Livv
Décisions

CA Montpellier, 1re ch. D, 3 novembre 2016, n° 15/08241

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Norrsken Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

Mme Conté, M. Jouve

JEX Perpignan, du 19 oct. 2015, n° 15/02…

19 octobre 2015

EXPOSE DU LITIGE :

À la suite d'incidents de paiement survenus dans le cadre d'un crédit revolving accordé par la SA NORRSKEN FINANCE à Madame X, l'organisme de crédit a obtenu à l'encontre de sa cliente, le 26 février 2015, une ordonnance d'injonction de payer la somme de 2 122,29 €.

Le 6 mai 2015, la créancière a fait signifier à sa débitrice son titre revêtu de la formule exécutoire ainsi qu'un commandement aux fins de saisie-vente.

Le 15 mai 2015, elle lui a fait délivrer un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule automobile de marque Citroën type C4 Picasso, immatriculé BE 291 TG.

Par exploit en date du 11 juin 2015, Madame X a attrait l'organisme financier devant le juge de l'exécution des peines de Perpignan.

Lequel, par jugement contradictoire en date du 19 octobre 2015, a :

- débouté la requérante de l'intégralité de ses prétentions,

- déclaré bien-fondé le procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation du véhicule automobile Citroën type C4 Picasso immatriculé BE 291 TG délivré entre les mains de la préfecture des Pyrénées orientales 6 mai 2015,

- condamné la requérante à payer à son adversaire la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,

- condamné la requérante aux dépens d'instance,

- constaté que la requérante est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

APPEL :

- Madame X qui a interjeté appel le 6 novembre 2015, a notifié des conclusions par voie électronique le 12 janvier 2016.

- La SA NORRSKEN FINANCE a notifié ses conclusions par voie électronique le 22 février 2016,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2016.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame X qui conclut à l'infirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions, sollicite :

- que sa contestation soit déclarée bien-fondée,

- que le véhicule Citroën soit déclaré insaisissable,

- la mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule en date du 15 mai 2015,

- la condamnation de la partie intimée à lui payer la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,

- la condamnation de la partie intimée aux entiers dépens.

La SA NORRSKEN FINANCE sollicite :

- la confirmation du jugement toutes ses dispositions,

- la condamnation de la partie appelante à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de la partie appelante aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.

Sur le caractère insaisissable du véhicule :

L'article L. 112-1 du Code des procédures civiles d'exécution indique que : Ne peuvent être saisis :

5° Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat et sous réserve du 6° ...

Madame X qui sollicite le bénéfice de l'application de ces dispositions, soutient la nécessité qui est la sienne d'utiliser son véhicule personnel pour les besoins de son emploi dans la mesure où elle exerce, à temps complet, la profession d'assistante maternelle pour le compte de la municipalité de Perpignan, au sein du service petite enfance.

A l'appui de sa prétention qui est contesté par la société intimée, elle produit notamment deux attestations rédigées par les directrices successives de la crèche du Moyen Vernet ainsi que celle établie par une de ses collègues, Madame Y. Concernant les deux premiers documents, s'il exact comme le relève le premier juge, qu'ils ne respectent pas complètement le formalisme requis par l'article 202 du Code de procédure civile, il convient néanmoins, ces prescriptions n'étant pas édictées à peine de nullité, de ne pas les écarter, leur valeur probante n'étant pas altérée par les irrégularités constatées.

Il résulte de l'examen de ces pièces ainsi que du contrat de travail et d'une attestation d'assurance produite contradictoirement en cours de délibéré à la demande de la Cour que l'intéressée dans le cadre de ses fonctions se voit confier la garde, à son domicile, de plusieurs enfants qu'elle a par ailleurs l'obligation de conduire régulièrement non seulement à la crèche dont elle dépend pour participer à certaines activités d'éveil mais aussi sur d'autres lieux comme la ludothèque. Ces déplacements doivent s'effectuer en voiture, l'usage des transports en commun étant dans ce cas proscrit par l'employeur pour des raisons de sécurité. Une assurance responsabilité civile et une assurance automobile couvrant le transport d'enfants sont obligatoires et il est justifié de leur souscription auprès de la GMF.

Le Citroën type C4 Picasso dont il n'est pas contesté par la partie adverse qu'il est utilisé à cette fin, se révèle donc nécessaire à l'exercice de la profession de l'appelante et relève donc du champ d'application de l'article L. 112-1 du Code des procédures civiles d'exécution.

Sur la nature de la mesure contestée :

La SA NORRSKEN FINANCE soutient à tort que l'article L. 112-1 du Code des procédures civiles d'exécution n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce car la mesure contestée consiste en une saisie sans dépossession par déclaration à la préfecture qui interdit simplement toute possibilité de mutation de la carte grise et ne prive en rien la propriétaire de l'utilisation de son véhicule.

En effet, l'absence de dépossession matérielle que suppose la procédure litigieuse d'immobilisation du certificat d'immobilisation ne suffit pas à conférer juridiquement un caractère conservatoire à cette saisie qui est indiscutablement une mesure d'exécution.

C'est manifestement l'intention du législateur qui en a réglementé les modalités dans le cadre des dispositions des articles R. 223-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution placés dans la section première du chapitre III intitulé Les mesures d'exécution sur les véhicules terrestres à moteur du titre premier du livre deuxième intitulé Les procédures d'exécution mobilière alors que les mesures conservatoires sont régies par le titre cinquième intitulé Les mesures conservatoires.

Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Aucune considération d'équité n'impose qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

En l'état de l'infirmation totale de la décision querellée, la SA NORRSKEN FINANCE qui succombe, supportera les entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement,

- reçoit l'appel de Madame X,

- infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau ,

- rappelle que la procédure d'immobilisation du certificat d'immobilisation d'un véhicule régie par les articles R 223-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution, est une mesure d'exécution forcée,

- constate que le véhicule Citroën type C4 Picasso immatriculé BE 291 TG appartenant à Madame X est insaisissable,

- ordonne la mainlevée du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Citroën type C4 Picasso immatriculé BE 291 TG établi le 15 mai 2015,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la SA NORRSKEN FINANCE aux entiers dépens de l'instance.