, Me Carail

JEX Nîmes, du 23 mars 2018, n° 17/05184

23 mars 2018

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par arrêt du 6 juillet 2017, signifié le 24 juillet 2017, Z…, C… et A… ont été condamnés à payer diverses sommes sur le fondement d'un contrat de bail assorti d'un engagement de caution portant sur un immeuble à usage d'habitation consenti par Y… et X…, bailleresses.

Le 15 septembre 2017, ils ont été destinataires d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour la somme de 4.255,28 € puis le 29 septembre 2017 d'une dénonciation de procès-verbal de saisie-attribution pour la somme de 4.586,47€ et d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de leur véhicule.

Estimant que ces mesures d'exécution étaient abusives en l'état d'un accord de paiement survenu entre les parties, par exploit d'huissier de justice du 30 octobre 2017, Z…, B… et A… ont fait assigner Y… et X… devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de contestation de ces mesures.

Suivant jugement contradictoire du 23 mars 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nîmes, constatant que la mainlevée des mesures litigieuses avait été tardive, a condamné Y… et X… à payer à Z…, B… et A… la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Y… et X… ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 avril 2018.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2018, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens, elles demandent à la cour de déclarer irrecevable la demande de radiation, réformer le jugement du 23 mars 2018 en toutes ses dispositions, de débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'intégralité des dépens.

Elles font principalement valoir que le juge de l'exécution a été saisi par assignation du 30 octobre 2017 alors qu'à cette date la mainlevée de la saisie-attribution avait d'ores et déjà été effectuée.

Les appelantes estiment que les mesures d'exécution diligentées étaient légitimes et que les intimés n'ont subi aucun préjudice.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 août 2018, auxquelles il sera également renvoyé, les intimés demandent à la cour d'ordonner la radiation du rôle de l'affaire et de réformer partiellement le jugement du 23 mars 2018 et statuant à nouveau de débouter les appelantes de l'intégralité de leurs demandes, dire tardives la mainlevée de la saisie-attribution dénoncée le 29 septembre 2017 ainsi que la mainlevée de l'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Audi immatriculé EA-446-LJ, et de juger l'ensemble des mesures d'exécution forcée diligentées parfaitement abusives.

Ils sollicitent par ailleurs la condamnation des appelantes à leur payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie, la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

À titre liminaire, les intimés sollicitent la radiation de l'affaire au motif que le jugement, revêtu de plein droit de l'exécution provisoire, demeure partiellement inexécuté.

Ils révèlent qu'un accord de paiement a été régularisé le 28 septembre 2017, que le paiement intégral des sommes dues est intervenu le 19 octobre 2017 et que pour autant la saisie-attribution a perduré abusivement jusqu'au 6 décembre 2017.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 24 septembre 2018 et mise en délibéré au 29 novembre 2018.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de radiation du rôle sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile :

Aux termes de l'article 526 du code de procédure civile, le premier président ou dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessive ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

En l'espèce, le conseiller de la mise en état n'a pas été désigné au regard de la nature de l'affaire, laquelle a fait l'objet d'une fixation à bref délai sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile de sorte que seul le premier président pouvait être saisi d'une demande de radiation sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.

La demande de radiation présentée à la cour sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur l'abus de saisie :

Aux termes de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, les appelantes justifient avoir procédé le 24 juillet 2017 à la signification de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 6 juillet 2017 ayant solidairement condamné A…, C…, Z… et D… à leur payer la somme principale de 1139,16 €, outre la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles justifient également de la signification d'un commandement aux fins de saisie-vente aux débiteurs le 15 septembre 2017.

Les intimés se prévalent de l'inutilité des mesures d'exécution forcée pratiquées dans la mesure où D… s'était rapprochée de l'étude d'huissier pour proposer un paiement échelonné de l'intégralité de la dette, lequel a été accepté le 28 septembre 2017.

Dans la mesure où la condamnation prononcée était solidaire et où l'accord de paiement avait été conclu seulement à l'égard d'un débiteur et non de l'ensemble des débiteurs concernés, cet accord n'empêchait nullement les créanciers de diligenter des mesures d'exécution à l'égard des autres débiteurs. Les intimés sont ainsi mal fondés à se prévaloir du caractère abusif et injustifié des mesures d'exécution forcées engagées par l'huissier.

Un procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé à la caisse d'épargne et de prévoyance Languedoc-Roussillon le 28 septembre 2017 concernant les comptes bancaires ouverts dans ses livres au nom de Z…, A… et C… et régulièrement dénoncé aux débiteurs le 29 septembre 2017.

Contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, les appelantes justifient d'un procès-verbal de mainlevée de saisie-attribution établi le19 octobre 2017 régulièrement signifié à la banque par voie dématérialisée valant remise à personne aux termes duquel il a été ordonné mainlevée pure et simple, entière et définitive de la saisie-attribution signifiée le 28 septembre 2017.

La validité de ce procès-verbal ne saurait être remise en cause par la production d'un simple message électronique adressé le 8 novembre 2017 par un employé de la banque à B… indiquant que l'établissement bancaire n'avait toujours pas été destinataire de la mainlevée de l'huissier.

Il est ainsi établi que la mainlevée de la mesure de saisie-attribution a été ordonnée le 19 octobre 2017, soit le jour de l'extinction de la dette intégralement réglée par D… et qu'à la date de délivrance de l'assignation devant le juge de l'exécution intervenue le 30 octobre 2017, la mainlevée de la saisie-attribution avait ainsi été ordonnée.

Aucune tardiveté ni abus dans la réalisation de cette saisie n'est ainsi caractérisée.

Un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation a également été signifié à la préfecture du Gard le 28 septembre 2017 concernant le véhicule Audi A6 immatriculé

EA-446-LJ appartenant à C…Z… lequel a été dénoncé à sa propriétaire le 29 septembre 2017. Il résulte ainsi de cette chronologie qu'à la date de cette mesure, la dette n'avait pas été réglée de sorte qu'aucun abus n'est caractérisé. Si la mainlevée de la mesure a été effectuée le 9 novembre 2017, il doit être observé que la mesure pratiquée n'était pas une saisie par immobilisation du véhicule mais une saisie par déclaration auprès de l'autorité administrative sur le fondement des articles L. 223-1 et R. 223-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution de sorte que la propriétaire n'a nullement été privée d'un préjudice de jouissance de son véhicule pendant la durée de la mesure.

Le maintien de cette mesure pendant un délai de vingt jours à compter du paiement de la dette par un co-débiteur ne saurait ainsi caractériser un abus de saisie susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de dommages et intérêts en l'absence de tout préjudice subi par la propriétaire du véhicule.

La décision déférée sera ainsi intégralement infirmée et les intimés seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour abus de saisie.

Sur les autres demandes :

Les appelantes sollicitent la condamnation des intimés au paiement de la somme de 2000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il est cependant constant que le droit d'ester en justice ne dégénère en abus que dans l'hypothèse d'une intention de nuire équipollente au dol, nullement caractérisée en l'espèce de sorte que la demande des appelantes ne saurait prospérer de ce chef et sera en conséquence rejetée.

Succombant à l'instance, les intimés seront condamnés à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel, in solidum, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Ils seront déboutés de leur prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'ils succombent à l'instance.

L'équité commande en l'espèce de ne faire aucune application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les appelantes seront ainsi également déboutées de leur prétention de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant après en avoir délibéré par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la demande de radiation ;

Infirme la décision déférée dans l'intégralité de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute Z…, C… et madame A… de l'intégralité de leurs prétentions ;

Déboute X… et Y… de leur demande de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Z…, C… et A… à régler les entiers dépens de première instance et d'appel.