CA Colmar, 3e ch. civ. A, 15 juin 2009, n° 08/03878
COLMAR
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rastegar
Conseillers :
M. Daeschler, Mme Weber
Avocat :
Me Schneider
Vu le rapport ;
Les époux Alexandre X... - Marie-Christine FISCHER épouse Hummel sont en instance de divorce. Ils ont acquis en 1997 un terrain à Ichtratzein sur lequel ils ont construit une maison devenue le logement familial en souscrivant solidairement trois crédits immobiliers auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg-Bourse par actes sous seing privé. Les prêts étaient garantis par un cautionnement de la Mutuelle de la Police.
L'ordonnance de non-conciliation en date du 12 janvier 2007 a précisé que le domicile conjugal est attribué à MMe X... et chaque partie supportera la moitié des dettes communes et crédits. A la suite d'un désaccord des époux sur la valeur de l'immeuble et la soulte à payer par M. X... à son épouse, la mère de l'épouse, Mme Marie-Louise Y... née Bury a accepté de régler les montants dus à la banque dans le cadre d'une cession de créance.
Celle-ci en date du 4 avril 2007 a été reçue par acte authentique par devant Me Garnier, notaire à Schiltigheim, auquel est intervenu Mme Marie-Christine Fischer, et a porté sur les trois crédits immobiliers remboursables mensuellement, garantis par un cautionnement et dont le montant en principal du solde porte sur 55 959,73 : la cession de créance comporte subrogation au titre de la créance et le bénéfice du cautionnement. La cession de créance a été signifiée à M. X.... Des mesures d'exécution forcée ont été entreprises par Mme Y... Marie-Louise à l'encontre de son gendre M. X....
Par assignation du 24 octobre 2007, M. Alexandre X... a fait citer Mme Marie-Louise Y..., qui est sa belle-mère devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Schiltigheim notamment aux fins de voir prononcer la nullité et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à la requête de Mme Y... par l'intermédiaire de Me Irion, huissier de justice, le 12 octobre 2007 et dénoncée le 17 octobre 2007. Il a par la suite également contesté un procès-verbal d'indisponibilité de son véhicule.
M. X... a notamment fait valoir que l'acte de cession de créance établi par Me Garnier, notaire, le 4 avril 2007, fondant la saisie-attribution lui est inopposable et ne saurait constituer un titre exécutoire à son encontre, la formule exécutoire intégrant cet acte ne pouvant lui être opposée.
Par jugement contradictoire du 17 juin 2008, le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Schiltigheim a constaté que Mme Marie-Louise Y... née Bury était subrogée dans les droits et actions de la CCM Strasbourg-Bourse à l'encontre des époux Hummel - Fischer et il a en conséquence, déclaré valable la procédure de saisie-attribution, débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes et condamné ce dernier outre aux dépens, à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg-Bourse (non partie à la procédure) un montant de 500au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Alexandre X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour le 29 juillet 2008.
Par conclusions d'appel visées le 11 septembre 2008, il conclut à l'infirmation du jugement demandant de constater que l'acte de cession de créance notarié du 4 avril 2007 ne constitue pas un titre exécutoire permettant de procéder à l'exécution forcée.
Il conclut de ce fait à la nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 12 octobre 2007 et du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Kawasaki immatriculé 888 AGN 67, demandant d'en ordonner la mainlevée, sollicitant de plus 1000à titre de dommages-intérêts et 2500au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Marie-Louise Y..., régulièrement assignée par acte d'huissier du 25 septembre 2008 remis à sa personne n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire conformément aux dispositions des articles 473 et 749 du code de procédure civile.
MOTIFS
Vu les pièces de la procédure et les pièces annexes ;
Le procès-verbal de saisie-attribution délivré le 12 octobre 2007 à la Caisse de Crédit Mutuel Strasbourg-Bourse par Me Irion, huissier de justice, a été dénoncé à M. X... le 17 octobre 2007. Sa contestation formée devant le juge de l'exécution dans le délai d'un mois à compter de la signification de la dénonciation, et ayant été régulièrement dénoncée à Me Irion, huissier de justice, par courrier recommandé du 24 octobre 2007 conformément aux dispositions de l'article 66 du décret du 31 juillet 2002 est recevable.
L'exigence d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible est la condition nécessaire à l'exécution forcée des biens du débiteur (article 2 de la loi du 9 juillet 1991). Toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d'un titre exécutoire à l'encontre de la personne même qui doit exécuter.
Aux termes de l'article 42 de la même loi, 'tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent'.
En l'espèce, la saisie-attribution du 12 octobre 2007 a été effectuée par Me Irion, huissier de justice à Schiltigheim entre les mains de la CCM pour avoir paiement par M. X... d'un montant de 27 979,86en principal en vertu 'd'un acte de cession de créance signifié le 7 mai 2007 qui fait suite à une ordonnance de non-conciliation du 12 janvier 2007 munie de la clause exécutoire'.
A la liste des titres exécutoires prévue par l'article 3 de la loi du 9 juillet 1991, s'ajoutent en Alsace Moselle, les actes notariés si les deux conditions suivantes sont remplies :
- l'acte doit comporter la mention que le débiteur se soumet à l'exécution forcée immédiate ;
- il doit porter sur le versement d'une somme d'argent déterminée.
En l'espèce, la cession de créance du 4 avril 2007 entre la CCM, cédant, et Mme Marie-Louise Bury, cessionnaire, par acte de vente devant Me Garnier, notaire à Schiltigheim et à laquelle n'a pas participé M. X..., est bien opposable à ce dernier dès lors qu'elle lui a été signifiée, conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, le 7 mai 2007. En revanche, elle ne constitue pas pour autant à son encontre un titre exécutoire permettant une exécution forcée.
L'acte de cession de créance entre la CCM et Mme Bury comporte certes une mention selon laquelle 'pour toutes les obligations liquides, déterminées, certaines et exigibles en vertu du présent contrat et auxquelles les parties se sont engagées, celles-ci se soumettent à l'exécution forcée immédiate prévue par le code de procédure civile local'. Or, par hypothèse, M. X... qui n'a pas été partie à cette convention, ne s'est pas soumis à l'exécution forcée immédiate. La signification de la cession de créance est à cet égard sans incidence. Mme Y... née Bury, ne peut se prévaloir d'aucun titre exécutoire contre M. X... lui-même. C'est donc à juste titre que M. X... soutient que l'acte de cession, même signifié ne peut être considéré comme un titre exécutoire.
Il ne résulte pas non plus des pièces versées aux débats et notamment de l'acte de cession de créance que la CCM, créancier initial disposait elle-même d'un titre exécutoire, et d'ailleurs aucune affectation hypothécaire n'a été consentie.
La cession de créance qui transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, conformément à l'article 1692 du code civil n'a ainsi pu transférer aucun titre exécutoire.
Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible contre M. X..., Mme Marie-Louise Y... ne pouvait faire pratiquer une saisie-attribution de sorte que celle-ci doit être annulée et il en sera donné mainlevée. Le jugement est infirmé en ce sens.
S'agissant du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Kawasaki immatriculé 888 AGN 67 délivré en préfecture par acte de Me Irion du 3 janvier 2008, dénoncé à M. X... le 9 janvier 2008, cette saisie est également fondée sur l'acte de cession de créance précité qui ne constitue pas un titre exécutoire permettant l'exécution forcée sur les biens de M. X..., alors qu'un tel titre est requis par l'article 57 de la loi du 9 juillet 1991. La saisie par déclaration à la préfecture doit donc être annulée et il en sera donné mainlevée, étant observé que le jugement déféré n'a pas expressément statué sur les demandes au titre de cette saisie, qui figuraient dans les conclusions du 5 février 2008 visées par le jugement.
Les mesures d'exécution forcée sans titre exécutoire envers M. X... justifient l'octroi d'un montant de 1000 à titre de dommages-intérêts étant souligné qu'en raison de la saisie-attribution pratiquée, un solde créditeur de compte de 2781a été bloqué.
Le jugement est infirmé également en ce qu'il a condamné M. X... aux dépens, ceux-ci devant être mis à la charge de Mme Y..., y compris les frais de saisies.
Il sera alloué à M. X... un montant de 1500au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
ORDONNE la nullité de la saisie-attribution du 12 octobre 2007 entre les mains de la CCM Strasbourg-Bourse, ainsi que du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation du véhicule Kawasaki 888 AGN 67 du 3 janvier 2008 dénoncé le 9 janvier 2008 ;
ORDONNE la mainlevée des saisies précitées ;
CONDAMNE Mme Marie-Louise Y... née Bury à payer à M. Alexandre X... un montant de 1000 (mille euros) à titre de dommages-intérêts ;
CONDAMNE Mme Marie-Louise Y... née Bury aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de saisies ;
La CONDAMNE à payer à M. Alexandre X... un montant de 1500 (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.