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Décisions

CA Bordeaux, 5e ch. civ., 18 mars 2009, n° 08/01927

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Miori

Conseillers :

Mme Bowie, M. Lagriffoul

Avoués :

SCP Boyreau & Monroux, SCP Labory-Moussie & Andouard, SCP Casteja-Clermontel & Jaubert

Avocats :

Me Pellier-Artis, Me Roset, Me Maxwell

JEX Bordeaux, du 18 mars 2008, n° 08/106…

18 mars 2008

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS :

Madame X a, par acte d'huissier en date du 7 janvier 2008, fait procéder à une saisie attribution entre les mains du Crédit Coopératif pour obtenir le paiement de la somme de 2.967,76 euros qui lui est due par Monsieur Y en vertu d'un jugement juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux du 15 novembre 2007.

Le procès-verbal de saisie attribution a été dénoncé à Monsieur Y par acte d'huissier en date du 10 janvier 2008.

Un procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation d'un véhicule appartenant à Monsieur Y a également été délivré le 4 janvier 2008, sur le même fondement, et dénoncé à Monsieur Y le 10 janvier 2008.

Par acte d'huissier en date du 8 février 2008, Monsieur Bottin a fait assigner Madame X et la SCP Perriquet Barreneche Crespy devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir prononcer la nullité des deux mesures d'exécution forcées susvisées.

Par jugement en date du 18 mars 2008, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- prononcé l'annulation de la saisie attribution et du procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation,

- constaté que la SCP Perriquet Barreneche Crespy offrait de rembourser les frais bancaires générés par la saisie attribution sur justificatifs,

- débouté Monsieur Y de ses autres demandes,

- débouté Madame X de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame X a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 1er avril 2008.

Madame X a signifié et déposé ses dernières conclusions le 23 janvier 2009. Elle demande :

- la réformation du jugement entrepris,

- le débouté des demandes de Monsieur Y et de la SCP Perriquet Barreneche Crespy,

- la condamnation de Monsieur Y à lui payer la somme de 2.000 ?à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 1.000 ?au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement, le débouté des demandes de Monsieur Y et de la SCP Perriquet Barreneche Crespy,

- la condamnation de la SCP Perriquet Barreneche Crespy à lui payer la somme de 2.000 ?à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1.000 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir que :

- la non-énonciation du titre exécutoire dans les actes de saisie et valant saisie ne peut constituer une nullité faisant grief à Monsieur Y en vertu des articles 114 du code de procédure civile et 165 du décret du 31 janvier 1992,

- les poursuites sont fondées sur un titre exécutoire régulier constitué par l'arrêt prononcé par cette cour le 14 juin 2007 qui a condamné Monsieur Y au paiement d'une contribution aux charges du mariage dont il ne s'est pas acquitté,

- l'appel du jugement du 15 novembre 2007 par Monsieur Y qui l'a débouté de sa demande de suppression de la contribution, ne supprime pas en l'état sa dette,

- elle a subi un important préjudice moral et financier en raison du comportement de son époux,

- Monsieur Y ne subit aucun préjudice puisqu'il n'a pas payé les sommes dues et qu'il n'a pas été privé de la jouissance de son véhicule,

- la SCP Perriquet Barreneche Crespy a manqué à son devoir de vérification de la régularité de la procédure qui lui avait été requise.

Monsieur Y a signifié et déposé ses conclusions le 22 décembre 2008. Il demande :

- la confirmation partielle du jugement entrepris en ce qu'il a annulé les deux mesures d'exécution forcée, dit que les frais afférents à ces mesures annulées resteront à la charge de leur auteur et constaté que la SCP Perriquet Barreneche Crespy offrait de rembourser les frais bancaires générés par la saisie attribution,

- la réformation pour le surplus du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes,

- qu'il soit dit et jugé que Madame X et la SCP Perriquet Barreneche Crespy ont commis deux abus de saisie,

- qu'il soit dit et jugé que la SCP Perriquet Barreneche Crespy a commis plusieurs fautes de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle,

- la condamnation in solidum de Madame X et la SCP Perriquet Barreneche Crespy à lui payer la somme de 2.000 ?en réparation de son préjudice moral,

- l'irrecevabilité du moyen de Madame X fondé sur l'article 114 du du code de procédure civile au motif qu'il s'agit d'une prétention nouvelle au sens de l'article 546 du code de procédure civile,

- la condamnation de Madame X à lui payer la somme de 2.000 ?à titre de dommages et intérêts pour appel abusif sur le fondement de l'article 581 du code de procédure civile,

- la condamnation in solidum de Madame X et de la SCP Perriquet Barreneche Crespy à lui payer une somme de 3.000 ?au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement, le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour sur l'appel interjeté par Monsieur Y à l'encontre du jugement du 15 novembre 2007.

Monsieur Y fait valoir que :

- les saisies litigieuses sont nulles en vertu des articles 42, 57 et 58 de la loi du 9 juillet 1991 et 55, 56 et 165 du décret du 31 juillet 1992 puisqu'elles ne reposent pas sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible,

- la nullité constitue une irrégularité substantielle conditionnant la validité même de l'acte

- le grief résulte de la gravité du vice et de l'atteinte à son droit de propriété,

- la responsabilité de Madame X pour abus de saisie est encourue sur le fondement de l'article 22 de la loi du 9 juillet 1991,

- la responsabilité de la SCP Perriquet Barreneche Crespy est encourue sur le fondement de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire pour abus de saisie en l'absence d'un titre exécutoire et sur celui des articles 1382 et 1383 du code civil.

La SCP Perriquet Barreneche Crespy a signifié et déposé ses conclusions le 13 janvier 2009. Elle demande :

- le débouté de Monsieur Y et de Madame X de leurs demandes formées à son encontre,

- la confirmation du jugement entrepris,

la condamnation in solidum des époux Bottin à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP Perriquet Barreneche Crespy fait valoir que :

- l'erreur matérielle contenue dans les actes qu'elle a délivrés était susceptible d'affecter la validité intrinsèque des mesures d'exécution querellées,

- elle a immédiatement donné mainlevée de la saisie attribution et dressé un nouveau procès-verbal d'indisponibilité remplaçant et annulant le précédent à réception de l'assignation et elle a offert de conserver à sa charge les frais afférents à ces mesures et de rembourser à Monsieur Y les frais bancaires générés par la saisie attribution sur justificatifs,

- le juge de l'exécution est incompétent pour connaître d'une action en responsabilité du créancier mandant envers l'huissier mandataire, cette action relevant de la compétence du juge de proximité bordelais eu égard au montant de la demande,

- les demandes de Madame X à l'encontre de l'étude sont mal fondées en l'absence de préjudice,

- les mesures d'exécution n'étaient pas illégitimes ni abusives et Monsieur Y n'a subi aucun préjudice.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 janvier 2009.

MOTIFS DE L'ARRET :

Sur la nullité des deux actes de saisie litigieux :

Aux termes des articles 56 et 165 du décret du 31 juillet 1992, l'acte de saisie attribution et le procès-verbal d'indisponibilité de certificat d'immatriculation d'un véhicule doivent contenir, à peine de nullité, l'énonciation du titre exécutoire en vertu desquels ces actes de poursuite sont pratiqués.

Il ressort des deux procès-verbaux de saisie attribution en date du 7 janvier 2008 et d'indisponibilité du certificat d'immatriculation d'un véhicule établi le 4 janvier 2008 que ces actes de recouvrement forcé ont été diligentés au visa d'un titre exécutoire consistant en un jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 15 novembre 2007 pour avoir le paiement de sommes dues par Monsieur Y au titre d'une pension alimentaire.

Il est cependant établi que ce jugement, qui a débouté Monsieur Y de sa demande de suppression de la contribution aux charges du mariage et dont l'appel est pendant, ne pouvait constituer le titre exécutoire justifiant les saisies pratiquées alors même que la contribution aux charges du mariage due par Monsieur Y à son épouse avait été fixée par un arrêt de la Cour en date du 14 juin 2007.

Cette erreur d'énonciation du titre exécutoire valable, contenue dans les deux procès-verbaux de saisie litigieux constitue donc une cause de nullité desdits actes de procédure.

Selon les articles 649 et 114 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de justice est une nullité de forme à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

En l'espèce, les actes de procédure litigieux, fondés sur un titre exécutoire non valable, ont entraîné pour Monsieur Y l'indisponibilité de ses biens, portant ainsi atteinte à son droit de propriété.

La nullité des deux procès-verbaux de saisie attribution et d'indisponibilité de certificat d'immatriculation d'un véhicule doit donc être prononcée nonobstant le fait que Madame X disposait par ailleurs d'une décision de justice exécutoire de nature à lui permettre de recourir au recouvrement forcé de sa créance alimentaire.

Sur la demande de dommages et intérêts de Madame X à l'encontre de Monsieur Bottin :

Madame X n'est pas fondée à demander la condamnation de Monsieur Y au paiement de dommages et intérêts au regard de l'important préjudice financier et moral résultant du comportement de son époux à son égard alors que les actes de poursuite diligentés à son initiative sont annulés et alors qu'il lui appartient de recourir le cas échéant à de nouvelles mesures de recouvrement forcé régulières et valables pour avoir paiement de sa créance.

Sur la demande subsidiaire de Madame X à l'encontre de la SCP Perriquet Barreneche Crespy

Madame X recherche la responsabilité de la SCP Perriquet Barreneche Crespy sur le fondement de l'exécution fautive du mandat qu'elle lui avait confié pour l'exécution des deux procédures de saisie.

Cependant cette action de nature contractuelle excède les pouvoirs du juge de l'exécution alors que, aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, les actions en réparation dont le juge de l'exécution a à connaître de manière exclusive sont de nature délictuelle.

Madame X qui est ainsi dépourvue d'action de ce chef devant le juge de l'exécution, est donc irrecevable en sa demande sans qu'il y ait lieu de renvoyer la cause devant la juridiction qui aurait dû être saisie, les dispositions de l'article 95 du code de procédure civile n'étant pas applicables dans la présente procédure devant le juge de l'exécution.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts de Monsieur Bottin à l'encontre de Madame X et de la SCP Perriquet Barreneche Crespy

Monsieur Y a subi un préjudice certain du fait de la mise en oeuvre des saisies diligentées à l'encontre de ses biens.

Il convient cependant de relever qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de Madame X alors que, étant créancière de son mari en vertu d'une décision de justice exécutoire, sa tentative de recouvrement forcé de sa créance alimentaire ne peut être considérée comme abusive, et alors que la nullité des actes de saisie est imputable à l'erreur commise dans leur rédaction par son mandataire, huissier de justice ayant le monopole de la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution forcée en vertu des articles 18 et 19 de la loi du 9 juillet 1991.

La demande reconventionnelle à l'encontre de Madame X doit donc être rejetée.

Par ailleurs, si la responsabilité délictuelle de la SCP Perriquet Barreneche Crespy à l'égard de Monsieur Y est établie sur le fondement de l'article 1382 du code civil, Monsieur Y ne justifie pas en premier lieu de la réalité d'un préjudice moral résultant de la nullité des saisies pratiquées alors même que, au moment où ces poursuites ont été engagées, il était débiteur a minima, selon ses propres écritures, de la contribution pour le mois de décembre 2007 qu'il n'a réglée que le 30 janvier 2008 de sorte que l'engagement d'actes d'exécution forcée à son encontre ne pouvait présenter un caractère abusif.

D'autre part, il est établi que la SCP Perriquet Barreneche Crespy a, dès réception de l'assignation par laquelle elle a eu connaissance de son erreur de rédaction des actes litigieux, donné mainlevée de la saisie attribution et dressé un nouveau procès-verbal d'indisponibilité remplaçant et annulant le précédent.

Enfin, il y a lieu de constater que la SCP Perriquet Barreneche Crespy a offert à Monsieur Y de conserver à sa charge les frais afférents aux actes de saisie annulés et de rembourser, sur présentation des justificatifs, les frais bancaires supportés par Monsieur Y du fait de la saisie attribution irrégulière.

Ces mesures de réparation du préjudice économique de Monsieur Y, offertes par la SCP Perriquet Barreneche Crespy et reprises dans le jugement entrepris, apparaissent dans ces conditions satisfactoires et Monsieur Y sera débouté du surplus de sa demande de dommages et intérêts non justifié.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts de Monsieur Y à l'encontre de

Madame X pour appel abusif.

Le seul fait pour Madame X de faire valoir ses droits devant la Cour est insuffisant à établir le caractère abusif de son appel alors même que l'annulation des actes de poursuite n'est pas du fait de l'appelante.

Monsieur Y doit donc être débouté de ce chef.

Sur les frais irrépétibles :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser les frais irrépétibles à la charge de chacune des parties.

Par ces motifs

Confirme le jugement entrepris.

Y ajoutant :

Déboute Monsieur Y de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Madame Bottin pour appel abusif.

Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Madame Martine Lyannas épouse Bottin au paiement des dépens d'appel dont distraction en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.