CA Riom, 1re ch. civ., 9 juin 2020, n° 18/01914
RIOM
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Ici Immo's Fever (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Marcelin
Conseillers :
M. Acquarone, Mme Bedos
Avocats :
Me Giraud, Me Bloch
EXPOSÉ DES FAITS DE LA PROCÉDURE ET DES MOYENS DES PARTIES :
Par acte notarié en date du 31 janvier 2006, X… a acquis un bien immobilier, composé de deux maisons d'habitation, situé à l'angle du 4 rue Félix Mizon et du Four Banal à Gannat (03) par le biais d'un crédit immobilier de 108.104,00 euros souscrit auprès du CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE, avec hypothèque conventionnelle de 108.104,00 euros au profit du prêteur.
Le 10 février 2014, X… a donné mandat exclusif à la Société à Responsabilité Limitée ICI IMMO'S FEVER aux fins de vendre son bien immobilier aux prix de 99.000 euros, rémunération du mandataire comprise, soit 13.000 euros, pour une durée de 9 mois.
Par acte d'huissier en date du 13 novembre 2016, la SARL ICI IMMOS'FEVER a fait assigner X… en paiement de la somme de 13.000 euros devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand qui, par jugement rendu le 06 septembre 2018 a :
- débouté X… de sa demande tendant à voir déclarer nul le mandat en date du 10 février 2014,
- condamné X… à verser à la société ICI la somme de 13.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté X… de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné X… à verser à la société ICI la somme 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné X… aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration électronique en date du 27 septembre 2018, X… a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- débouté X… de sa demande tendant à voir déclarer nul le mandat en date du 10 février 2014,
- condamné X… à verser à la société ICI la somme de 13.000 € à titre de dommages-intérêts,
- débouté X… de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,
- condamné X… à verser à la société ICI la somme de 800 € sur le fondement de l'articIe 700 du code de procédure civile,
- condamné X… aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions déposées par voie électronique le26 décembre 2018, X… demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 6 septembre 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND,
- Débouter la Société ICI de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Dire que la Société ICI a manqué à ses obligations,
- Condamner la Société ICI à payer et porter à X… les sommes de 13.000 € à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice par lui subi et 1.500,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le cabinet ICI aux entiers dépens qui comprendront ceux de Maître Sophie GIRAUD, avocat, sur son offre de droit.
A l'appui de ses prétentions, X…, qui ne soutient plus que le mandat est nul, fait valoir que la société ICI, qui ne pouvait ignorer sa situation financière catastrophique, n'a pas respecté ses obligations dès lors que les modalités de l'offre de paiement du prix de vente créaient un réel déséquilibre entre les intérêts du vendeur et ceux des acquéreurs. Il rappelle que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, ce que n'a pas respecté la société qui n'a pas hésité à faire signer un mandat contraire à l'intérêt de son propre mandant et à demander une commission de 13% du prix de vente.
Il ajoute qu'il a perdu neuf mois pendant lesquels il a continué de payer son crédit, étant privé de toute possibilité de vendre son bien pendant cette période, eu égard à l'exclusivité, et que ses deux maisonnettes se sont dégradées, étant inhabitées.
Par conclusions déposées par voie électronique le 20 mars 2019, la société ICI demande à la cour de confirmer la décision rendue par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand et de condamner X… à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société ICI expose qu'elle a parfaitement rempli la mission qui lui a été confiée et effectuant de la publicité pour la vente de ces maisons, en les faisant visiter à plusieurs reprises et en trouvant des acquéreurs potentiels intéressés par le paiement échelonné proposé par X…. Elle ajoute qu'elle ignorait l'existence de l'hypothèque, et la vente n'a échoué qu'en raison de cette circonstance extérieure au contrat. Elle demande le rejet de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts au motif que l'appelant ne justifie pas d'un préjudice actuel réel et certain.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 janvier 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
- Sur la demande principale :
Des pièces versées au débat, il ressort que le 10 février 2014, X… a conclu avec le cabinet ICI un mandat exclusif d'une durée de neuf mois pour la vente de deux maisons de ville de 95 et 85 m² au prix de 99.000 euros, incluant la rémunération du mandataire à la charge de l'acheteur, 13.000 euros à partager entre le cabinet ICI (8.500 euros) et IMMO'S FEVER (4.500 euros).
Le contrat comprenait une clause particulière ainsi rédigée : "prix net vendeur 86.000 euros. Crédit vendeur sans intérêt avec une mensualité de 600 euros minimum possible. Vente possible séparément au prix net vendeur respectif de 40.000 et 46.000 euros".
Le contrat stipule en titre III, intitulé 'rémunération du mandataire' que "la rémunération du mandataire dont le montant ou le mode de calcul est indiqué au recto deviendra exigible le jour où l'opération sera effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit signé par l'acquéreur et le vendeur. Le mandataire titulaire de la carte professionnelle perçoit sans délai sa rémunération ou sa commission une fois constatée par acte authentique l'opération conclue par son intermédiaire".
Le cabinet ICI reproche à X… d'avoir commis une faute en dissimulant l'état hypothécaire de son bien à l'agent immobilier et à l'acquéreur.
Les époux Y…, un temps intéressé par ces biens, ont renoncé. Le cabinet ICI soutient que la vente n'a pas été conclue en raison d'un courrier que Maître SAUVAGE, notaire, a adressé aux époux Y… le 04 avril 2015 dans lequel il indique qu'une inscription hypothécaire a été prise sur le bien pour un montant de 108.104 euros. Le notaire ajoute
"Compte tenu des modalités de paiement envisagées, il sera difficile voire impossible d'obtenir mainlevée de cette inscription, ce qui est de nature à empêcher la conclusion de la vente. La solution consisterait peut-être - si la banque devait l'accepter - à envisager une subrogation de votre part sur ce crédit. Je vous remercie de prendre contact avec l'étude afin d'examiner les possibilités envisageables".
La cour de cassation a jugé que l'intermédiaire professionnel, qui prête son concours à la rédaction d'un acte, après avoir été mandaté par l'une des parties, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention, même à l'égard de l'autre partie (civ. 1ère 14 janvier 2016 nº14-26.474).
En l'espèce, en insérant dans le mandat une clause particulière permettant à l'acquéreur de s'acquitter du prix de vente par mensualités de 600 euros, le cabinet ICI ne pouvait ignorer que le bien avait été acquis par X… à l'aide d'un prêt immobilier.
Dès lors, il appartenait à l'agent immobilier de s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité de la convention négociée par son intermédiaire et, à cette fin, de se faire communiquer par le vendeur son titre de propriété qui aurait permis de constater l'existence d'un prêt immobilier et de l'inscription d'hypothèque conventionnelle afférents à l'immeuble objet du mandat.
En conséquence, la SARL ICI IMMO'S FEVER a commis une faute engageant sa responsabilité. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande et le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.
X…, ne peut valablement soutenir qu'il a perdu neuf mois pendant lesquels il a continué de payer son crédit étant dans l'impossibilité de vendre ses maisons alors qu'il a signé un mandat exclusif de vente pendant cette période. Ne justifiant d'aucun préjudice, il sera débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur les demandes accessoires :
Il n'est pas inéquitable de condamner la SARL ICI IMMO'S FEVER à verser à X… la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL ICI IMMO'S FEVER sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 06 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en ce qu'il a condamné X… à verser à la SARL ICI IMMO'S FEVER la somme de 13.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
Déboute la SARL ICI IMMO'S FEVER de sa demande,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne la SARL ICI IMMO'S FEVER à verser à X… la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SARL ICI IMMO'S FEVER aux dépens,
Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Sophie GIRAUD, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.